Ne demandez surtout pas l’heure à Michel Laubu, il serait capable de démonter sa montre pour compter les minutes qui s’égrainent. Artiste fantasque né en Turakie, quelque part entre l’imaginaire et l’apesanteur, ce bricoleur de génie pratique l’archéologie poétique en dévoilant les histoires secrètes des objets du quotidien. Son nouveau chantier de fouilles a pour cadre les fenêtres éclairées derrières lesquelles… Impossible d’en dire plus, sachez seulement que le voyage ne fait que commencer, que la mer risque de monter et qu’il faudra sans doute sauver les meubles et les animaux d’abord. Pour cette traversée en solitaire, Michel Laubu s’entourera de deux musiciens et des partitions de Rodolphe Burger. Roulis du cœur assuré.
Blandine Dauvilaire, pour Grains de Sel n°62 décembre 2010
Les Fenêtres éclairées
Du 18 au 29/01 à 20h, aux Subsistances, 8 bis, quai Saint-Vincent, Lyon 1er. www.les-subs.com Réservation au 04 78 39 10 02. Tarifs : de 6 € à 12 €. Durée : 1h environ.
Interview
Michel Laubu et son Turak Théâtre nous entraînent dans un nouveau voyage imaginaire, composé d’un spectacle insulaire et d’une exposition. Rencontre avec l’inventeur de la Turakie.
En parallèle du spectacle présenté aux Subsistances, vous plantez le décor d’un Appartement témoin aux musées Gadagne, de quoi s’agit-il ?
C’est une “Installation pour spectateurs en promenade” dans un appartement composé de quatre espaces : une cuisine, une chambre, une salle de bains et un salon-séjour. Dans chaque pièce, des meubles ordinaires sont installés de façon décalée pour laisser naître une logique absurde et s’amuser. L’Appartement témoin vient témoigner de la vie d’un habitant, le spectacle est la reconstitution de sa vie.
Votre théâtre d’objets plein d’humour vous permet d’entrer par une douce effraction dans l’imaginaire des spectateurs…
Il n’y a pas de préméditation dans notre travail, nous nous laissons guider par les objets. Comme un archéologue qui s’interroge à partir d’un petit morceau d’argile, nous avons recomposé un appartement à partir de nos fouilles archéologiques chez Emmaüs et dans les bennes. Par exemple, nous avons retrouvé des brosses à dents complètement tordues. Pourquoi ? Comment ? Nous avons aussi imaginé que cet habitant récupérait des guitares électriques, nous en avons intégrées dans les meubles et elles se mettent en route quand les gens s’approchent. Comme dans un jeu de piste, il faut donner des indices mais que ça reste mystérieux, pour que le visiteur mène son enquête. Un petit texte, qui pourrait être un extrait des carnets intimes de l’habitant, est remis à l’entrée du musée. Ensuite, je pense que les choses doivent fonctionner toutes seules. Certains feront des associations d’idées, d’autres trouveront ça incongru. Il y a une poésie qui peut donner envie de rêver.
Vous plongez volontiers dans l’intimité de vos personnages imaginaires…
C’est important pour nous d’aller chercher au plus intime à travers des choses ludiques. Nous travaillons depuis plusieurs années sur l’insularité et ce qui nous intéresse dans ce thème, étrangement, c’est l’intimité. À la fois le microcosme et les îles intérieures, ces îlots sur lesquels on se réfugie, ces souvenirs. Comme si l’océan était notre mémoire et nos souvenirs des îlots.
Que souhaitez-vous partager avec les visiteurs de cette installation ?
J’espère qu’en rentrant chez eux ils regarderont leur appartement autrement. Ce qui m’intéresse, c’est d’aiguiser leur regard et par là même leur imaginaire. Avec cette installation et ce spectacle, nous invitons les gens à poser un regard tendre sur les objets, à s’ouvrir un peu, à être curieux. Quand un spectateur me dit : “depuis que j’ai vu votre spectacle je regarde ma cafetière électrique autrement… j’ai l’impression qu’elle ronfle !”, ça me fait plaisir.
Propos recueillis par Blandine Dauvilaire pour Grains de Sel n° 62 décembre 2010