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Tout en haut du monde

Publié le 22/01/2016

1892, Saint-Pétersbourg. Sacha, une jeune fille de l’aristocratie russe, a toujours été fascinée par la vie d’aventure de son grand-père, Oloukine. Explorateur renommé, concepteur du Davaï, son magnifique navire de l’Arctique, il n’est jamais revenu de sa dernière expédition à la conquête du Pôle Nord. Et maintenant son nom est sali et sa famille déshonorée. Pour laver l’honneur de la famille, Sacha s’enfuit. En route vers le Grand Nord, elle suit la piste de son grand-père pour retrouver le fameux navire.

• Le film :

Sacha, une jeune aris­to­crate de Saint-Péters­bourg, a toujours été fasci­née par son grand-père, Olou­kine, aven­tu­rier passionné dont on a perdu la trace sur la route du pôle Nord. 

Convain­cue que les recherches ont été menées sur une mauvaise voie, Sacha décide de le retrou­ver elle-même. 

L’his­toire de cette jeune fille bien née est inédite, inven­tée, même si elle s’ins­crit dans l’his­toire de la conquête du pôle Nord, fina­le­ment et offi­ciel­le­ment atteint en 1968 ! Mais juste­ment, son récit est fasci­nant, parce qu’il mêle avec subti­lité le destin d’une petite prin­cesse russe à celui d’une aven­tu­rière. 

Pour magni­fier le tout, une tech­nique très origi­nale de dessin, à l’al­lure très pictu­rale, a été imagi­née par l’équipe de Rémi Chayé. Avec beau­coup d’aplats de couleurs satu­rées, la blonde et pâle Sacha évolue tantôt dans des palais aux façades pastel estom­pées par la brume, tantôt sur une banquise infi­nie révé­lée par un superbe coucher de soleil. 

Héroïne déter­mi­née et éner­gique, Sacha parvient à mobi­li­ser autour d’elle une vaillante équipe de navi­ga­teurs dans une quête resser­rée au maxi­mum, qui ne faiblit jamais ni en inté­rêt ni en inten­sité. 

Véro­nique Le Bris

• Inter­view de Rémi Chayé :

Fan de bande dessi­née et colla­bo­ra­teur précieux de Jean-François Laguio­nie sur L’Ile de Black Mor ou Le Tableau, puis assis­tant réali­sa­teur de Bren­dan et le secret de Kells, Rémi Chayé s’éman­cipe en signant un superbe premier long métrage, Tout en haut du monde, honoré du prix du public au Festi­val d’An­necy 2015. Il nous explique pourquoi il a choisi le sujet de la conquête du pôle Nord et ce graphisme très pictu­ral pour racon­ter l’his­toire de la jeune Sacha. Rencontre. 

 

Est-ce par passion pour la Russie tsariste ou pour l’ex­plo­ra­tion des pôles que vous vous êtes inté­ressé à cette jeune aris­to­crate aven­tu­rière ?

Rémi Chayé : Le scéna­rio est né d’une fulgu­rance créa­tive. Quand j’ai rencon­tré Claire Paoletti, la scéna­riste, elle m’a présenté son projet ainsi : Sacha, une jeune aris­to­crate blonde, part à la recherche de son grand-père perdu sur la banquise. Elle pensait qu’une héroïne adoles­cente pouvait inté­res­ser des enfants plus jeunes. 

Est-ce ce pari qui vous a convaincu ? 

J’ai foncé sur ce projet parce que l’hé­roïne était une fille qui n’est pous­sée que par sa volonté et ses valeurs, pas par ses super­pou­voirs. Et c’est aussi un vrai film d’aven­ture qui peut plaire aux garçons ! 

Et fallait-il abso­lu­ment qu’elle soit russe ? 

Le film parle de la conquête du pôle Nord, qui n’est ni russe, ni datée de cette époque-là. Mais, pour que l’his­toire soit crédible, la proxi­mité géogra­phique était impor­tante, puisque Sacha quitte Saint-Péters­bourg pour un port sibé­rien d’où elle s’em­barque pour traver­ser la banquise. 

Vous ne donnez d’ailleurs aucune expli­ca­tion sur la conquête du pôle Nord qui est, en vérité, très diffé­rente de ce que vous racon­tez ! 

C’est vrai. On recti­fie la véra­cité à la toute fin du géné­rique, en faisant s’en­vo­ler le drapeau planté. Offi­ciel­le­ment, le pôle Nord n’a été décou­vert qu’en 1968, même si pas mal d’ex­plo­ra­teurs ont reven­diqué sa conquête dès la fin du XIXe siècle, mais sans jamais en appor­ter de preuves tangibles. 

Votre film est en français, est-ce parce que c’était la langue parlée par l’aris­to­cra­tie russe de l’époque ? 

Il n’a jamais été ques­tion de parler une autre langue. On s’est appro­prié cette Russie en utili­sant les palais de Saint-Péters­bourg, leurs couleurs pastel et leurs dorures, comme symbole de l’en­fance privi­lé­giée de Sacha. C’est une enfant bien née, entou­rée, une petite prin­cesse fasci­née par son grand-père aven­tu­rier. 

Pour­tant, subi­te­ment, quand la musique arrive, les paroles sont en anglais. Pourquoi cette rupture ? 

Je voulais un contre-pied musi­cal comme le font Jim Jarmusch ou Sofia Coppola. Pas de musique russe, ni de musique d’époque ou d’épo­pée à l’amé­ri­caine. Je rêvais d’une parti­tion contem­po­raine, fami­lière aux jeunes d’aujourd’­hui. La compo­si­tion de Jona­than Morali, un musi­cien pop folk français que j’adore, corres­pond très bien à ce que j’at­ten­dais. 

Autre inno­va­tion, la matière graphique de votre film. Il ne s’agit ni de pastels ni de couleurs diluées, mais d’une compo­si­tion origi­nale très pictu­rale. Qui l’a inven­tée ?  

C’est Patrice Suau, le déco­ra­teur et peintre en anima­tion qui avait donné sa couleur impres­sion­niste au Jour des Corneilles ou hyper­réa­liste aux Lascars. Ici, il a renforcé le style pictu­ral que j’avais imaginé en peignant au pinceau sur Photo­shop. Ce qui prend un temps fou. En partant de surfaces plates et en satu­rant les couleurs, il parvient, comme un affi­chiste, à fabriquer un univers simpli­fié mais réaliste. 

Vous préten­dez pour­tant que le style graphique est apparu le jour où vous avez supprimé les contours ? 

C’est vrai, j’avais commencé par faire des traits, des lignes très tendues pour déli­mi­ter les person­nages. Le jour où je les ai enle­vés, ça a fait tilt ! 

Comment cela ? 

Quand on dessine des person­nages cernés au trait sur des décors peints, ça donne un effet plaqué. Donc, on floute les contours pour mieux les insé­rer. On perd alors la possi­bi­lité de jouer sur leur lumière. 

Cela ne risque-t-il pas de limi­ter les expres­sions humaines ?  

Je ne crois pas. C’est même un des points forts du film. Les émotions passent. Cela contraint juste les dessi­na­teurs à travailler diffé­rem­ment dans certaines pers­pec­tives ou pour montrer la profon­deur des gestes. On est parfois plus réaliste qu’a­vec des traits. 

Comment avez-vous réussi à rendre expres­sive Sacha, une blonde au visage pâle et aux yeux clairs ? 

En accro­chant l’ex­pres­sion à son regard, c’est-à-dire à ses yeux, à ses sour­cils, et à sa bouche. Liane-Cho Han, qui a super­visé l’ani­ma­tion, a même mis au point une tech­nique écono­mique, inspi­rée du dessin animé japo­nais, pour donner une expres­sion très forte en rédui­sant le nombre de dessins. À l’op­posé de ce que fait Disney par exemple. 

Le tout début du film est d’ailleurs une sorte de diapo­ra­ma… 

Oui, c’est une succes­sion de tableaux liée au souve­nir et un contrat que je passe avec le spec­ta­teur, une façon de le prépa­rer à ce qui l’at­tend. J’au­rais pu choi­sir d’ani­mer les foules, par exemple, mais la suite aurait semblé trop fade. Là, je solli­cite d’em­blée l’ima­gi­na­tion du public. 

La fin très ouverte du film laisse-t-elle envi­sa­ger une suite ? 

Ah non ! Pas pour moi ! 

Pour­tant, tout commen­ce… On a envie de savoir ce que Sacha va deve­nir, alors que la révo­lu­tion russe se prépa­re… 

On a imaginé, écrit, story-boardé plein de fins possibles, mais aucune n’était satis­fai­sante. Soit cela multi­pliait les fins et brisait le rythme de l’his­toire, ce qui est un problème récur­rent des dessins animés ; soit chaque fin rédui­sait la quête initiale de Sacha. Là, on comprend qu’elle a choisi l’hu­main, la vie, et en cela, elle est plus forte que son grand-père. 

Quel sera votre prochain projet ? 

Un film avec une héroïne encore, Cala­mity Jane, dont je vais présen­ter un premier pilote au Cartoon Movie, début mars à Lyon. 

 

Propos recueillis par Véro­nique Le Bris 

 
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