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L’en­fance du 7e art

Publié le 07/10/2019

Ciné-goûters-ateliers, séances spéciales famille, comme celle consa­crée à Char­lie Chaplin lors du prochain festi­val Lumiè­re*, qui souffle ses dix bougies cet autom­ne… Qui n’em­mène pas sa petite tribu au ciné n’est pas Lyon­nais, hé ! Mais comment initier ses enfants au plai­sir de vivre des aven­tures dans les salles obscures ? Comment en faire des ciné­philes aver­tis ? Grains de Sel vient en aide aux parents un peu largués, éclairé par le regard de profes­sion­nels. Silen­ce… ça tourne !

E.T., Chaplin, Malé­fique et autres sorcières Disney, Indiana Jones, Dark Vador… tous ces héros ou anti-héros ont bercé nos tendres années. Nombreux sont les adultes d’aujourd’­hui à avoir vécu leurs plus belles émotions, et leurs plus grands chocs esthé­tiques, dans une salle obscure. On s’est iden­ti­fié aux person­nages, on a ri, trem­blé de peur, on s’est posé pas mal de ques­tions sur l’his­toire du film, et sur la vie en géné­ral après… Sans oublier la joie de grigno­ter pop-corn et autres frian­dises, lové dans un grand fauteuil. Ces souve­nirs nous hantent encore bien des années plus tard. Quand vient son tour d’être parent, il est natu­rel de vouloir trans­mettre le plai­sir de regar­der des films à ses enfants.

Mais on ne sait pas toujours comment s’y prendre. À quel âge leur montrer un long-métrage à la maison ? Quand les emme­ner au cinéma ? Comment savoir s’ils sont prêts ? S’ils vont passer un bon moment ? Comment en faire des ciné­philes, aptes à faire les « bons » choix lorsqu’ils iront se faire une toile entre copains ? On se retrouve parfois démuni devant cette page blanche. « Il faut bien sûr véri­fier l’âge mini­mum conseillé par les distri­bu­teurs, mais aussi garder à l’es­prit que chaque enfant réagit d’une façon diffé­rente, selon son carac­tère, ses centres d’in­té­rêt et son histoire person­nelle », souligne Pauline Blocquel, psycho­logue spécia­liste de l’en­fance à Tassin-la-Demi-Lune. Pour tes premières fois au cinéma, tenir compte de tout cela tu devras, petit Jedi.

Clap de début

Les premières séances peuvent avoir lieu à la maison, un cadre sécu­ri­sant où l’en­fant a ses repères. Bien sûr, on évite les écrans avant ses trois ans, d’au­tant que sa concen­tra­tion dépasse rare­ment les quinze minutes. Une fois la quatrième bougie souf­flée, vient le moment du choix d’un dessin animé ou d’un film d’ani­ma­tion, en fonc­tion de ses goûts et de ses premières idoles : prin­cesses, dino­saures, pirates, danseu­ses… L’avan­tage d’un DVD ou du replay étant que l’on peut appuyer sur « stop » à tout moment.

Rien ne saurait, cepen­dant, rempla­cer l’am­biance d’une salle de ciné. « Cinq ou six ans me paraît être le bon âge pour y aller, conseille Pauline Blocquel. Le passage en école élémen­taire
coïn­ci­dant
avec cette première sortie de grand. » À l’heure du strea­ming et des films acces­sibles à volonté, comment trans­mettre le plai­sir de se réfu­gier dans une salle avec d’autres spec­ta­teurs ? La boîte de pop-corn, le restau­rant en famille dans la foulée ou l’apéro-sirop après la séance au cinéma Le Zola… les à-côtés comptent presque autant que le film choisi. Mais comment le choi­sir juste­ment, ce film ? Rien ne vaut le conseil d’un profes­sion­nel.

Coline David, en charge du jeune public depuis treize ans au Comœ­dia, dans le 7e arron­dis­se­ment, visionne une quin­zaine de films par semaine et se fait un devoir d’orien­ter les parents car « ils ont besoin de repères », constate-t-elle. Ce cinéma indé­pen­dant d’art et d’es­sai diffuse les grosses produc­tions comme le dernier Pixar Toy Story 4 sorti l’été dernier, mais aussi de grands clas­siques (Chaplin, Buster Keaton, Ernest et Céles­tine…) et une grande variété de dessins animés : papiers décou­pés, pâte à mode­ler, marion­nettes comme Pat et Mat, deux brico­leurs gaffeurs qui rencontrent un grand succès chez les plus jeunes. « Pour les tout-petits, je conseille des courts-métrages comme le récent Un petit air de famille. Des histoires courtes qui permettent à l’en­fant de raccro­cher lorsqu’il a perdu le fil. »

Le cinéma Le Zola mise lui aussi sur la courte durée pour son « Ciné-doudou » mensuel : trois films d’ani­ma­tion s’en­chaînent, sur un thème comme « Loups tendres et loufoques » le 27 octobre à 10h30, le tout n’ex­cé­dant pas 50 minutes. Pour les ciné­philes en herbe, la plupart des ciné­mas de la Métro­pole lyon­naise se mettent en quatre, à l’image de l’Aqua­rium-Café (Lyon 4e), avec sa séance jeune public le dimanche, ou encore du cinéma de Rillieux-la-Pape qui propose un ciné-goûter autour d’un film du patri­moine pendant les vacances scolaires, agré­menté d’un atelier ludique ou créa­tif.

Les pré-ados ne sont pas en reste : ils ont accès à des films plus longs, qui font appel à la réflexion, comme Le Voyage du prince, qui sortira le 4 décembre au Comœ­dia. Quel que soit leur âge, il faut avoir conscience que les enfants ne vivent pas la même expé­rience que nous, spec­ta­teurs aguer­ris.

Une salle, plusieurs ambiances

« Le cinéma, c’est grand ; il fait noir, le son est fort… Tous ces éléments combi­nés peuvent être impres­sion­nants pour un tout-petit », souligne Pauline Blocquel. Mieux vaut donc lui expliquer en amont comment cela va se passer. Une fois la séance commen­cée, il faut obser­ver les réac­tions de l’en­fant et ne pas hési­ter à sortir si on le voit s’en­fon­cer dans le fauteuil, se cacher les yeux… bref, montrer des signes de malaise. Ou au moins lui suggé­rer une pause. « C’est pourquoi il vaut mieux arri­ver alors que les lumières sont encore allu­mées. Cela permet de repé­rer avec lui les issues de secours, les toilet­tes… et de le rassu­rer. »

Car si les risques sont limi­tés lorsque le film est adapté à l’âge de l’en­fant, il reste diffi­cile d’an­ti­ci­per ses réac­tions. Outre le contexte de la salle, certains person­nages ou certaines situa­tions peuvent être sources d’an­goisse. À chaque Disney son méchant… plus ou moins trau­ma­ti­sant. « Le rôle des méchants est d’ai­der l’en­fant à se confron­ter à ses peurs et à les surpas­ser, mais ils peuvent aussi engen­drer quelques cauche­mars par la suite, indique Pauline Blocquel. Mieux vaut les garder pour plus tard, quand l’en­fant est sorti de la période de cauche­mars, en géné­ral après ses cinq ans. »

Cela dit, même si une scène ne compte pas de méchant, elle peut marquer les jeunes spec­ta­teurs. Comme la mort des parents d’Elsa et Anna dans La Reine des neiges, évoquée par le naufrage du bateau et la musique triste. « Ils sont où les parents ? Pourquoi elles pleurent ? », autant de ques­tions qui peuvent tour­ner dans la tête de l’en­fant, même si chacun réagit diffé­rem­ment. Une séquence montrant un person­nage qui se prend une tarte à la crème peut lais­ser certains jeunes spec­ta­teurs de marbre et en frap­per d’au­tres… de plein fouet. Pendant et après la séance, il faut donc rester à l’écoute et s’at­tendre à des ques­tion­ne­ments. « Entre trois et six ans, les enfants ne sont pas toujours capables de diffé­ren­cier la réalité de la fiction et encore moins de comprendre le second degré. Or, si les films adap­tés sont épar­gnés, il y a beau­coup de second degré dans certains dessins animés », remarque Pauline Blocquel.

Quand Coyotte tombe de la falaise en pour­sui­vant Bip-bip, se fait-il très mal ? Et le loup qui atter­rit dans la marmite des trois petits cochons, se brûle-t-il ? L’en­fant peut être marqué, voire choqué, par certaines scènes incom­pré­hen­sibles pour lui. « Au début, mieux vaut privi­lé­gier les graphismes simples et les situa­tions rappe­lant le quoti­dien, comme dans les dessins animés Peppa Pig ou Tchoupi, où le débit de paroles n’est pas très élevé, et sans effets spéciaux », recom­mande Pauline Blocquel.

L’autre risque, c’est une iden­ti­fi­ca­tion trop forte aux person­nages. « Avant de lui montrer Spider­man, il faudra bien expliquer qu’on ne peut pas voler, sauter d’im­meuble en immeu­ble… car il sera tentant pour lui d’es­sayer de faire comme son héros. Même chose avec les “méchants”, qui fascinent aussi car ils font des choses inter­dites. »

Le temps du débrief

On l’a compris, le rôle des parents ne s’ar­rête pas au choix de la séance ni au fait d’ac­com­pa­gner l’en­fant dans la salle. Ils devront répondre à ses ques­tions à l’is­sue de la séance, car le film conti­nue de vivre en lui après le géné­rique de fin. On débriefe au calme, autour d’un repas ou d’un goûter, on discute de ce qui l’a marqué, que ce soit sur le plan esthé­tique ou au niveau de l’his­toire. Si l’en­fant revient plusieurs fois sur une scène, c’est que quelque chose l’in­ter­roge.

« On peut alors complé­ter avec des livres péda­go­giques autour du sujet du film, ou même des jeux », conseille Pauline Blocquel. S’il refuse de dormir ou s’il fait des cauche­mars après, cela peut être le signe que le film a ®éveillé des angoisses plus profondes. Un accom­pa­gne­ment par un psycho­logue, par exemple, sera alors le bien­venu. Le cinéma peut d’ailleurs être l’oc­ca­sion de discu­ter de sujets rare­ment abor­dés au quoti­dien, comme les émotions. Pas les grandes émotions, comme les grosses colères ou la joie intense, mais ces toutes petites émotions, person­ni­fiées dans le film Vice-Versa. « Ce film montre qu’il y a tout un monde à l’in­té­rieur de chacun de nous, des senti­ments, parfois contra­dic­toires, qui se mêlent et expliquent nos compor­te­ments, note Pauline Blocquel. Lorsqu’on échange sur ce que l’en­fant ressent au quoti­dien, les choses s’apaisent souvent d’elles-mêmes. »

Ceux qui ont du mal à dialo­guer avec leurs enfants peuvent s’ap­puyer sur des livres comme 100 grands films pour les petits, de Lydia et Nico­las Boukh­rief (Gründ, Arte Éditions). Du Voyage dans la Lune à La Tortue rouge, en passant par les incon­tour­nables Fanta­sia, E.T. l’ex­tra-terrestre ou Mon voisin Totoro, les auteurs passion­nés de 7e art offrent un vaste pano­rama de ce que les enfants peuvent voir de meilleur et de plus forma­teur, et ouvrent des pistes pour « l’après », en propo­sant des lectures complé­men­taires, d’autres films qui entrent en réso­nance et permettent de se consti­tuer une vidéo­thèque, d’étan­cher sa curio­sité sur
un thème…

Les salles, elles-mêmes, sont conscientes que l’après-séance est primor­dial. Le Comœ­dia orga­nise ainsi un ciné-goûter-atelier un mercredi sur deux, l’ate­lier étant en rapport avec le film, comme la sensi­bi­li­sa­tion à l’en­vi­ron­ne­ment après la projec­tion de Bonjour le monde. « On travaille souvent main dans la main avec le distri­bu­teur afin d’ac­com­pa­gner le public au moyen de jeux et de docu­ments péda­go­giques, explique Coline David. Cet après-séance peut aussi prendre la forme de débats desti­nés aux 8–12 ans, menés par l’as­so­cia­tion Philo­so­ph’art par exemple. »

L’es­sen­tiel étant que l’en­fant puisse parta­ger son ressenti. C’est aussi le cheval de bataille du « Ciné-animé » qui se tient à la Maison pour tous, salle des Rancy (Lyon 3e). Après la projec­tion, enfants et parents sont invi­tés à faire part de leurs émotions et à déve­lop­per leur esprit critique, lors d’un échange animé par notre colla­bo­ra­teur, Nico­las Schiavi. Le prochain Ciné-animé aura lieu le samedi 9 novembre après la projec­tion de Drôles de créa­tures.

Autant de preuves que les salles obscures sont un formi­dable lieu d’ap­pren­tis­sage de la vie.

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Ses débuts dans le 7e art

Passer derrière la caméra est un bon moyen de faire vivre la passion d’un enfant pour le cinéma. L’offre est plutôt riche à Lyon. La compa­gnie Sous le Ciel, par exemple, propose aux 5–10 ans des ateliers de concep­tion / réali­sa­tion de petits films arti­sa­naux sur table lumi­neuse. Une acti­vité à cheval entre la marion­nette, le cinéma d’ani­ma­tion, la musique et l’ate­lier créa­tif.

Le prochain atelier, Ma ville, programmé pendant les vacances, du 21 au 23 octobre, permet­tra de réali­ser un petit film de A à Z, du scéna­rio à la bande-son, en passant par la fabri­ca­tion des décors et des figu­rines (85€ + 5€ d’adhé­sion à l’as­so­cia­tion, 2 place Gerson, Lyon 5e). L’ins­ti­tut Lumière propose, quant à lui, des ateliers Décou­verte (8€, à partir de 7 ans) consa­crés à la période qui a précédé l’in­ven­tion du cinéma (29 octobre à 14h30) ou encore aux musiques de films (22 octobre et 31 octobre à 14h30).

Il y a un âge pour tout

Coline David la respon­sable des films jeune public au Comœ­dia, nous livre son palma­rès, en fonc­tion de l’âge des spec­ta­teurs.

  1. Dès 2–3 ans : Les Aven­tures de la Petite Taupe de Zdenek Miler
  2. Dès 4–5 ans : Mon voisin Totoro de Hayao Miya­zaki
  3. Dès 6–7 ans : Le Cirque de Char­lie Chaplin
  4. Dès 8–9 ans : Tout en haut du monde de Rémi Chayé
  5. Dès 10–11 ans : Ma vie de Cour­gette de Claude Barras.

Par Gaëlle Guitard • Illus­tra­tions : Tiphaine de Coin­tet

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