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Inter­view Le Jour des Corneilles

Publié le 07/11/2012

Toutes les bonnes fées se sont penchées sur le berceau du Jour des corneilles. Celle de l’au­dace, qui adapte un roman d’adulte pour les enfants, celle du talent de l’écri­ture, qui dote les dialogues d’une langue inédite, et celle de l’es­thé­tique, qui trans­forme une forêt en un tableau de Monet… La scéna­riste Aman­dine Taffin et le réali­sa­teur Jean-Chris­tophe Dessaint nous expliquent comment leur projet fou a vu le jour.

Comment avez-vous eu l’idée d’adap­ter le livre du Québé­cois Jean-François Beau­che­min, quasi impos­sible à trou­ver en France, qui est un roman pour adultes ?

A. T. : William Picot, le produc­teur, a adoré le livre et a tout de suite pensé à l’adap­ter en dessin animé pour les plus jeunes. L’idée pouvait sembler saugre­nue : le livre n’est pas du tout abor­dable pour des enfants. Pour­tant, à la lecture, on a envie de racon­ter cette histoire avec des mots et des dessins. Elle fait appel à notre part d‘en­fance, un peu comme les contes.

Qu’a­vez-vous gardé du roman ? 

A. T. : Sa ligne de force, qui traite de la quête très concrète d’un petit garçon pour l’amour de son père. Évidem­ment, notre film est très, très libre­ment adapté. Le roman est un mono­logue de l’en­fant devenu adulte. C’est une réflexion qui compte peu d’évé­ne­ments et aucune drama­tur­gie. Par exemple, la rencontre déter­mi­nante avec la fillette, comme tout ce qui se passe au village, tient en 8 pages sur les 150. Pour le film, nous avons dû renfor­cer les person­nages, mettre de l’ac­tion et choi­sir une piste qui nous éloigne de la fin narra­tive du roman.

Le père et le fils sont-ils fidèles à ceux du livre ?

A. T. : Dans le roman, le fils est déjà adulte mais parle et raisonne comme un enfant. J’ai choisi de le rajeu­nir pour rendre son atti­tude tout de suite compré­hen­sible par les spec­ta­teurs.

Ce film parle très direc­te­ment de la mort et même des mauvais trai­te­ments qu’un parent peut faire subir à son enfant. Des sujets tabous au ciné­ma…

A. T. : Mais ce sont des sujets qui inté­ressent les enfants, qui les travaillent ! On voulait juste­ment les mettre sur le tapis, pas de manière angois­sante mais plutôt de façon irréelle, à la manière des contes.

J.-C. D. : L’his­toire est assez dure, il s’agit d’une quête d’amour. Or, le père est un ogre avec une physio­no­mie impo­sante, un homme des bois. Pour que le public comprenne tout de suite qui il est, il fallait montrer de quoi il était capable, y compris sur son fils. Il lui donne des leçons mais ne le maltraite pas. J’y ai beau­coup veillé, dans la scène du tonneau notam­ment : j’ai essayé plusieurs situa­tions, pour choi­sir celle où il le pousse juste du bout du pied, sans violence. 

A. T. : Ce père est bien moins affreux que les belles-mères des contes de notre enfance !

Par oppo­si­tion, la voix de Claude Chabrol, qui joue le docteur, est très enve­lop­pante, très rassu­ran­te… 

J.-C. D. : Même sa bonhom­mie trans­pa­raît dans les traits du person­nage ! Celle de Jean Reno, qui joue le père, est toni­truante mais jamais malveillante. Nous avons pensé très tôt au casting des voix en misant sur le natu­rel des acteurs. Puis nous les avons lais­sés enre­gis­trer leur rôle en amont pour ensuite adap­ter les dessins à leur inter­pré­ta­tion. Ce qui ne se fait quasi­ment jamais au cinéma, où on utilise la post­syn­chro­ni­sa­tion.

Le langage du film n’est pas acadé­mique mais très imagé. Avez-vous repris celui du roman ? 

A. T. : Seule­ment quelques expres­sions comme “ enjambe ta culotte, fils ” ou “ maxi­ma­le­ment ”. C’est une langue inven­tée pleine d’ar­chaïsmes, de néolo­gismes, d’ar­got ancien. Le père et le fils Courge, qui vivent seuls dans la forêt, ont déve­loppé un langage à eux. J’ai essayé de le resti­tuer en l’adap­tant pour le rendre compré­hen­sible. Ce qui était très amusant.

L’ani­ma­tion était-elle le meilleur moyen de mettre en scène cette histoire ? 

J.-C. D. : Je me suis posé la ques­tion en arri­vant sur le projet. Le scéna­rio était déjà bien avancé. J’ai lu le roman pour en être sûr. Évidem­ment que l’ani­ma­tion était le médium le plus indiqué ! Elle seule permet­tait de plon­ger dans l’uni­vers d’une forêt, riche d’hu­mains et de reve­nants à qui nous avons donné l’al­lure d’ani­maux habillés, civi­li­sés. Nous les voulions sympa­thiques, normaux.

Si les person­nages sont styli­sés, la forêt, où se passent les trois quarts du film, est foison­nante, sujette à de nombreux chan­ge­ments de lumière. Pourquoi ce choix ?

J.-C. D. : La plupart du temps, dans les films d’ani­ma­tion, on privi­lé­gie le graphisme, la styli­sa­tion. Ici, il me semblait oppor­tun de repré­sen­ter la forêt à la manière d’un peintre impres­sion­niste. Avec Patrice Suau, le direc­teur artis­tique, nous aimons beau­coup Sisley ou Corot. Sans cher­cher vrai­ment à nous en inspi­rer, nous avons travaillé comme des peintres, en utili­sant des “ pinceaux ”, même si tout a été fait sur ordi­na­teur. Nous avons commencé par dessi­ner des croquis sommaires en travaillant la pers­pec­tive, puis jeter de la couleur comme un peintre l’au­rait fait sur une toile en plein air. Enfin, nous avons tenté de dissé­quer comment la lumière natu­relle éclai­re­rait un tel paysage. C’est moins précis qu’un travail graphique, mais plus foison­nant, plus enle­vé… En tous les cas, plus créa­tif et surtout plus rare.

Propos recueillis par Véro­nique Le Bris.

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