Alors que les commémorations du centenaire de la première guerre mondiale battent leur plein, le musée Gadagne a choisi d’aborder cette thématique sous un angle décalé et porteur de sens.
Conçue pour un large public, l’exposition Guignol 14–18. Mobiliser, survivre nous plonge dans le récit de la grande guerre à travers le prisme de la marionnette la plus populaire de tous les temps. Riche de 150 œuvres et objets (photographies, films, correspondance, marionnettes, jouets, lecture sonore par des comédiens…), cette belle exposition montre comment la figure de Guignol fut utilisée sur tous les fronts, même les plus contradictoires. Symbole de la bravoure, Guignol devient lors de la guerre de 14–18 un objet de propagande pour nourrir le sentiment patriotique et justifier l’effort de guerre. Même les enfants sont la cible du bourrage de crâne. On leur montre notamment Guignol faisant fuir un Père Noël allemand. Mais ce personnage complexe aux multiples facettes endosse aussi d’autres rôles. Avec la verve et l’ironie qui le caractérisent, il se fait le porte-voix des poilus et des petites gens dans des représentations non officielles. Il raconte les rats dans les tranchées, la chair à canon des combats. Il persifle les profiteurs de guerre et les manquements des autorités.
L’exposition aborde également une autre « fonction » jouée par Guignol à l’époque de la grande guerre : celle de soupape de décompression et de résistance à la morosité. Durant ces années sombres, de nombreuses pièces jouées par des petites troupes de volontaires sont données dans les hôpitaux lyonnais et dans les zones de cantonnement des troupes. Sur le front, des soldats eux-mêmes improvisent avec des castelets de fortune des histoires qui donnent du baume au cœur à leurs camarades, ont pour arme le rire et sont le témoignage d’une pulsion de vie. Cette partie, la plus intéressante de l’exposition, ouvre le champ d’une réflexion très actuelle à partager avec ses enfants. À quoi sert de créer, tout particulièrement dans un contexte de guerre et de violence ? Voilà qui nous rappelle cette parole lumineuse laissée aux jeunes générations par les grandes figures de la Résistance : « Créer c’est résister ».
Et puisque de création il est question, le service jeune public des musées Gadagne a eu la bonne idée de proposer, en résonnance à l’exposition, deux spectacles familiaux. Le premier, signé par la compagnie des Zonzons, raconte en marionnettes, avec humour, musique et chansons, la grande guerre. Le second, créé par la compagnie Chicken Street, spécialisée dans le théâtre d’objets, plante sur scène un comédien et des tonnes de patates pour une reconstitution délirante de 14–18. Le presse-purée n’est pas loin, attention si vous vous asseyez au premier rang !
Aude Spilmont