Depuis le début du confinement, Grains de Sel part à la rencontre d’une famille vivant à Lyon ou ses environs. Elle nous partage son expérience de cette période, les coups de mou comme les beaux moments, mais aussi ses idées pour tenir le coup et ce qu’elle espère pour la suite. Voici Laure et son fils Hugo, qui ont quitté Lyon pour déconfiner à la campagne chez des amis.
Il y a encore deux semaines, peu de temps avant la réouverture des écoles, Laure comptait les jours pour y renvoyer son fils, Hugo, 10 ans, en CM2. Mais après avoir appris les conditions très strictes de cette rentrée, imposées par le protocole sanitaire, elle a changé d’avis: “Je trouvais ça tellement triste ces enfants qui ne pourraient pas se toucher. Et surtout, je me suis projeté ce qui allait se passer: Hugo irait deux jours à l’école, et les cinq jours suivants, il les passerait seul avec moi. Ce n’était pas si différent du confinement qui, sur la fin, nous pesait à tous les deux. Alors, quand des amis m’ont proposé de venir avec eux dans leur maison de campagne, j’ai dit oui.”
Un confinement en mode fusion
Le confinement, Laure en garde un sentiment mitigé. Elle l’a passé avec son fils, dans son appartement du 5e arrondissement. Le père d’Hugo vit à Avignon, et Laure en a la garde depuis sept ans: “Il était clair que nous allions confiner tous les deux”, affirme-t-elle. Les choses débutent plutôt bien. Le duo sort peu, seulement tous les trois jours. Aucune crainte particulière, plutôt le plaisir d’être au calme et de prendre le temps de faire des choses ensemble à la maison. “Très rapidement, sans doute parce que j’étais en manque de contact avec des adultes, j’ai amené Hugo vers des choses que j’aimais, des films, des séries… qui n’étaient pas de son âge, mais qu’il a adorés”, confie Laure, qui n’hésite pas à lui montrer Parasite, la dernière Palme d’Or “culte” pour elle. Elle admet être allée peut-être un peu trop loin parfois, mais se réjouit de voir son fils aiguiser son regard de jeune cinéphile d’un film à l’autre.
S’ils lisent aussi beaucoup, jouent du piano, la télévision qu’ils regardaient auparavant rarement et uniquement pour des films, prend de plus en plus de place dans leur tête-à-tête. “Dès le début du confinement, on s’est mis à dîner devant tous les soirs, ce qu’on n’avait jamais fait avant, s’amuse Laure. Tout comme je n’avais jamais autant regardé de documentaires scientifiques ou de journaux télévisés. On s’est même fait Question pour un champion!” Un autre rituel s’instaure pour les deux confinés, celui de l’apéro, “le plus beau moment de la journée.”
Mais au bout d’un moment, ce confinement qualifié de “fusionnel” par Laure, vire à l’étouffement. La maman solo, qui n’a pas cessé de travailler, doit continuer à assurer de chez elle ses missions de coordinatrice éditoriale, tout en aidant Hugo à suivre la classe à la maison: “Il n’a aucune difficulté scolaire particulière, mais n’est pas autonome pour autant; c’était compliqué pour moi de rester concentrée sur une longue plage horaire pour travailler, à part le soir quand il était couché.” Pour évacuer les tensions qui s’accumulent, elle le convainc de sortir avec elle désormais une fois par jour, elle à pied, lui en Vélo’V: “Cela nous a changé la vie! C’était un tel sentiment de liberté pour Hugo!” s’exclame Laure.
Et puis, chose qu’elle n’aurait jamais cru possible, le père d’Hugo est venu passer quatre jour chez elle pour voir son fils: “Ca a été super, pour Hugo de nous voir ensemble, pour moi de souffler un peu.” Tant et si bien que les vacances d’avril se profilant, Laure a accepté de laisser son fils partir à Avignon, pour une semaine: “Bien sûr, on prenait un risque sanitaire, mais on a pensé aussi à son bien être psychologique.” Et à celui de Laure qui voit malgré tout comme une aberration l’autorisation de maintenir les gardes alternées et donc la possibilité de faire passer les enfants d’une région à une autre en plein confinement. Car à Avignon, Hugo a sillonné dans la famille recomposée de son père: “En une semaine, il a vu bien plus de monde qu’en un mois à lyon!”

Libérée, délivrée… déconfinée
A la fin des vacances et une semaine avant le déconfinement, l’étouffement a laissé la place à l’épuisement. La mère et le fils tournent en rond, s’agacent, se titillent. “On s’est endormi dans nos vies…”, résume Laure. Mais alors qu’elle attend avec impatience la réouverture de l’école, la découverte du protocole sanitaire imposé par le ministère de l’Éducation nationale lui fait froid dans le dos. Ce n’est pas ça l’école, à ses yeux. “En plus, la maîtresse d’Hugo n’est pas revenue, elle continue la classe à distance jusqu’à la fin de l’année. Hugo en a pris l’habitude et, quand il ne comprend pas quelque chose, il échange directement des e-mails avec elle”, indique Laure. Alors, quand des amis qui partagent sa vision, lui proposent de les accompagner dans leur maison de campagne, elle n’hésite pas longtemps.
Hugo, quant à lui, obtempère: “Ce qu’il voulait, c’était retrouver ses copains, mais je lui ai expliqué à quoi allait ressembler cette rentrée… C’est vrai que je cherchais à le convaincre.” Et puis des enfants, il en côtoie là où ils vivent désormais. Ils forment un petit groupe de quatre, âgés de 8 à 14 ans, qui s’entend bien, et auquel s’ajoutent ceux des amis qui viennent passer le week-end. “C’est joyeux, ça vit, et Hugo n’est plus seul”, se réjouit Laure. Quant aux adultes, ils partagent les courses et mutualisent la classe à la maison le matin, pour laisser la marmaille jouer l’après-midi, quand ils télétravaillent. “Nous sommes comme une espèce de petite communauté! Tant que c’est possible, on restera ici.”
Par Clarisse Bioud