Chiffres, mots, dates, concepts… Dès l’école maternelle, on demande aux enfants de mémoriser de nombreuses informations. Or, si on leur dit d’apprendre, on leur explique rarement comment s’y prendre. Résultat : le travail à la maison est souvent source de conflits. Comment éviter que les devoirs virent au cauchemar ? Comment les accompagner dans leurs apprentissages ?
Des experts nous livrent leurs précieux conseils.
Mettre en place un rituel
Officiellement, les devoirs écrits à la maison sont interdits par la loi depuis 1956. La raison ? Les législateurs ont estimé que certains élèves étaient livrés à eux-mêmes, leurs parents n’ayant pas la capacité ou la volonté de les aider. Or, ils devraient tous être logés à la même enseigne. Pourtant dès l’école primaire, tous rentrent chaque soir, ou presque, avec des exercices, des mots-outils à retenir, des poésies à revoir…
Pour bien mémoriser les notions découvertes en classe, les enseignants proposent en effet d’y revenir tranquillement chez soi, le soir ou le week-end. Les collégiens et lycéens sont censés être assez autonomes pour avoir des devoirs, mais en France, on estime que cette autonomie s’apprend dès l’école élémentaire. Résultat : les devoirs, on y a droit du CP à la terminale. Un passage obligé qui peut se transformer en calvaire pour toute la famille. Bonne nouvelle, il existe des tas d’astuces pour en faire un chouette moment de complicité ! Si si.
Comment ? En adoptant déjà une attitude positive face à ce qui pourrait vite passer pour une corvée. Le maître-mot est « bienveillance ». Envers les enseignants d’abord, qui ne donnent pas des devoirs pour punir, mais pour aider à progresser. Si on parle d’eux en positif au lieu de les blâmer, il y a des chances que l’enfant suive. Bienveillance envers l’enfant également, pour qu’il ne travaille pas sous pression, car qui dit cocotte-minute dit explosion imminente.
Concrètement, avant de demander « tu as quoi comme devoirs à faire ce soir ? », on lui parle de sa journée, de son moment préféré ou de ce qu’il a mangé à la cantine. Puis on propose un sas de décompression, sans télévision, car retrouver sa concentration après est ardu : « Cela prend bien deux heures », estime Marie Costa, coach parentale et scolaire. Mieux vaut un moment défouloir dans la chambre ou en extérieur, dans un parc ou dans le jardin. « La plupart des enfants ont besoin de ce sas, mais certains préféreront enchaîner, tandis que d’autres attendent le coucher… », note la coach. Le moment idéal est celui où l’enfant est le plus disponible.
Une fois qu’on a identifié le moment opportun, les devoirs doivent devenir un rituel, car cela rassure l’enfant. Après avoir bu un grand verre d’eau (il faut bien hydrater ce cerveau constitué principalement d’eau !), suivi d’une petite collation, car si on a faim on apprend moins bien, il s’installe dans un lieu calme. « Même si certains sont capables de travailler par terre au milieu du salon, la télé allumée, parce qu’ils y sont habitués, mieux vaut un espace dédié, indique Audrey Sibora, enseignante de CM2. Dès le CP, c’est bien que l’enfant ait son propre bureau, rangé, sans rien pour le distraire dessus. » Il peut aussi travailler dans une pièce de vie, tant qu’elle est calme, l’essentiel étant de trouver l’endroit dans lequel il se sent bien et qui restera toujours le même.
Si le lieu est important, le temps consacré l’est tout autant. Selon Sir Ken Robinson, expert en éducation mondialement reconnu, il faut un temps bien délimité et une routine qui laisse suffisamment de place au jeu, au temps en famille… 15 minutes en CP et CE1, puis 30 minutes par jour, à la même heure. Jusqu’à 12 ans, après 30 minutes, on perd la concentration et si on insiste pour terminer les devoirs, l’enfant finit par se braquer. Après 12 ans, il prolongera progressivement ce temps de travail. « S’il n’a pas terminé à l’issue du temps dédié, on lui donne une autre chance, en le réveillant plus tôt le lendemain par exemple. La fois suivante, il aura envie de terminer dans les temps ! », assure Marie Costa, qui conseille d’acheter un « timer » dès le CP, pour que l’enfant visualise le temps écoulé et le temps restant.
Les parents, eux, sont là pour l’accompagner, pas pour « faire à sa place » et en finir au plus vite ! « Les premières années, on est à côté de lui pour apprendre les mots-outils, réviser les poésies… À partir du CE2, on reste dans les parages, mais c’est lui qui travaille », recommande Audrey Sibora. « Il faut toujours souligner le positif, même si en 10 minutes il n’a fait qu’ouvrir son cahier et qu’au fond de vous, vous enragez, félicitez-le au lieu de le gronder », suggère Marie Costa.
Mieux travailler, c’est pas sorcier !
Une fois installé au bureau avec tout le matériel (cahier de textes, crayons, brouillons…) à portée de main, on choisit ensemble l’ordre des devoirs. On peut commencer par la matière qu’il aime le moins, ou au contraire par ce qu’il préfère. Du plus simple au plus difficile, ou l’inverse. « À partir du CE2, on lui laisse choisir l’ordre, pour qu’il gagne en autonomie », conseille Marie Costa.
Lui demander de lire les consignes à voix haute, et de les reformuler, est une bonne façon de s’assurer qu’il a compris. On vérifie avec lui si le travail est juste et on l’aide à corriger si besoin. On peut aussi lui demander ce qu’il a retenu de la leçon. Communiquer est la clef ! Et le meilleur moyen d’éviter les conflits. Quelques astuces simples permettent, à tout âge, de mieux travailler. Comme utiliser des couleurs, écrire des mots à retenir sur des feuilles blanches que l’on punaise au mur le temps nécessaire. Encore une fois, il faut s’adapter à l’enfant. « Il existe différentes formes d’intelligence (logique, musicale, spatiale, verbale…) et on doit s’appuyer dessus pour le faire travailler », recommande Marie Costa.
S’il est visuel, on le laisse regarder le cahier, puis on le ferme, il écrit et vérifie si c’est juste. À partir du collège, on utilisera les « cartes mentales » qui permettent d’associer des idées. Par exemple pour retenir une leçon d’histoire sur Louis XIV, on place le Roi-Soleil au centre de la feuille et de là partent plusieurs branches avec un thème à chaque bout (société, économie, arts…) et des idées clefs pour chacune.
« L’élève apprend en réalisant la carte et chaque fois qu’il la regarde ensuite, il mémorise », explique Audrey Sibora. Pour les « intelligences musicales », on parle à haute voix, on épelle, on répète, on chante… Quant aux élèves dotés d’une intelligence à dominante « kinesthésique » ou corporelle, ils apprendront mieux en marchant ou même en sautant sur un trampoline. « Ce qui est important, c’est la répétition, souligne Audrey Sibora. Si on fait les devoirs le vendredi soir, on revient dessus en allant faire les courses le samedi, en se baladant le dimanche, le lundi matin sur le trajet de l’école… On retient en moyenne au bout de sept fois. Si les devoirs sont donnés à l’avance, mieux vaut donc ne pas attendre le dernier moment. » On pourra ainsi revenir plusieurs fois sur une leçon, surtout si elle donne du fil à retordre à l’enfant, sans dépasser les 30 minutes prévues.
Mais comment s’y prendre pour motiver les troupes ? Au lieu d’interroger l’enfant, on le fait réviser sous forme de jeux, on le challenge. Par exemple, on lui demande d’épeler un mot le plus vite possible avec un chronomètre, on écrit une phrase à trous, on fait des quiz… Le web fourmille d’idées et les ouvrages parascolaires des éditions Retz, entre autres, proposent de résoudre des énigmes à l’aide des maths (Qui a peur des mathématiques ?) ou encore de réviser plusieurs matières en suivant les histoires des P’tites poules de Christian Jolibois et Christian Heinrich.
Christophe Lyèvre, enseignant de CM1, donne d’ailleurs ses exercices dans un « cahier du soir », et non de « devoirs », sous forme de jeux, de mots fléchés pour apprendre les conjugaisons, d’extraits de pièces de théâtre à répéter… « Plus c’est ludique, mieux c’est », affirme-t-il. On peut même réviser ses tables de multiplication en chansons, avec le CD d’Hervé Christiani [l’interprète du tube Il est libre Max, NDLR], qui propose une musique différente pour chaque table (country, tango…) Dans chaque matière, il existe un moyen de rendre l’apprentissage amusant. Et l’on sait à quel point les émotions positives aident à mémoriser les choses.
Créer des ponts entre l’école et le monde
Pour Sir Robinson, certains parents mettent énormément de pression et de stress sur leurs enfants. Or, si la maison devient une extension de la pression mise à l’école, cela devient très difficile à vivre pour les enfants. Pour être une partie de la solution, et non une partie du problème, il recommande aux parents de garder à l’esprit que leur enfant est unique et de faire appel au jeu. Les enfants ont besoin de temps à la maison, pour jouer et être des enfants. Le jeu stimule leur enthousiasme et donc leur envie d’apprendre.
Toute action peut fournir l’occasion d’apprendre ou de réviser ses connaissances. Faire des additions au moment de payer les courses par exemple ou observer la nature lors d’une balade en forêt. Faire un simple gâteau au chocolat avec mamie est une occasion en or de travailler les maths ! Le mouvement et la manipulation permettent d’ailleurs une meilleure mémorisation. À l’école aussi, on s’appuie sur des jeux de rôle ou l’utilisation d’objets réels pour favoriser la concentration. Le jeu est un bon moyen de créer des émotions agréables et on sait que les émotions positives augmentent le potentiel des élèves.
Apprendre à se faire aider
Parfois, il faut bien l’avouer, on est dans l’impasse et aucun des conseils précédemment cités n’aura l’effet escompté. « S’ils n’ont pas le temps, ou l’énergie, d’aider leurs enfants le soir, je conseille aux parents de les laisser à l’étude pour qu’ils puissent faire leurs devoirs avec des adultes à proximité pour répondre à leurs questions », indique Audrey Sibora, professeure des écoles. Si les adultes près de lui sont fatigués ou impatients, l’enfant risque fort de se braquer.
C’est en général un instituteur ou un animateur qui dirige l’étude et aide vos enfants à faire leurs devoirs. Ainsi, quand vous rentrez à la maison, pas besoin de lui faire réciter sa poésie pour la dixième fois ! Après la sortie des classes, les enfants ont un petit moment pour se défouler dans la cour et manger leur goûter (que vous devez fournir). Ensuite, ils rentrent tous dans la salle et le maître ou la maîtresse les aide à réviser leurs leçons, à faire leurs exercices ou à comprendre un point difficile. Il ne faut pas hésiter à faire appel aux forces en présence, à solliciter un membre de la famille qui a une spécialité. Le cousin boss des maths, la tatie douée en français, le papi qui connaît la nature comme sa poche… Il y a toujours un proche dont on peut exploiter le talent.
On peut aussi suivre des méthodes en ligne comme celle de Kap Réussir, claire et efficace, ou faire appel à des professionnels de type coachs scolaires, étudiants qui donnent des cours de soutien… Lorsqu’on montre à l’enfant qu’il n’y a aucune honte à demander de l’aide, que ce n’est pas une marque de faiblesse, cela l’incite à le faire de son côté. « S’il bloque sur un exercice, je préfère qu’ils viennent m’en parler, explique Christophe Lyèvre. Ce n’est pas le rôle des parents d’enseigner des opérations techniques comme les divisions. » Pour sortir de l’ornière, il faut d’abord sortir du tête-à-tête, parfois infernal, des devoirs, mobiliser toutes les forces autour de soi et faire prendre conscience aux enfants que toute situation est une occasion d’apprendre ou de réviser. Une vraie leçon de vie.
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Des tests pour faire le point
Chez Mental’O, les conseillers d’orientation scolaire et professionnelle font réaliser des tests qui permettent d’identifier les dominantes dans l’intelligence de son enfant. Même si chaque intelligence peut se travailler au fil du temps. Ils viennent contredire ou valider ce qu’on pensait et ce que les enseignants disaient : cela peut être un bon outil pour rétablir le dialogue avec son enfant et lui (re)donner confiance en lui. « J’ai pu rassurer un lycéen qui se rêvait ingénieur mais n’avait pas de bons résultats en sciences grâce aux résultats du test qui montraient une forte intelligence logico-mathématique. Ces résultats l’ont boosté et il a réussi tous ses concours par la suite », raconte Cécile Moreau, conseillère chez Mental’O Lyon.
Donner envie de lire
Si elle fait partie des exercices demandés en continu par les enseignants, la lecture devrait être un plaisir, non un devoir. Pourtant les jeunes lisent moins qu’avant. Au lieu de blâmer les nouvelles technologies, pourquoi ne pas s’appuyer sur elles ? C’est ce que propose la nouvelle application Lulu & Kroy, prénoms des deux petits personnages. Cette version 2.0 des « livres dont vous êtes le héros », qui faisaient fureur dans les années 1980, s’adresse aux 8–12 ans avec pour objectif de favoriser le goût et l’apprentissage de la lecture. On peut inventer une infinité de scénarios, personnaliser l’histoire et explorer différents niveaux de difficulté de lecture. Et soudain le jeu vidéo vint en aide aux parents…
Par Gaëlle Guitard • Illustrations : Tiphaine de Cointet