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Passion Skate

Publié le 04/11/2021

Le skate n’a jamais été aussi populaire et reconnu. Dans la mode, dans l’art et pour la première fois cet été aux Jeux olympiques, la planche à roulettes a le vent en poupe. Et les enfants remplissent les rangs de ces pratiquants de plus en plus nombreux. D’où vient cette passion ? Quels sont les effets de cette démocratisation sur une pratique indissociable de la quête de liberté ? Et quelle place Lyon réserve-t-elle aux skateur·euses et aux débutant·es ?

Au WallStreet Skateshop*, Mickaël, vendeur et skateur lyonnais, voit défiler, ces dernières années, des pratiquants de plus en plus jeunes. « Le skate est à la mode, observe-t-il. Moi, quand j’étais jeune et que je faisais du skate, je me faisais engueuler ! Maintenant, j’ai des familles qui viennent acheter des planches. » Depuis dix ans qu’il donne des cours au skatepark de Gerland, Mathieu Hilaire, ancien skateur professionnel, constate aussi une évolution : « Beaucoup de parents incitent leurs enfants à faire du skate. Quand j’étais gamin, les miens ne voulaient pas que j’en fasse, ce n’était pas aussi bien vu qu’aujourd’hui. » Carmen Garcia vient d’inscrire son fils Raphaël aux cours débutants. À 8 ans, il est le plus petit de la section, mais cela ne l’intimide pas : l’enfant skate depuis l’âge de 4 ans. «Il a toujours été attiré par les sports de glisse, rapporte la maman. Un jour, on l’a mis sur un skate, et depuis il ne veut plus en descendre. »

Pendant des années, Raphaël s’est entraîné tout seul en bas de chez lui et au skatepark de Dardilly, avant de vouloir intégrer un club. « J’étais fort, du coup je voulais devenir un peu plus fort », explique le petit garçon qui souhaite apprendre à faire des figures. Mais il a fallu attendre un peu car Mathieu Hilaire ne prend pas d’élève en-dessous de 7 ans : « L’apprentissage est technique, il faut bien écouter ; or les petits lâchent vite le fil et il y a alors trop de chutes. » Pour garantir un cours de qualité, les groupes se limitent ainsi à dix élèves. Le professeur peut alors prendre le temps d’expliquer à Raphaël comment améliorer son ollie (figure consistant à faire décoller son skate du sol). Un encadrement et une sécurité recherchés par les parents. Et par conséquent une liste d’attente saturée pour s’inscrire ; les rares clubs, victimes de leur succès, sont submergés de demandes.

Susie Waroude

Un phénomène de société

À l’instar d’autres disciplines issues de la rue comme le hip- hop ou le street art, le skate est devenu tendance. Si certains se félicitent de cette démocratisation, d’autres qui revendiquent les racines underground du skate, se méfient. Dimitri Jourdan, un collectionneur passionné qui vient d’ouvrir son musée de skate** à Grigny, est sceptique : « Des gens qui n’ont rien à voir avec le skate comme la famille Kardashian portent du Vans ; Louis Vuitton sponsorise des skateurs pro et fait des chaussures de skate… C’est paradoxal pour une pratique qui vient de la rue ! » Figure emblématique du skate lyonnais de la première heure, Jérémie Daclin a fondé en 1997 la marque Cliché, stoppée en 2016. Il confirme : « Le skate est devenu un phénomène de société. Aujourd’hui, Nike investit davantage dans le skateboard que dans le tennis. » Nostalgique, Dimitri se souvient des années 1980- 1990 : « On n’avait pas Internet, les skateshops et les magazines étaient la seule source d’information. Il y avait des embrouilles au skatepark, avec les lascars et les rollers… » Une « école de la rue » dont se rappelle aussi Mathieu Hilaire : « Avant il n’y avait pas de cours, pas de profs, c’était plus sauvage. Quand on débutait, on allait sur le parking du Super U pour progresser. » Alors, nos enfants sont-ils victimes de la mode ? Mathieu tempère : « Les ados sont attirés par cette culture street. Quant aux petits, ils skatent pour le plaisir. »

L’art de la liberté

Ce que le jeune Raphaël aime dans le skate, c’est la vitesse. Une sensation de liberté à la base de tout. « L’essence du skate, c’est d’aller explorer la ville, affirme Dimitri Jourdan. C’est voir dans chaque élément urbain une occasion de tenter des figures, d’inventer. » Une vision différente de l’espace urbain qui ouvre un monde de possibles. Le skate devient alors un moyen de s’échapper du quotidien, en allant retrouver ses « potes » pourrider et dénicher de nouveaux spots. Cette liberté inspire de nombreux artistes. Si le skateboard a toujours été lié au dessin via les stickers pour customiser sa planche, représenter un champion ou une marque, des expositions comme Spraying Board organisée par le collectif Superposition cet été montrent l’appropriation des planches comme support par les street artists.

Le skate roule aussi sa bosse au théâtre. En novembre, le TNP accueille Archipel***, une création du chorégraphe Nicolas Musin pour huit riders (pratiquant de sport de glisse terrestre), parmi lesquels cinq skateurs recrutés à Lyon. Un challenge pour le chorégraphe, pris entre des obligations scéniques et une liberté inviolable : « Avec les danseurs, j’ai une totale maîtrise en tant que chorégraphe. Là, on a affaire à des skateurs qui aiment plus que quiconque leur liberté : ils peuvent laisser tomber un boulot pour aller découvrir un skatepark ou un spot fabuleux à l’étranger, expose l’ancien danseur. C’est une culture dédiée à son art : le skate. Donc c’est difficile de leur imposer une chorégraphie. Je leur donne des indications pour les faire rentrer dans l’univers du théâtre, mais en aucun cas je ne peux transformer ce qu’ils sont. »

Libre, dans la rue, le skate peut effrayer les parents. Mais pour Mickaël, qui est aussi papa : « il permet d’appréhender le monde extérieur tout en étant protégé. Un gamin qui va faire du skate à Hôtel de Ville n’aura aucun problème : si quelqu’un lui cherche des noises, les autres iront tout de suite le protéger. » Cette fraternité est le liant de l’univers du skate : « Dans le skateboard, il n’y a pas de frontière, pas de nationalité, pas d’âge, pas de jugement sur ton niveau, assène Mickaël. T’as une planche, tu skates, t’es comme tout le monde. »

Susie Waroude

Le skate se féminise

Qu’en est-il des filles ? Michaël l’affirme, depuis trois ans, elles sont plus nombreuses à venir s’équiper au skateshop, et de tous les âges. « Mais quand j’avais 20 ans, c’était rare d’avoir des filles dans le milieu », ajoute-t-il. « Le skate a longtemps été un sport masculin, confirme Mathieu Hilaire. Ça ne l’est clairement plus. » Si son cours débutant ne compte qu’une seule fille, le professeur assure qu’elles représentent parfois la moitié des effectifs de ses stages. Dans son spectacle, Nicolas Musin aussi ne compte qu’une seule skateuse. « J’aurais souhaité en avoir plusieurs, plaide-t-il. Malheureusement, il y a une appréhension qui persiste. »
Louise, 10 ans, skate depuis 3 ans. Elle ne fait pas de figure et ne va pas dans les skateparks où elle a peur de se faire mal. Elle a un longboard pour se balader dans son quartier. Dans son école, elle ne connaît pas d’autres filles qui pratiquent. « J’ai l’impression que je suis un peu la seule », remarque-t-elle. Comme Mickaël, elle ne peut pas citer une skateuse lyonnaise qui ferait parler d’elle. « Mais dans le monde il y en a de très connues, assure le vendeur, comme la Brésilienne Leticia Bufoni, qui était aux J.O. »

De son côté, Mathieu Hilaire cite aussi la Brésilienne Rayssa Leal, jeune prodige âgée de 13 ans. Bon à savoir : à Lyon, pour promouvoir le skate auprès des filles, l’association ADRSB qui gère le skatepark de Gerland leur fait payer la seule inscription à l’année (15 euros), là où les garçons doivent aussi débourser 5 euros l’après-midi.

Lyon, une capitale du skate

Couvert et accessible tous les soirs jusqu’à 22h, le skatepark de Gerland est un équipement rare en France. Aurélien Giraud, skateur professionnel,
y a fait ses classes, entraîné par Mathieu Hilaire. Candidat de la France aux J.O., il reprend le flambeau d’une lignée de skateurs qui font la réputation
de Lyon à l’international, parmi lesquels Jérémie Daclin, 48 ans, cinq fois champion d’Europe et parrain du skate dans la capitale des Gaules. « La Genèse du skate à Lyon, c’est à peu près moi et d’autres copains en 85-86 à Hôtel de Ville », avoue-t-il. À l’époque, le skate s’exporte tout juste des États-Unis où il naît dans les années 1960, lorsque les gens ont l’idée de fixer les roues des patins à roulettes sur une planche. Vite interdite dans les grosses villes pour les accidents qu’elle cause, la planche à roulette s’efface un temps, avant de refaire surface en 1976 lors d’une vague de sécheresse : privés de vagues, les surfeurs ressortent alors les planches pour surfer dans les piscines vides, dont le design arrondi a inspiré les bols des skateparks. En 1979, les pratiquants commencent à faire décoller la planche du sol pour faire des figures : c’est l’émergence du skate moderne.
À Lyon, « le boom du skate, c’est les années 1990-2000 avec Cliché de Jérémie Daclin », situe Dimitri. Fred Mortagne, un caméra-man lyonnais reconnu dans le monde du skate, fait alors venir des skateurs américains pour faire des images avec la marque sur des spots lyonnais. Dès lors, « les meilleurs mondiaux sont venus skatter à Lyon », retrace Jérémie, attirés par ses spots emblématiques comme HDV (Hôtel de Ville, place Louis-Pradel) ou Lyon 25, un escalier de 25 marches à la Cité internationale. Aujourd’hui, Lyon est une capitale européenne du skate connue mondialement. « Ce qui fait sa reconnaissance, ce n’est pas les infrastructures, mais les gens et les spots, le skate de rue », précise Jérémie.

Des skateparks pour et par les skateurs

Car malgré sa réputation, la ville reste pauvre en infrastructures adaptées. Benoît, du WallStreet Skateshop, explique : « Il y a encore trop peu de skateparks malgré la demande. C’est le problème des grandes villes où le foncier est très cher. » Et quand les mairies en construisent, ils sont souvent mal conçus, délaissés alors par les pratiquants, ce qui n’incite pas la Ville à en faire d’autres. Mais de fait, « pour un gamin qui débute, une rampe de 3 mètres, c’est bien trop haut, insiste Benoît. Donc ça réduit la fréquentation. » Pour les skateurs lyonnais, le skatepark le plus raté, c’est celui des bols de la Guillotière, construits il y a environ 15 ans. « Les architectes voulaient faire tous les quais du Rhône sur le concept du galet, alors ils ont fait les bols en forme de galet », raconte Mickaël. Une ineptie pour les skateurs, qui savent que les courbes d’un ovale sont impraticables en planche. « Le problème, c’est que les mairies ne consultent pas ou peu les skateurs lors des appels d’offres », explique Mickaël.

C’est pourquoi Jérémie Daclin fait son possible pour être associé à la conception des skateparks. « J’avais participé aux discussions de la Guillotière, relate-t-il, mais les architectes n’écoutaient pas, donc j’ai fini par partir. » Aujourd’hui, il collabore avec des élus de la Ville de Lyon au projet d’agrandissement du skatepark de la Croix-Rousse. Une concertation publique a eu lieu cet été ainsi qu’une réunion en mairie avec de jeunes pratiquants. Pour Benoît, la solution doit aussi venir d’eux : « On se bat avec les gamins, on leur dit : “Faites une association et allez voir votre maire, sinon il ne se passera rien !” »

L’association, c’est ce qui a permis aux skateurs lyonnais de sauver un de leurs spots phares il y a cinq ans. « La Ville voulait installer des dispositifs anti-skate à HDV car ils jugeaient qu’on abîmait la place », raconte Jérémie. Regroupés en collectif, les riders lyonnais ont alors monté un dossier avec photos, chiffres et études à l’appui pour proposer d’autres solutions. Les politiques les ont écoutés et ont opté pour des cornières en métal « qui ont le double effet de protéger le mobilier urbain et de mieux glisser quand on ride. » Une coopération qui fait exemple dans le monde.
« Les politiques sont souvent vieux : pour eux, le skate c’est un truc de rebelles. C’est un problème de génération, note Benoît, et c’est en train de changer avec les J.O. ». Cet été, Emmanuel Macron a en effet annoncé la construction de plus de skateparks sur le territoire. Une « super nouvelle » pour Michael et Benoît : « Depuis qu’il est aux J.O., le skate est reconnu comme un sport. Maintenant les communes vont vouloir leur skatepark ».

Susie Waroude

Reconnaissance ou récupération olympique ?

Mais cette appropriation du skate par le monde du sport professionnel divise la communauté du skate. « Les puristes sont très critiques, rapporte Dimitri Jourdan. Pour eux, le skate appartient à la rue, il faut lui laisser sa liberté. » Pour cause, d’après le chorégraphe Nicolas Musin dont le fils pratique lui aussi, « les J.O. n’ont pas fait des émules, car c’est très lisse et très cadré. » Plus une pratique qu’une discipline, le skate se prête mal aux règles. Il n’est pas qu’un sport : il englobe toute une culture où la liberté est centrale et où l’esprit de compétition est parfois malvenu.

Dans le même temps, cette entrée du skate aux J.O. est porteuse de promesses : pour Jérémie, « Ça contribue au fait qu’on prenne le skate plus au sérieux. Plein de skateparks peuvent émerger pour devenir des centres d’entraînement. » Mathieu Hilaire le rejoint : « Ça va développer les structures. Mais il faut garder l’esprit skate dans la rue. Ce n’est pas qu’une compétition, c’est aussi le plaisir et le dépassement de soi. J’espère que les J.O. ne vont pas faire que ça devienne trop sérieux. » Raphaël et Louise, eux, n’ont pas regardé les J.O. de skate à la télé, trop occupés à skater, pour le plaisir.

*rue de la Platière, Lyon 1er.
**The Disturb House Museum, 44 avenue de la Colombe, Grigny ***
Archipel,du6au14novembreauTNP,Villeurbanne.Dès10ans. n


Petit guide du skateur débutant

• Où apprendre les bases du skate à Lyon ? : au Skatepark du parc de Gerland, 24 allée Pierre de Coubertin, Lyon 7e. Tél. 04 78 69 17 86.
Tarif annuel : 240€ pour 25 séances d’1h.


• Comment s’équiper :

– Un skate à sa taille : avant 10 ans, opter pour une planche junior. La marque Globe propose des skates pour les
3-4 ans, avec de la mousse sur la planche à la place du grip (antidérapant) : 80€. Pour les plus de 10 ans, s’orienter vers un skate adulte, entre 80 et 100€. « C’est bien de commencer avec une board complète, conseille Mickaël. Puis on changera, dans l’ordre d’usure, le plateau, les roues et les trucks. »

– Le plateau : c’est ce que le skateur change le plus souvent. « Chez un pro, elle peut durer une semaine, voir quelques jours. Mais avant de la casser il faut quand même un certain niveau », rassure Mickaël. Choisir une planche large pour la stabilité ; une plus fine pour la maniabilité, adaptée pour les figures. De 49 à 80€.

– Les roues : pour la balade, privilégier des roues molles qui encaissent les chocs ; pour les figures, des roues dures.
De 50 à 70€ l’unité.


– Les chaussures : « Il faut des chaussures fines, souples, avec une semelle tendre pour adhérer, et sans coutures partout, parce qu’avec le grip, ça lâche. » De 70 à 100€.

– Casque et genouillères : pour éviter les bleus et les éraflures ! Casque : 45€. Set genouillères, coudières et protège-poignets : de 30 à 40€.
Quelques adresses : WallStreet Skateshop, ABS Lyon, Le cri du kangourou…

Vite ! Une idée de sortie en famille

Poterie, Judo, Arts du Cirque...

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