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Mathu­rin Bolze: « Le cirque permet de faire société »

Mis à jour le 10/10/2023

Le grand retour des utoPistes, après 5 ans d’ab­sence, nous a donné envie d’al­ler parler cirque avec l’ar­tiste Mathu­rin Bolze, fonda­teur du festi­val, et Marion Floras qui le co-dirige au sein de la compa­gnie MPTA. L’oc­ca­sion de reve­nir sur l’his­toire des utoPistes, d’évoquer le projet d’un pôle cirque au sein de la future Cité Inter­na­tio­nale des Arts du Cirque égale­ment porté par MPTA, mais aussi dinter­ro­ger Mathu­rin Bolze sur ce que la pratique du cirque peut appor­ter aux enfants, physique­ment et humai­ne­ment.

Lire aussi notre dossier sur les ateliers de pratique des arts du cirque pour enfants

Les utoPistes reviennent cette année, avec une program­ma­tion sur trois semaines et qui se déploie sur 14 lieux de la métro­pole de Lyon. Quel était le projet initial de ce festi­val que vous avez créé en XX?

Mathu­rin Bolze: Le festi­val est né d’une carte blanche qui nous a été propo­sée par Les Céles­tins : “Empa­rez-vous du théâtre et prenez le pour scéno­gra­phie”. On a inventé une forme in situ avec la compa­gnie XY avec 17 ou 18 acro­bates, en prenant le théâtre comme décor. A côté de cette carte blanche, on a multi­plié les invi­ta­tions à d’autres spec­tacles de gens dont on aimait le travail, en pensant qu’il fallait montrer à Lyon des pièces de réper­toire. J’ai présenté aussi mon travail… On s’est dit aussi qu’il fallait montrer des formes en cours d’éla­bo­ra­tion pour que les spec­ta­teurs puissent comprennent ce qui était à l’œuvre dans les prin­cipes de répé­ti­tion et de créa­tion. On a toujours cher­ché à produire des rencontres artis­tiques entre diffé­rents genres de spec­tacles, où la musique ou la danse rencontrent le cirque, avec des artistes qui ne se côtoient pas habi­tuel­le­ment.

Comment le festi­val a-t-il évolué ?

Marion Floras: On a gardé les ingré­dients initiaux, à savoir la créa­tion in situ, les spec­tacles de réper­toire, la ques­tion du collec­tif, les étapes de créa­tion… et on a déployé cela sur le terri­toire: il y a donc de plus en plus d’étapes de créa­tions et deux créa­tions in situ… Ce qui change c’est l’am­pleur: on est passé de un à quatorze lieux! 

Parmi ces lieux, il y a une nouveauté: un chapi­teau, planté au parc de Parilly, où l’on pourra voir Terces de Johann Le Guillerm et Balles­tra, le spec­tacle de fin d’études des élèves du CNAC (NDLR: Centre Natio­nal des Arts du Cirque, école de Châlon-sur-Cham­pagne).

Marion Floras: On conjugue là plusieurs oppor­tu­ni­tés: le site est très proche du futur lieu de la Cité Inter­na­tio­nale des Arts du Cirque, donc ça a du sens. Ensuite, le TNG qui est en travaux avec une program­ma­tion hors les murs, souhai­tait invi­ter un chapi­teau: on s’est donc enga­gés ensemble dans l’ac­cueil de Terces. Enfin, c’est pour nous très symbo­lique d’in­vi­ter le CNAC qui, au cœur de la filière cirque, est à l’en­droit de tran­si­tion entre la vie d’étu­diant et la vie profes­sion­nelle.

Mathu­rin Bolze: Le chapi­teau parle tout seul, il y a tout un imagi­naire qui se déploie autour. Notre mission de futur pôle cirque à la Cité Inter­na­tio­nale des Arts du Cirque, dans la diver­sité des formes qu’elle propose, nous encou­rage à montrer des spec­tacles en salle, en circu­laire, en exté­rieur, sous chapi­teau, de forme forai­ne…Cela corres­pond à l’en­vie de reflé­ter l’in­ven­ti­vité des arts du cirque: à ce compte là, il nous faudrait pouvoir propo­ser des balades en forêt, avec des instal­la­tions dans des paysages natu­rels, pourquoi pas dans le parc… d’au­tant que les artistes se préoc­cupent de savoir comment un même geste proposé en salle et dans un décor exté­rieur va avoir des échos diffé­rents. 

Johann Le Guillerm et l'une de ses machines à rêver dans son spectacle Terces
Johann Le Guillerm dans Terces © Philippe Laurençon

A quelles néces­si­tés répond la créa­tion de la Cité Inter­na­tio­nale du Cirque, dont l’ou­ver­ture est prévue en 2027?

Marion Floras: Il y a trois volets au projet: le besoin de relo­ger la classe prépa actuel­le­ment accueillie à l’école de Cirque de Lyon, car il y a énor­mé­ment de candi­da­tures pour entrer à cette forma­tion, le besoin d’un lieu de créa­tion sur la métro­pole – mais qui ne soit pas dédié qu’aux projets de Mathu­rin – et un lieu d’en­traî­ne­ment quoti­dien pour les artistes. 

Mathu­rin Bolze: Il y a aussi la néces­sité d’agran­dir la pratique amateur, en construi­sant un lieu ressource pour trans­mettre, ensei­gner, s’ins­crire dans des programmes d’édu­ca­tion artis­tique dans les écoles. Un lieu où l’on s’en­traîne et où l’on s’im­plique.

La plupart des spec­tacles de cirque program­més sur le terri­toire lyon­nais sont ciblés Famille ou Enfants. Le cirque est-il d’em­blée acces­sible au jeune public?

Mathu­rin Bolze: Quand on zoome, c’est abso­lu­ment plein de varia­tions: il y a des gens en colère, des gens à poil… On hérite du cliché “cirque = plai­sir enfan­tin”, ce qui est abso­lu­ment vrai mais ce n’est qu’une partie de l’im­mense panel des propo­si­tions des arts du cirque, qui ont à voir avec l’art contem­po­rain, la danse, le hip hop, la fanfare, des narra­tions proches de la drama­tur­gie du théâtre. Comme le théâtre, le cirque a toutes les couleurs : il y a du inter­dit au moins de 18 ans !

Qu’est-ce que le fait de pratiquer les arts du cirque peut appor­ter à un enfant?

Mathu­rin Bolze: Une grande motri­cité, le sens de ses limites, de ses possibles, de sa force, de sa souplesse, de sa proprio­cep­tion, de son accord avec l’es­pace qu’il a autour de lui et la capa­cité à visua­li­ser son corps dans les mouve­ments. Avec toutes les disci­plines du cirque, l’avan­tage est qu’on va pouvoir aller cher­cher celle qui nous corres­pond le mieux. Une fois qu’on a acquis les bases de travail pour être dans une finesse de la pratique et un déploie­ment de sa maîtrise corpo­relle, il y a tout un champ qui s’ouvre: quelle pratique on invente à partir d’un tronc commun, en bossant propre­ment sans se bles­ser et sans bles­ser l’autre? Il y a un tas de disci­plines qui sont collec­tives et qui ouvrent à d’autres quali­tés: être ensemble, voir, écou­ter, porter, récep­tion­ner, donner confiance, construire ensemble. Après, on ajoute la notion de spec­tacle, de récit, de narra­tion, de mise en scène, d’ou­tils de théâtre qu’on addi­tionne au cirque (vidéo, lumière, sons…).

Aux utoPistes, Mathu­rin Bolze rejouera Ali, avec son ami Hédy Thabet © Manon Valen­tin

Qu’y a-t-il d’ »utopiste » en vous?

Mathu­rin Bolze : L’uto­pie est plus un but à atteindre qu’un état de fait perma­nent. C’est la tenue qu’on adopte pour rester vaillant au sein des combats qu’on mène à l’échelle indi­vi­duelle et collec­tive, dans un monde dont les trem­ble­ments sont effrayants. C’est penser qu’à travers des gestes tout simples – et ceux du cirque sont forts pour nommer ça, je trouve – il y a résis­tance. C’est à cet endroit là qu’il y a de l’uto­piste en nous: en contri­buant à mener ce festi­val et à inven­ter des formes circas­siennes, on met nos forces du côté de la créa­tion et de la vita­lité pour faire du lien, mettre les gens en réflexion ensemble dans une stimu­la­tion de la pensée et de cette pensée en actes.

Marion Floras : Pour moi, c’est le besoin d’al­ler cher­cher dans les univers artis­tiques des propo­si­tions de paysages ou de mondes qui vont faire avan­cer.

Le cirque peut-il aider les enfants à gran­dir dans ce monde aux “trem­ble­ments terri­fiants”?

Mathu­rin Bolze : Oui, parce que le cirque va leur appor­ter l’agi­lité, leur faire déve­lop­per des quali­tés de confiance en l’autre, le goût de l’ef­fort, de la colla­bo­ra­tion, du défi person­nel, de la singu­la­rité … tout ce qui renforce notre capa­cité à être critique et construc­tif en même temps. Les enfants doivent trou­ver l’en­droit où ils s’amusent et s’épa­nouissent. La notion de coopé­ra­tion est essen­tielle quand même, et c’est une des choses que le cirque propose. En cirque, on ne perd pas de vue qu’on n’est pas cham­pion tout seul: on fait peut-être un truc que personne d’autre ne sait faire, mais qui ne tient que parce qu’il est pris dans une construc­tion à plusieurs. C’est quelque chose qui permet de faire un peu société.

Balles­tra, le spec­tacle de fin d’études de la 34e promo­tion du CNAC, mis en scène par Marie Molliens, sera visible sous chapi­teau, au parc de Parilly © DR

Propos recueillis par Clarisse Bioud – Photo d’ou­ver­ture: Mathu­rin Bolze © Chris­tophe Raynaud De Lage

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