De vastes éten­dues herbeuses, des taureaux noirs aux cornes en forme de lyre, des chevaux à la robe blanche, des étangs, des marais à perte de vue et la mer en toile de fond. Ce n’est pas un hasard si, sur les quelque 600 espèces d’oi­seaux d’Eu­rope, plus de la moitié ont choisi la Camargue comme lieu de villé­gia­ture ou de repro­duc­tion… une immense volière dont on aurait oublié, par bonheur, de fermer la porte. Pour décou­vrir ces grands espaces encore sauvages, tous les moyens sont bons, à condi­tion de ne pas trou­bler la tranquillité des lieux et de leurs hôtes, ailés ou non : à cheval, à pied ou en vélo. Pas une côte, ou presque : de quoi rassu­rer les petits mollets des jeunes cyclistes. C’est ainsi qu’on peut emprun­ter le chemin des rizières de l’im­mense étang de Vacca­rès (le plus vaste de la Camargue). C’est le terri­toire des gardians et des manades qui élèvent les taureaux, non pas pour la bouche­rie mais pour les courses camar­guaises (sans mise à mort bien sûr). Chevaux et bêtes à cornes coha­bitent avec les fameux flamants roses, les aigrettes et les canards.

La Digue à la Mer est une piste cyclable de rêve, construite à l’ori­gine (au XIXe siècle) pour proté­ger le delta de l’in­fluence de la mer et qui relie, sur 15 kilo­mètres, les Saintes-Maries-de-la-Mer et le phare de la Gacholle. C’est un splen­dide sentier qui pénètre au cœur de la Réserve natio­nale de Camargue, une zone aussi sauvage qu’elle est fragile ; les voitures en sont ainsi bannies.

Au sud de nulle part, pour para­phra­ser Bukowski (qui aurait sans doute appré­cié l’es­prit des lieux), il y a un site unique. Diffi­cile à trou­ver sur une carte, un lieu-dit, au bout d’une longue piste presque carros­sable : Beau­duc, une langue de sable de 10 kilo­mètres. Quelques caba­nons faits de bric et de broc. Un désert au bord de la mer, un para­dis pour les ermites et les amateurs de kite­surf. On peut en famille y ramas­ser des telli­nes* ou faire voler des cerfs-volants, à condi­tion que le vent ne soit pas ce jour-là d’hu­meur tempé­tueuse.

Pour “ rouler sur les eaux ”, le mieux est d’em­prun­ter le bac de Barca­rin qui traverse le Grand-Rhône entre Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône. Pour les vélos, la liai­son est gratuite. De hautes collines pointent leurs sommets à l’ho­ri­zon, est-ce un mirage ? Non, il s’agit des impres­sion­nantes dunes de sel, au pied desquelles les marais salants prennent des couleurs surréa­listes, du carmin vif au violet intense, en fonc­tion de la lumière.

Vincent Jadot

* coquillages comes­tibles