Il y a 25 ans, Grégoire Solotareff, illustrateur et auteur prolifique de livres pour enfants, a inventé le personnage de Loulou, ce loup gentil qui devient le meilleur ami du lapin Tom. En 2003, les deux compères ont raconté leur amitié contre nature au cinéma. Ados, ils reviennent aujourd’hui sur grand écran et en BD dans Loulou, l’incroyable secret.
Ce Loulou d’aujourd’hui est-il, comme le premier, adapté d’un de vos livres ?
Non, c’est une histoire originale, mais avec les mêmes personnages. Ils ont grandi, sont devenus ados et partent à l’aventure. Même le public visé, les 6–10 ans, est plus âgé.
Le premier film était un programme de courts métrages avec pour thématique le loup. Le deuxième est un long métrage. Pourquoi ?
Comme pour U, que j’ai réalisé entre-temps, je voulais cette fois-ci raconter une histoire plus longue, plus aventureuse, avec plus de rebondissements. Et j’avais envie de m’investir auprès de toute une équipe qui travaille à une recherche graphique différente de celle du livre. C’est une aventure de plusieurs années et un challenge amusant.
Les personnages existaient déjà en livre et au cinéma, pourquoi avoir changé leur aspect ?
Dans le premier film, ils étaient proches de ceux du livre, car réalisés avec les mêmes techniques de peinture : des aplats pour le décor, du pinceau ou du bambou pour le trait. Là, tout a été fait en numérique. Il a fallu redessiner Loulou, le réinventer à partir des bases existantes. Et puis il a grandi et a donc complètement changé d’allure.
Quelles sont vos influences en matière de dessin animé ?
Je n’ai pas et n’ai jamais eu de culture du dessin animé, même enfant. C’est un genre de cinéma qui ne me plaît pas plus que cela. D’où mon idée d’être très différent. Ce qui m’a inspiré pour ce film, c’est la peinture et le cinéma. Esthétiquement, j’adore l’expressionisme allemand : Murnau, Fritz Lang, l’atmosphère qui s’en dégage. Loulou est loin d’arriver à leur cheville, mais il y a des lumières, des jeux d’ombres, des atmosphères inquiétantes qui expriment le malaise d’une ville sans le dire clairement. Les rues sont très étroites, vides, l’ambiance fait un peu peur… Et j’aurais volontiers encore renforcé cet aspect-là !
Dans le livre fondateur de Loulou, celui écrit il y a 25 ans, était-il orphelin ?
Ni Loulou ni Tom n’avaient de parents. Ce sont des animaux : ils ont donc très vite appris à se débrouiller seuls. Ce n’était pas incohérent… et c’était surtout commode pour moi. Qu’ils aient des parents m’aurait embarrassé.
Pourquoi lui trouver une mère, alors ?
C’est juste un prétexte pour voyager, une ficelle narrative dont je ne tire aucun message sur la relation à la mère. C’est une quête pour Loulou, qui sait désormais qu’il a une mère qui vit très loin, et même un père que l’on s’est amusé à définir comme on le voulait. Mais le film parle plus d’autonomie, du passage à l’âge adulte, que de relations filiales. Même si l’interrogation sur son origine est une porte ouverte intéressante.
Quel est l’avenir de Loulou ?
Je lui ai déjà consacré deux films, trois livres et une BD, qui reprend les images et le découpage de L’Incroyable Secret. Là, j’ai envie de changer de sujet. Il y a quand même plus excitant dans la vie que de se répéter ou de gérer un patrimoine, non ?
Quels sont vos projets ?
J’ai commencé à écrire le scénario d’une fiction pour adultes. Mais pour l’instant, outre mes activités habituelles d’auteur* pour enfants et de directeur de la collection de livres pour tout-petits Loulou et compagnie, je suis en train de préparer une grande exposition.
Sur Loulou ?
En partie. Animal sera présentée au Quai à Angers en janvier et février 2014 puis, à partir d’avril, à l’abbaye de Fontevraud, où elle restera presque un an. Il s’agit de mon bestiaire en acrylique et grand format, ainsi que d’une somme sur Loulou. Seront exposées les études de décors et de personnages qui ont servi à la préparation du film, soit un ensemble de 300 à 400 dessins. C’est aussi la première fois que je présenterai mes sculptures en fibre de verre.
Propos recueillis par Véronique Le Bris.
Loulou l’incroyable secret
Sortie le 18 décembre. Dès 6 ans. Voir critique du film dans la rubrique cinéma.
* Le Méchant Petit Prince de Grégoire Solotareff est sorti en octobre 2013 et raconte l’histoire d’un petit prince que l’on croit méchant et qui ne l’est pas. Il préfère partir à l’aventure qu’obéir. En chemin, il rencontre une petite princesse qui n’est pas sage non plus. Éditions L’École des Loisirs.