Les 11 et 12 octobre, la compagnie KompleXKapharnaüM vous convie aux ultimes Fabulations pédestres périphériques, pour découvrir qui se cache derrière La Femme qui. Rencontre avec Stéphane Bonnard, maître de cérémonie de cette fantasque balade urbaine.
Depuis un an et demi, vous avez initié dans le quartier de la Soie des déambulations urbaines, avec pour fil conducteur une fable autour d’une mystérieuse femme. En quoi consiste ce projet un peu fou ?
La compagnie est installée dans le quartier de la Soie, à cheval sur deux communes, Villeurbanne et Vaulx-en-Velin. C’est un territoire magique, parce qu’il concentre toute l’histoire de l’urbanisme avec la présence de vieilles usines et habitats ouvriers, de grands ensembles, de terrains vagues et de bâtiments de verre qui sont en train de pousser. On travaillait déjà sur des déambulations urbaines et il nous a semblé évident de poser un regard d’artiste sur ce quartier. Depuis un an et demi, nous proposons un rendez-vous mensuel, à la sortie du métro Vaulx-en-Velin la Soie. On entraîne le public dans une balade incongrue, avec pour fil rouge l’histoire d’une femme étrange qui fait des apparitions et laisse des traces. On s’amuse beaucoup à détourner la signalétique. Des surprises artistiques attendent le public au détour des rues, des places.
Faut-il s’attendre à des révélations et à une expérience inédite pour les ultimes Fabulations pédestres d’octobre ?
Les habitués vont nous attendre au tournant et j’espère que nous n’allons pas les décevoir. Les nouveaux venus auront un rappel des très alambiqués épisodes précédents. Ce sera le grand dénouement, on saura enfin qui est La Femme qui… Pour ce grand final, plein d’artistes seront de la partie : les comédiens de Délice Dada, l’école nationale de musique de Villeurbanne, très impliquée dans cette histoire, le collectif NCNC qui mélange photo, texte et installation, les chanteurs tout-terrain de la chorale du Bois-d’Oingt, la compagnie des Transformateurs et bien sûr les vidéastes et musiciens de Komplex.
KompleXKapharnaüM ne fait pas du spectacle de rue, votre propos va plus loin. Vous faites de l’urbain le matériau même de votre exploration artistique. Pour quelles raisons ?
On a goûté à cette matière urbaine avec Square en 2000. Ce projet artistique déambulatoire nous a plongés dans 25 villes en l’espace de 4 ans. Ça change un homme. On s’est rendu compte à quel point la ville que l’on traverse, bien souvent sans la regarder, est un espace de scénographie et de dramaturgie. L’urbain est une matière à histoires inépuisable, selon la façon dont il est configuré. Les places, les églises ou les bureaux ne racontent pas la même chose. La matière urbaine est aussi faite de parcours de vie qui se croisent. Notre démarche se situe entre le spectacle et la posture documentaire. Et de fait, se pose pour nous la question de la place de l’artiste dans la cité.
Qu’est-ce que votre démarche artistique au cœur de la cité implique dans le rapport avec le public ?
Cela implique un partage de l’espace public. On n’arrive pas en terrain conquis. Une relation doit se construire, avec un partage d’expérience. Dans le quartier de la Soie, les Fabulations pédestres ont généré plein de bonnes surprises. Des habitants se sont emparés de cette fable. C’est assez délicieux pour nous de voir des enfants et des adolescents basculer complètement dans l’histoire de La Femme qui en se posant des questions : est-elle vraie, pas vraie ? Et pourquoi a-t-elle des cornes ? Un prof de collège a mené une enquête avec ses élèves qui ont fait des photos. La bibliothèque aussi s’en est mêlée, en collectant des infos sur cette histoire.
Finalement, qu’est-ce qu’incarne cette fable urbaine ?
Elle interrompt le flux bien huilé de la ville. Elle est un pied de nez à son organisation rationnelle. Autour de cette fable se crée une petite communauté de gens autour d’un rituel. Je crois qu’il faut réintroduire du sacré et de la déraison dans un monde trop pragmatique.
Propos recueillis par Aude Spilmont.