Depuis le début du confinement, Grains de Sel part à la rencontre d’une famille vivant à Lyon ou ses environs. Elle nous partage son expérience de cette période, les coups de mou comme les beaux moments, mais aussi ses idées pour tenir le coup et ce qu’elle espère pour la suite. Place cette fois-ci à Élise, Raphaël et leur fils Odin, interviewés dans leur cuisine… mais toujours sur Whatsapp !
“On va juste sortir un peu plus et sans attestation, mais concrètement ça ne va pas changer grand chose pour nous”. Installés dans un vaste appartement du 3e arrondissement, tout près des berges du Rhône, Élise et Raphaël ne voient pas comme miraculeux le déconfinement mis en oeuvre à partir du 11 mai. “On ne va toujours pas pouvoir faire ce qui nous manque le plus: aller voir mes parents qui habitent à plus de 100 kilomètres dans le Jura ou aller au resto et au ciné, des endroits qui restent pour moi les poumons de la ville”, déplore Élise.
Pour autant, la petite famille vit très bien le fait de rester chez elle. “Avant, on pouvait se chamailler pour des broutilles et, depuis le confinement, on a une belle harmonie familiale alors qu’on n’a jamais passé autant de temps ensemble! Bizarrement, j’ai trouvé cela plus facile…” confie Élise. Graphiste indépendante, elle a vu plusieurs de ses contrats annulés et admet un manque de visibilité pour l’avenir : “Mais je me dis que c’est une année morte, qu’on est tous dans le même bateau. J’espère juste qu’on va pouvoir limiter la casse.” Une sérénité peut-être entretenue par la méditation à laquelle elle s’est initiée pendant ce confinement. De son côté développeur informatique, Raphaël est très peu impacté et, pour lui, travailler à distance, au moins jusqu’à début juin, n’est pas un problème. De toutes façons, être à la maison et avoir plus de temps libre les a aidés à accompagner Odin, leur petit garçon de 6 ans, pour lui faire la classe à la maison.
Un programme bien équilibré
“Pendant les deux premières semaines de confinement, la maîtresse d’Odin prenait de ses nouvelles mais n’a pas envoyé de consignes. On s’est retrouvés tout seuls sans savoir ce qu’il fallait lui faire faire”, raconte Élise. Le couple de parents décide alors d’un cadre strict, avec un début de classe à 9 heures: “Sauf que le premier matin, Odin s’est réveillé à 9h20 et ça a fichu en l’air le planning” s’amuse Raphaël. Et puis, quand la maîtresse nous a transmis les consignes, on a réalisé qu’elles étaient beaucoup plus cool que ce qu’on avait prévu!” En tout cas, Odin bénéficie d’un programme bien équilibré: “école” le matin et activités créatives l’après-midi, avec une sortie en vélo et un dessin animé en fin de journée.
Pourtant, il y a encore trois semaines, Odin ne voulait pas mettre le nez dehors. Pour une raison simple: “Il avait fait la promesse aux soignants de ne pas sortir, et ne voulait pas passer pour “un gros menteur” s’il ne la respectait pas!”, révèle Élise. Mais ces derniers temps, encouragés par une infirmière de leur entourage, ils ont poussé Odin à sortir. “La première fois, au bout de 20 minutes, il a voulu rentrer. Et puis, il a trouvé la motivation dans le VTT qu’il avait eu juste avant le confinement. Désormais, l’un de nous deux sort avec lui une demi heure tous les jours.”
Rester à la maison convient très bien à Odin car il aime particulièrement vaquer à ses multiples occupations, jamais très loin de son papa et de sa maman. “Il joue plutôt moins qu’avant avec ses jouets, mais nous faisons beaucoup de jeux de société ensemble, ainsi que des activités artistiques comme celles du Dada Shop, ou un peu de cuisine.” Par deux fois, Élise a cuisiné pour la plateforme solidaire #PourEux, montée pendant le confinement, qui distribue des repas aux personnes sans abri. “Odin ne pouvait pas m’aider à cause des consignes sanitaires strictes, mais il a préparé un sac de jouets et de bonbons pour les enfants de la famille à laquelle mon repas était destiné”, indique Élise.
Surtout, au fil des semaines, Odin s’est inventé des personnages. “Au début du confinement, il jouait au chercheur qui devait trouver un vaccin contre le coronavirus, il faisait des conférences sur Instagram… raconte Élise. C’est aussi une période où il a pu exprimer des angoisses, notamment vis-à-vis de ses grands-parents, il parlait beaucoup de la mort.” Puis, exit le chercheur, place au défenseur des animaux en voie de disparition : “Il montait des expéditions de sauvetage avec son copain Nathan en visio.” Puis maître d’hôtel : “Une super période pour nous, car il passait son temps à ranger sa chambre, à faire nos lits. Je crois qu’il avait envie qu’on soit tous confortablement installés à la maison.” Ces derniers temps, Odin a endossé des habits de pizzaiolo pour faire à manger à ses parents. “Parfois, je me demande ce qu’il va garder de toute cette période”, s’interroge Élise.
Un retour à l’école qui part en farandole
Parce qu’il est si bien chez lui et que l’harmonie familiale perdure, Odin ne va pas retourner à l’école le jeudi 14 mai comme les élèves de CP (et CM2) sont invités à le faire. Il a trop peur que ça parte “en farandole”: “Je sais comment ça va se passer, mon copain Nathan va vouloir venir vers moi, alors je vais reculer d’un mètre, mais il y aura un autre copain derrière moi qui devra reculer aussi, on ne va pas pouvoir tous reculer d’un mètre, ça va partir en farandole.” À sa façon, Odin résume bien le casse-tête de cette reprise d’école tel que le voient aussi ses parents: “On pense beaucoup à la maîtresse qui va devoir surveiller les enfants à chaque instant, ça n’est pas ça l’école! On a la possibilité de garder Odin, ça peut la soulager. Et on pense qu’Odin a plus de chance de rentrer traumatisé après deux jours d’école comme ça, qu’en restant à la maison avec nous et les consignes de sa maîtresse.”
Élise et Raphaël se réservent la possibilité de changer d’avis début juin. En attendant, ils se réjouissent de voir Odin passionné de lecture depuis le confinement: “À chaque fois qu’il prend un livre, on se dit qu’on a gagné.” Odin, lui, est tout content de la nouvelle mission que lui a confiée sa maîtresse: “Je vais faire une vidéo à mes copains pour leur expliquer le calcul.” Et si la classe à la maison lui avait donné envie d’être instituteur?
Par Clarisse Bioud