Ne cherchez pas une étude ethnographique sur le mode de vie amérindien dans la nouvelle exposition du musée des Confluences. Sur la piste des Sioux vous invite plutôt à voyager à l’intérieur du mythe de « l’Indien d’Amérique » que les Européens ont construit et entretenu au fil des siècles, dans une scénographie grandiose.
Si enfant, vous avez joué aux cowboys et aux Indiens, piaffé d’impatience pour regarder le western de la Dernière Séance d’Eddy Mitchell ou vibré devant Danse avec les loups de Kevin Costner, cette expo est peut-être faite pour vous. Peut-être car elle ne vous expliquera pas en long et en large le mode de vie de ceux qu’on appelait trop rapidement « les Indiens d’Amérique ». Elle prend plutôt le parti original de nous immerger à l’intérieur de l’image fantasmée que les Occidentaux se sont construite des populations natives d’Amérique du Nord, l’entretenant et la véhiculant,
de leur découverte par les colons jusqu’à aujourd’hui. Une image d’Épinal illustrée dès l’entrée par un immense et superbe diorama mettant en scène tipi, calumet de la paix et deux énormes bisons issus des collections du musée. Un tableau idéal qui réveillera l’enfant qui est en vous et émerveillera les vôtres.
Si les plus jeunes passeront vite la première partie, moins spectaculaire pour eux, elle a l’intérêt de montrer que le terme « Indiens d’Amérique » recouvrait en fait des centaines de nations disséminées sur le territoire nord-américain, parmi lesquelles les Sioux regroupant eux-mêmes trois peuples. De nombreux voyageurs venus d’Europe rendent compte de cette diversité culturelle à travers leurs récits, leurs peintures et plus tard leurs photographies. Et pourtant, c’est comme si cette réalité ne franchissait pas l’Atlantique, réduite aux yeux des Européens à une image binaire de l’Indien : d’un côté, le bon sauvage proche de la nature ; de l’autre, le sauvage primaire et agressif.
Et c’est parti pour le show
Un fantasme trouvant son point d’orgue, à la fin du XIXe siècle, dans les shows démesurés de Buffalo Bill, qui font traverser l’Europe à des centaines de Sioux et d’animaux, à raison d’une ville par jour (dont Lyon et Villeurbanne !), ou encore le « village indien » en marge de l’Exposition universelle de Bruxelles en 1935. Grandiose, la scénographie du musée est à la hauteur du divertissement d’alors, notamment à travers les sublimes coiffes, parures, chaussons et autres accessoires miraculeusement conservés, prêtés par le collectionneur belge François Chladiuk. La suite du parcours nous rappelle comment, dès la fin des années 1950, la pop culture a pu entretenir le mirage indien, que ce soit dans la publicité, la littérature, les jouets… Et bien sûr le cinéma pour lequel le musée a imaginé une salle de projection. Avouons un plaisir coupable à revoir ces images et ces histoires qui ont baigné notre enfance. À nous maintenant d’en expliquer le caractère fantasmé à nos enfants. Le mythe a d’ailleurs la vie dure, comme le montre la dernière salle, consacrée à l’époque contemporaine qui continue d’associer de nombreux préjugés et raccourcis aux Amérindiens. S’élancer Sur la piste des Sioux, c’est s’offrir un magnifique voyage dans nos souvenirs d’enfance, éclairés d’un salutaire jour nouveau.
Sur la piste des Sioux, jusqu’au 28 août 2022 au musée des Confluences, 86 quai Perrache, Lyon 2e. Du mardi au dimanche, de 10h30 à 18h30. Tarifs : de 5 à 9€, gratuit pour les – 18 ans. museedesconfluences.fr