La Fête du livre jeunesse de Villeurbanne ne manque pas d’air ni d’ambition. Cette année, elle interpelle tous les citoyens en intitulant sa 16e édition : Cap ou pas cap ? Gérard Picot, son directeur, n’en fait pas mystère, il creuse depuis des années le même sillon avec obstination. « Au-delà de la blague, ce thème est une manière d’aborder encore et toujours la notion de résistance », précise-t-il. « À un moment, quand on les emmène sur des pistes où ils ne veulent pas aller, les enfants et les ados doivent être capables de dire non, de ne pas suivre un certain consensus, notamment dans le cas des réseaux sociaux et du harcèlement. Il est très important d’oser affirmer sa différence, d’être capable de dire : « je refuse parce qu’on abuse de moi ou qu’on m’en demande trop ». Le dialogue intergénérationnel a du mal à se mettre en place, mais en semant des livres, on sème de la connaissance et c’est formidable. Lisez ! Il n’y a que la connaissance qui sortira le monde de la soumission ! ». Par Blandine Dauvilaire.
Les petits secrets de Delphine Perret
Auteure-illustratrice dont on aime particulièrement le coup de crayon, Delphine Perret est l’invitée d’honneur de cette édition. L’occasion de soutirer quelques mots à cette artiste plutôt discrète.
En tant qu’invitée d’honneur, vous présentez à la MLIS une exposition inédite baptisée Troisième pile, de quoi s’agit-il ?
Quand on trie, il y a une pile qu’on jette, une pile qu’on garde et une pile dont on ne sait jamais quoi faire, c’est cette troisième pile que je vais montrer. Je dessine beaucoup sur des chutes de papier, les visiteurs vont découvrir ces petites choses-là qui sont des étapes de travail en atelier. Je vais créer une salle d’attente pour les personnages qui sont en attente d’une histoire, montrer le projet d’un livre impossible qui parlerait de tout, les petites et les grandes choses de la vie. Je présenterai aussi des micropublications. En bas, il y aura une cabane et des paysages projetés au mur avec des casques diffusant des ambiances sonores, pour évoquer la thématique du voyage sur laquelle j’ai travaillé avec plusieurs classes, et qui est une composante importante de mon nouveau livre.
Vous êtes également cofondatrice du Bocal, qui va intervenir durant la fête…
Le Bocal, c’est à la fois un atelier qui regroupe 10 artistes, une galerie que quatre d’entre nous développent, où nous exposons plusieurs fois par an d’autres illustrateurs, graphistes, dessinateurs, et des travaux d’illustration réalisés à quatre mains par Tian Veasna, Lucie Albon, Mathieu Perret et moi-même (le Bocal-LTD). À Villeurbanne, nous allons investir le centre culturel et de la vie associative avec de grandes formes et des personnages découpés.
Vous venez de publier Pablo et la chaise aux éditions Les Fourmis Rouges…
C’est une histoire qui est d’abord parue dans le numéro Chaise du magazine Georges. Pablo est un petit garçon qui reçoit une chaise pour son anniversaire, il est extrêmement fâché de ce cadeau et part en voyage, mais il va finalement réussir à en faire autre chose en devenant funambule de dossier de chaise.
Comment travaillez-vous généralement ?
J’ai un carnet dans mon sac qui me permet de noter mes idées. Elles peuvent rester des mois, des années enfermées dans ce carnet. Si je retombe dessus, qu’elles me titillent et que j’ai envie d’en faire une histoire, j’essaie de les développer. J’avais par exemple une histoire sur La Joconde qui part refaire sa vie à Las Vegas, vendre des bottes à franges. L’idée me faisait rire mais pour en faire vraiment une histoire, j’en ai un peu bavé. Pour Pablo, je suis partie de la contrainte de la chaise et ça s’est déroulé tout seul. Je travaille souvent en même temps l’écriture et le dessin. Dans le trait, j’aime bien dire beaucoup avec peu. J’écris d’abord pour me faire plaisir puis pour partager avec les autres. C’est assez chouette d’imaginer qu’on est reliés, indirectement, connectés par un livre, que ce soit dans l’humour ou dans d’autres émotions.
Puisque c’est le thème de la fête cette année, quel est le truc le plus fou que vous êtes cap de faire ?
Partir à Moscou animer un atelier sans parler un mot de russe, je l’ai fait et ça s’est bien passé. Ou faire du parapente, mais je ne sais pas si je serais encore cap de le faire aujourd’hui !
Et celui dont vous ne vous sentez pas cap ?
Ça me paraît impossible de me passer de musique, de m’empêcher de siffloter et de chanter, plus que de dessiner.