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Papi, Mamie, le virus et moi

Publié le 08/12/2020

Par Clarisse Bioud /

Avec les vacances d’été, Noël est le point culmi­nant des retrou­vailles en famille. Un temps fort que les enfants sont ravis de parta­ger avec leurs grands-parents. A l’ap­proche des fêtes, Grains de Sel a inter­rogé l’im­por­tance du lien inter­gé­né­ra­tion­nel, la façon dont la crise sani­taire l’a impacté, et comment grands-parents et petits-enfants conti­nuent à commu­niquer malgré ce satané virus.

Ouf! Dans son allo­cu­tion du 24 novembre, le Président de la Répu­blique a donné son feu vert pour passer Noël en famille, deman­dant toute­fois de conti­nuer à appliquer les gestes barrière notam­ment vis-à-vis des personnes les plus âgées. Des personnes âgées qui, bien souvent, sont aussi des grands-parents. Or, depuis mars 2020, ces papis et mamies et leurs petits-enfants, qui avaient l’ha­bi­tude de se côtoyer au moins pendant les vacances, ont vu leurs rela­tions bien malme­nées. Une situa­tion diffi­cile à vivre, à chaque extré­mité du lien. 

Indis­pen­sables grands-parents

Car dans de nombreuses familles, les grands-parents jouent un rôle impor­tant, à plusieurs facettes. D’abord, très prosaïque­ment, ils servent souvent à dépan­ner les parents, soit de façon régu­lière, soit au coup par coup lors d’une grève de cantine par exemple. C’est ce que souligne le socio­logue Morgan Kitz­mann, ensei­gnant à la Sorbonne à Paris et auteur d’une thèse sur le rôle des grands-parents dans la prise en charge des jeunes enfants : “Certains grands-parents incarnent une solu­tion de dernier recours, d’autres sont solli­ci­tés de manière beau­coup plus inten­sive, notam­ment en cas de diffi­cul­tés écono­miques ou de struc­ture fami­liale resser­rée.

C’est pourquoi Annick, sept fois grand-mère, et habi­tuée à aller cher­cher l’une de ses petites-filles à l’école, peste en ce moment: “Je suis une grand-mère au chômage partiel !” Au-delà de ces services appor­tés aux parents, les grands-parents sont aussi là pour passer du bon temps avec les enfants, exerçant alors ce que Morgan Kitz­mann appelle “un rôle de loisirs”: “Dans les menta­li­tés, on attend du grand-parent qu’il s’im­plique auprès de ses petits-enfants, qu’il soit plus permis­sif que les parents, et même qu’il s’af­fran­chisse de toute fonc­tion éduca­tive.” Même si en pratique, précise le socio­logue, passer du temps avec ses petits-enfants, en jouant avec eux par exemple, peut conduire à leur inculquer un certain nombre de normes, faisant en cela du grand-parent un “socia­li­sa­teur”.

Mais les petits-enfants ne sont pas toujours envoyés chez leurs papi et mamie, parfois ce sont ces derniers qui viennent les voir pour leur plus grande joie. “Avant la pandé­mie, ma mère venait régu­liè­re­ment passer quelques jours chez nous, raconte Léna. Les enfants étaient tout contents de la rece­voir, de lui montrer leur quoti­dien et de se faire gâter!” Qu’il soit dépan­neur en chef ou “papi/mamie gâteau », le grand-parent est solli­cité pour “créer du lien entre les géné­ra­tions”, avance Morgan Kitz­mann.

Un lien d’au­tant plus fort que les grands-parents trans­mettent l’his­toire de la famille à ses plus jeunes membres. “Ce sont des passeurs d’his­toire, indique Amélie Guigou, psycho­logue clini­cienne à Lyon. En racon­tant cette histoire fami­liale, ils permettent aux petits-enfants de s’y inscrire. Les enfants sont d’ailleurs très deman­deurs de la connaître, aimant notam­ment savoir comment leurs parents se compor­taient quand ils étaient petits, quel carac­tère ils avaient, quelles bêtises ils faisaient.

Cet ancrage dans la famille aide l’en­fant à se construire et nour­rit l’adulte qu’il va deve­nir. En témoigne le parcours de Lucas Handel­berg, 33 ans, fonda­teur début 2020 de Pontem, une asso­cia­tion qui recueille le témoi­gnage de personnes âgées pour les parta­ger aux jeunes géné­ra­tions. “Le décès de ma grand-mère, six mois avant, a agi comme un déclen­cheur. Je me suis dit que j’au­rais dû me saisir dix fois plus du temps passé auprès d’elle. En fait, je connais­sais ma grand-mère, mais pas la personne qu’elle était,” confie celui qui prône aujourd’­hui l’ap­pren­tis­sage inter­gé­né­ra­tion­nel. “Avec ma grand-mère, je ressen­tais à la fois une grande liberté et du soutien dans mes expé­riences de petit garçon. Avec elle, j’ai appris alors que dans d’autres sphères, on m’a éduqué.” Cette grand-mère fut une “éclai­reuse de vie” comme Amélie Guigou aime quali­fier les grands-parents: “Ils apportent une sécu­rité affec­tive aux petits-enfants. Ce sont des piliers sur lesquels s’ap­puyer. Les enfants sont rassu­rés de consta­ter qu’il y a auprès d’eux, depuis leur nais­sance, des personnes bien­veillantes qui prennent soin d’eux en dehors des parents.

C’est le rôle que se recon­naît Annick: “Je suis celle qui remet les choses à leur juste place. Je tempère et rela­ti­vise, notam­ment quand je trouve mes enfants trop exigeants avec les leurs. En cela, je rassure mes petits-enfants parce que je ne mets pas de pres­sion.

Si cette rela­tion inter­gé­né­ra­tion­nelle peut être tactile et ludique dans les premières années de l’en­fance, elle revêt une dimen­sion plus intel­lec­tuelle à l’en­trée dans l’ado­les­cence. Alma Rose, 12 ans, appré­cie de pouvoir se confier à sa grand-mère, sur ses rela­tions avec ses copines ou ses problèmes de collé­gienne, alors même qu’elle avoue avoir du mal à expri­mer ses émotions avec d’autres membres de sa famille. “Mes histoires l’in­té­ressent, elle me donne son avis et ça m’aide beau­coup”, témoigne la jeune adoles­cente. 

On comprend ainsi combien l’éloi­gne­ment des grands-parents et petits-enfants causé par la crise sani­taire a pu mettre à mal leur rela­tion si complice.

© Camille Gabert

Rester en lien coûte que coûte

D’après une enquête de l’INSEE datant de 2011, il y a 15 millions de grands-parents en France; les femmes le deviennent à 54 ans, les hommes à 56 ans. A 70 ans, huit personnes sur dix le sont. Or, du jour au lende­main, avec la propa­ga­tion de l’épi­dé­mie de Coro­na­vi­rus, ces septua­gé­naires sont deve­nus, aux yeux de la société et au sein des familles, des personnes vulné­rables et poten­tiel­le­ment à risque. Il a fallu arrê­ter de se côtoyer ou, si on ne pouvait pas faire autre­ment, se voir avec un masque et à distance, sans se toucher.

Comme le note la psycho­logue Amélie Guigou, certaines familles ont réussi à mettre en place des rituels pour rester en lien, notam­ment grâce aux outils numé­riques qui permettent de se rassu­rer, de se donner des nouvelles, de parta­ger des photos ou des dessins. “Au premier confi­ne­ment, on a insti­tué un rendez-vous de lecture de contes par les grands-parents tous les soirs sur What­sapp, raconte Léna. Les enfants impo­saient un thème basé sur l’as­so­cia­tion de deux mots, par exemple tempête et licorne, et les grands-parents écri­vaient une histoire à partir de ça. Ensuite, ça a évolué: ce sont les enfants qui ont inventé une histoire à partir de deux mots donnés par les grands-parents.

Chez Stépha­nie, l’an­ni­ver­saire de sa fille Flora, 11 ans, est tombé en plein confi­ne­ment. Elle a alors eu l’idée de deman­der à ses parents et ses sœurs de concoc­ter le même gâteau décoré de bougies. “On a fait un zoom pour souf­fler les bougies et manger le gâteau d’an­ni­ver­saire tous ensemble!” Annick, qui habite dans le même kilo­mètre de dépla­ce­ment auto­risé que deux de ses petites filles, a réussi à les voir sur la place en bas de chez elle: “Je me mettais à ma fenêtre et nous discu­tions un peu comme ça.” Ses autres petits-enfants, elle les a vus sur Zoom, déplo­rant le côté arti­fi­ciel du logi­ciel, elle qui se quali­fie de “grand-mère poule suivie de sa nichée”: “Je n’ai pas retrouvé l’am­biance chaleu­reuse de quand ils sont autour de moi.

Par ailleurs, Annick se dit choquée que cette période crée à son égard de la culpa­bi­lité chez ses enfants et petits-enfants. Elle pointe à ce sujet “l’hor­rible » campagne publi­ci­taire du Minis­tère de la Santé qui montre les membres d’une même famille vivre sans masque puis se réunir pour fêter l’an­ni­ver­saire de la grand-mère, laquelle, le plan d’après, est en réani­ma­tion. “En temps normal, c’est notre géné­ra­tion qui rassure les plus jeunes. Là c’est le contraire. Je crains qu’il y ait des consé­quences sur la jeune géné­ra­tion, à qui on fait porter des choses trop lourdes.” Elle fait allu­sion à la ques­tion posée récem­ment par sa petite-fille de 5 ans: “C’est quoi une personne à risque?” 

© Camille Gabert

Se dire qu’on s’aime

La période est en effet compliquée à comprendre pour les plus petits. La psycho­logue Amélie Guigou conseille néan­moins de leur expliquer pourquoi il n’est plus possible de se voir ou de se toucher. “On peut ensuite leur propo­ser une acti­vité qui peut les rendre acteurs dans cette situa­tion diffi­cile: faire un dessin, écrire un petit mot ou une chan­son, fabriquer un objet en pâte à sel que l’on enverra aux grands-parents pour signi­fier qu’on ne les oublie pas.” Selon la spécia­liste, le plus impor­tant est de “trou­ver d’autres moyens de commu­ni­ca­tion pour se dire qu’on s’aime.”

Mais même très jeunes, les enfants impres­sionnent par leur capa­cité à inté­grer les nouveaux usages géné­rés par la crise sani­taire. Léna a ainsi surpris son fils Malo, 2,5 ans, en train de jouer à télé­pho­ner à son grand-père avec une télé­com­mande: “J’ai compris qu’il racon­tait des choses qui rele­vaient de tranches de vie parta­gées avec lui lors des dernières vacances. Il riait comme si mon père lui racon­tait des blagues au bout du fil!

Derniè­re­ment, le petit garçon a fait évoluer son jeu: “Il pose sa veilleuse allu­mée sur la table basse et discute devant comme s’il s’agis­sait d’un écran de télé­phone. » Si Léna dit avoir eu le cœur serré de voir la rela­tion de son fils et ses parents se jouer par écran inter­posé, elle a aussi été surprise par sa faculté à expri­mer des souve­nirs loin­tains. Et heureuse de consta­ter que le lien, malgré tout, se main­te­nait.

De son côté, Annick admet que sa rela­tion avec ses petits-enfants, loin de s’être alté­rée, s’ex­prime diffé­rem­ment à travers leurs échanges sur What­sapp: “Ils m’ont davan­tage écrit, et moi je leur ai envoyé beau­coup de photos lors de mes balades. Je crois que j’ai beau­coup plus cher­ché à ce qu’ils me fassent part de leurs senti­ments qu’a­vant.

© Camille Gabert

Mettre les choses en pers­pec­tive

De façon géné­rale, les grands-parents ont paru beau­coup moins stres­sés par la situa­tion actuelle que les parents, obli­geant parfois ces derniers à les “reca­drer” au niveau du respect des gestes barrière et du confi­ne­ment. Pour la psycho­logue Amélie Guigou, cela vient du fait que les personnes âgées ont un rapport au temps diffé­rent: “Elles sont dans l’ins­tant présent, moins dans l’an­ti­ci­pa­tion, le contrôle et la projec­tion des choses à faire.

Ce que confirme Lucas Handel­berg, qui voit dans cette prise de recul quelque chose de très béné­fique pour les enfants: “La tempo­ra­lité d’une personne âgée est diffé­rente, comme sa façon d’en­trer en contact avec nous ou de voir le monde. C’est parce qu’il y a un demi-siècle passé entre sa nais­sance et la nôtre. Côtoyer ma grand-mère quand j’étais enfant me donnait un recul impor­tant sur ce que je pouvais faire, dire et comprendre.”

Annick, elle, se consi­dère moins anxieuse que ses enfants parce que sa vie écono­mique est faite: “Le confi­ne­ment ne change rien à ma situa­tion, il n’y a pas l’idée d’être prio­ri­taire ou essen­tiel.” Quant à la géné­ra­tion au-dessus, les plus de 85 ans, elle dit en avoir vu d’autres, évoquant la guerre. Par consé­quent, elle ne comprend pas bien pourquoi on la tient autant à l’écart de sa famille.

Stépha­nie, qui a encore ses grands-parents, se souvient de la réflexion de sa grand-mère la dernière fois qu’elle l’a vue cet été, en exté­rieur, masquée et à distance: “Si on ne peut plus voir nos petits-enfants alors qu’il nous reste peu de temps à vivre, ça rime à quoi?

La mort : un mot tabou pour les parents mais beau­coup moins pour les grands-parents: “Le fait de vieillir, de ne plus être auto­nomes à 100%, favo­rise chez eux un lâcher prise et un recul par rapport à ce qui dépend d’eux ou pas,” indique Amélie Guigou qui décrit aussi, chez les enfants, un rapport beau­coup simple à la mort. “On n’ose pas leur en parler alors qu’ils l’ob­servent dans la nature et comprennent très bien qu’on peut mourir un jour. Ce sont les adultes qui sont souvent dans l’évi­te­ment ou le déni, faisant que les enfants comprennent que c’est un sujet dont on ne peut pas parler et qui angoisse les parents. Cette période peut être le moment d’abor­der leurs nombreuses ques­tions sur l’exis­tence: que se passe-t-il quand on meurt? Y a-t-il quelque chose après la mort?

Une dédra­ma­ti­sa­tion qui peut faire du bien à toute la famille, à l’heure où elle va se retrou­ver à nouveau. Inter­ro­gée mi-novembre, Annick croi­sait les doigts pour réunir la sienne à Noël. Heureu­se­ment pour elle et ses petits-enfants, ce Noël 2020 leur permet­tra de conti­nuer à nour­rir leur lien fina­le­ment indes­truc­ti­ble… même par ce satané virus.

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Noël en vue : deux idées cadeaux inter­gé­né­ra­tion­nelles

Avant même la pandé­mie, les marques lyon­naises Booki­nou et Reliez-vous ont créé des outils permet­tant d’en­tre­te­nir les liens inter­gé­né­ra­tion­nels et, pour les enfants, de se construire des souve­nirs pour la vie. Booki­nou est une petite boîte audio, porta­tive et sans écran, à travers laquelle l’en­fant écoute ses livres préfé­rés racon­tés, par exemple, par ses grands-parents. Il suffit à ces derniers d’en­re­gis­trer leur lecture sur l’ap­pli­ca­tion Booki­nou et aux parents de coller une gommette sur le livre corres­pon­dant. En appo­sant la gommette sur la conteuse, l’his­toire se déclenche comme par magie.

Reliez-vous est un site inter­net sur lequel une famille (ou des amis) met en commun des témoi­gnages (écrits, photos, dessins…) pour compo­ser à plusieurs un album person­nel et rempli d’émo­tions. 

  • Booki­nou, 69,99€.
  • Reliez-vous, à partir de 49€ (30 pages).

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