550 œuvres, 3 000 m² d’exposition qui balaient 60 ans de création… la rétrospective Erró, déployée au musée d’Art contemporain de Lyon, offre une plongée étourdissante dans l’univers foisonnant de cet artiste inclassable. Né en Islande en 1932, Guðmundur Guðmundsson (de son vrai nom) est un précurseur qui a anticipé le flux d’images permanent déversé désormais par Internet.
Avec de simples ciseaux et de la colle mais un sens de la composition génial, il détourne les textes, objets et images qui l’entourent, invente des tableaux-collages critiques ou satiriques qui parlent avec force de notre monde. L’accrochage du MAC, dense mais très réussi, présente le travail d’Erró dans sa continuité et sa diversité, depuis les premières créations jusqu’à aujourd’hui.
Au 1er étage sont réunies les œuvres « historiques » (1955 à 1964), qui illustrent parfaitement sa méthode du collage-peint. Carcasses aux accents moyenâgeux, Mécamasksd’inspiration surréaliste constitués d’objets de récupération, toiles ultracolorées composées avec minutie, etc. Erró procède par séries thématiques, découpe, assemble, sature l’espace d’informations visuelles, entremêle dessins, histoire de l’art, personnages politiques, super-héros et se renouvelle sans cesse de manière surprenante.
Le 2e étage (1964 à 2000) en donne de beaux exemples. À partir de 1964, toutes ses peintures sont réalisées à partir de ses collages. Marqué par son voyage à New York et la société de consommation américaine, l’artiste imagine d’impressionnants paysages panoramiques baptisés Scapes, dans lesquels il accumule jusqu’au vertige une multitude d’images d’un même objet. La politique internationale alimente aussi son inspiration. Telle la saga consacrée à Mao et ses partisans « en tournée triomphale dans les lieux emblématiques d’Occident », qui ne manque pas de piquant. Chez l’insatiable Erró, l’humour se glisse partout, le plaisir de peindre est manifeste, tout autant que l’énergie folle qui l’habite. Il en faut pour tracer d’un seul jet ou presque, à la peinture glycérophtalique qui sèche si vite, des fresques débordant de personnages colorés.
Le 3e étage fait la part belle aux œuvres spectaculaires réalisées entre 2000 et 2014. Toujours hyperactif du pinceau, ce formidable manipulateur d’images laisse libre cours à sa passion pour la BD et les comics de Marvel. Exposée à côté du collage originel, la célèbre peinture Silver Surfer Saga (3 m x 5 m), qu’il vient d’offrir au MAC, est un modèle du genre.
Humaniste, généreux, virtuose et d’une élégante simplicité, ce jeune homme de 82 ans, qui se passionne à présent pour le manga, a trouvé à Lyon un écrin à sa mesure. Et nous l’une des plus belles expos de l’année.
Blandine Dauvilaire