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Pascal Blanchard
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Comment une hotline soutient les parents qui craquent

Mis à jour le 15/03/2024

À la tête de l’École des parents et des pros de la petite enfance, le psychanalyste et sophrologue lyonnais Pascal Blanchard a lancé, dès le début du confinement, une hotline gratuite et anonyme pour les parents en difficultés.

Vous avez créé la hotline “Je craque, j’appelle” trois jours après le début du confinement. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

L’École des parents et des pros de la petite enfance, fondée il y a deux ans, travaille principalement sur la notion de coéducation entre les parents et les professionnels de l’accueil de jeunes enfants car il est fondamental que les enfants bénéficient de cette cohésion pour s’inscrire dans une sécurisation affective stable.

En temps normal, notre vocation est de répondre à des questions telle que “comment accompagner mon enfant dans l’apprentissage de la propreté sans qu’elle soit source de stress”, par exemple. Or, dès le premier jour du confinement, on a vu arriver des questions qui n’étaient pas du tout du même ordre. C’était: “Comment je fais ?”, et 90% des appels provenaient de mères isolées, confinées parfois dans des espaces relativement réduits, avec des enfants à gérer, leur télétravail, et une masse de travail scolaire qui les a débordées. 

Comment se passe la prise en charge téléphonique ?

Tous les “écoutants” sont des experts thérapeutes et professionnels de la petite enfance bénévoles, que j’ai formés à la cellule de crise. Quand le parent envoie un e-mail sur notre hotline, il est recontacté dans les six heures pour convenir d’un échange téléphonique.

Dès le début de l’appel, un cadre d’une heure de conversation est posé. L’écoutant prend en charge l’appelant et décide avec lui de la stratégie mise en place. Certains parents sont suivis sur cinq entretiens, d’autres ont besoin d’un seul appel. On ferme un dossier quand on considère que la situation est sous contrôle de la part des parents. 

Que disiez-vous aux parents dépassés par la classe à la maison ?

Dès la première semaine de confinement, la classe à la maison a été la pomme de discorde dans beaucoup de familles. Je leur disais que ne pas faire la totalité des devoirs pendant deux mois n’allait pas rendre les enfants idiots. L’important, en cette période, est de veiller au climat familial. Si les devoirs sont sources de conflits, il faut les alléger, voire les négliger et en profiter pour revoir les bases : avec un petit, refaire l’alphabet, de la calligraphie…

Pour les plus grands : j’ai eu une maman en difficultés avec son fils en 5e, qui a fini par négocier avec lui de se consacrer uniquement aux verbes anglais irréguliers et de laisser tomber le reste. Ça a marché ! Il est fondamental de préserver le climat familial car c’est là-dessus que l’enfant s’appuie pour se sécuriser affectivement, surtout pendant une période comme celle-là. Le climat familial est le terreau dans lequel pousse l’estime de soi, fondamental pour tout être humain.

La classe à la maison était-elle le seul sujet abordé ?

Non, au bout d’un moment, les appels étaient en lien avec tout. Beaucoup de parents nous disaient que la situation leur échappait et que l’éducation positive dans laquelle ils s’étaient engagés jusqu’alors ne marchait plus.

Or, un parent qui entre dans une zone de stress important contamine son enfant, qui avant 7-8 ans, n’a pas la capacité cognitive de gérer son stress seul. On arrive à une situation inextricable où parent et enfant se contaminent mutuellement. Le taux d’anxiété augmente jusqu’au moment où tout le monde est débordé : ça finit en conflit, avec parfois des dérapages.

Que dites-vous à ces parents en détresse ?

Attention, nous ne faisons pas de thérapie individuelle, mais du soutien, de l’écoute bienveillante. D’abord, on déculpabilise le parent. Nous reconnaissons que sa situation est très inconfortable, et qu’il n’est pas un mauvais parent mais un être humain réagissant sous le coup de l’émotion car son environnement est très anxiogène. Nous lui disons que la bienveillance, c’est ce qu’il est en train de faire : nous appeler pour nous dire “Tout m’échappe, aidez-moi”.

Ensuite, on lui explique pourquoi sa réaction est normale. Ce qui nourrit l’anxiété, c’est l’incertitude liée à la situation où l’avenir est complètement bouché. L’être humain est fait pour pouvoir se projeter. Et puis, nous sommes des êtres de communication, nous existons par l’interaction sociale : l’amputation sociale créée par le confinement a fait que les gens se sont retrouvés face à quelque chose qu’ils ne savaient pas gérer. Tout le monde a tenu en serrant les dents.

Les choses se sont-elles arrangées avec le déconfinement du 11 mai ?

Pas du tout! Le 11 mai a eu un effet extrêmement pervers parce qu’on a tous attendu cette date et puis… rien! Les écoles accueillent en nombre réduit, certaines assistantes maternelles ne reprennent pas le travail parce qu’elles ont peur, on demande aux personnels de crèches d’appliquer la distanciation sociale et de porter des masques mais ce sont des mesures antinomiques avec l’accueil des 0-3 ans.

Un enfant qui n’est pas pris dans les bras ne peut pas se sécuriser sur le plan affectif. Le 11 mai n’est pas la fin d’une aventure, on est en plein dedans ! On reçoit d’ailleurs aujourd’hui énormément d’appels de gens qui commencent à souffrir d’un syndrome de stress post-traumatique.

Pourquoi ?

Parce que nous nous sommes imaginé collectivement que le gros du drame était le confinement, mais pas du tout : c’était simplement une phase. Lorsqu’on est confronté à quelque chose de très agressif dans notre environnement, comme un froid extrême par exemple, on tient en serrant les dents. Et puis, lorsque l’atmosphère se réchauffe, on voit que l’on peut se détendre, et c’est pendant cette phase de détente psychique que le syndrome post-traumatique apparaît.

La phase de déconfinement n’est pas rassurante : on ne peut pas se dire que le drame est fini. Ce qui met tout le monde dans une situation d’extrême fragilité psychique. C’est là que nous sommes vigilants car les enfants sont directement reliés à l’état émotionnel des adultes qui les prennent en charge.

Des pédopsychiatres et enseignants ont pu dire que certains enfants n’avaient littéralement pas mis le nez dehors pendant le confinement. L’avez-vous constaté, vous aussi ?

Oui, beaucoup. Pendant le confinement, la première question que nous posions aux parents était de savoir comment ils géraient leur heure de sortie quotidienne. Et beaucoup nous répondaient qu’ils ne sortaient pas ou très très peu.

Or, l’activité physique est un moyen de décharge fondamental dont les enfants ont besoin. On leur disait alors de sortir leur enfant, même simplement sur le trottoir en face de chez eux, pour les faire courir, sauter, grimper, crier… Les parents nous remerciaient après.

Quel regard portez-vous sur la réouverture des écoles et des crèches ?

Je peux entendre les arguments sociaux et économiques du gouvernement… Mais sur le terrain, on constate que, faute de temps et de moyen, on n’a pas mis en place les choses comme elles auraient dû l’être. Beaucoup de professionnelles (assistantes maternelles et employées de crèche) sont actuellement en grande difficulté car elles n’ont pas reçu de masques.

Je comprends que certains parents aient préféré ne pas remettre leur enfant à la crèche ou à l’école car ce qui est fondamental, encore une fois, c’est la contamination émotionnelle : si le parent n’est pas tranquille avec l’idée de remettre son enfant à l’école ou à la crèche et si celui-ci n’est pas accueilli dans des conditions émotionnelles correctes – c’est-à-dire par des professionnelles qui ne sont pas stressées à l’idée de les accueillir – , c’est l’enfant qui en paiera les conséquences.

Qu’entendez-vous par là ?

On n’a pas le droit de les soumettre à ça parce que c’est déterminant pour ce qu’ils seront plus tard. N’oublions pas que la société de demain, ce sont nos enfants qui vont la faire. Il ne faut pas négliger ce qu’on vient de vivre, ça restera un traumatisme.

On en parlera comme de la grande crise sanitaire de 2020 dans les livres d’histoire. C’est un peu comme nos parents, qui étaient très jeunes pendant la guerre, et qui ont été les héritiers du traumatisme de leurs parents qui eux l’avaient vraiment vécue. 

Que pensez-vous de la situation des ados ?

Nos ados sont probablement ceux qui ont le plus souffert du confinement. Un ado est un enfant qui n’en est plus vraiment un, c’est un individu qui a un pied dans le monde des adultes et l’autre encore dans l’enfance. Pour que son adolescence se passe bien, il a besoin de se désidentifier du parent pour s’émanciper de la pensée des adultes et se faire une identité propre.

Et ça passe par la socialisation avec ses congénères : l’ado a besoin de ses copains ! Le fait de ne pas avoir pu se mêler avec eux pendant deux mois a dû être un manque psychique énorme.

Votre hotline a-t-elle vocation à durer tant que tous les enfants ne sont pas retournés à l’école, en crèche ou chez leur assistante maternelle ?

Oui, jusqu’à la fin du mois de juin. Il y a quand même moins d’appels que pendant le confinement et certains bénévoles reprennent le chemin de leur cabinet.

Mais sachez que sous l’égide de la mairie du 5e arrondissement, où est installée L’École des parents et des pros de la petite enfance, une nouvelle hotline dont nous nous occupons est également en place et elle s’adresse aussi à tous les parents.

Hotline “Je craque, j’appelle” accessible par e-mail : [email protected]

Hotline mairie du 5e : [email protected]

Plus d’infos sur L’École des parents et des pros de la petite enfance : lecoledesparents.com / Facebook : L’école des parents et des pros de la petite enfance. Photo : © DR

Propos recueillis par Clarisse Bioud

Pascal Blanchard
© DR

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