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Compagnie de théâtre GERM 36
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Interview de la compagnie de théâtre Germ36

Mis à jour le 23/06/2023

« Avec humour, on peut parler de choses très dures aux enfants »

Pauline Hercule et Pierre Germain, de la compagnie Germ36, montent pour la première fois en France Ce que vit le rhinocéros, une pièce jeune public du dramaturge allemand Jens Raschke. En situant son action dans le zoo qui bordait le camp de concentration de Buchenwald, sans jamais le nommer, elle interroge nos comportements face à l’injustice. Nous les avons rencontrés en pleine répétition.

Comment êtes-vous tombés sur le texte de Jens Raschke? 

Pauline Hercule : Quand les théâtres étaient fermés en 2021, le théâtre de la Croix-Rousse nous a ouvert ses portes en tant que jeune compagnie. Au même moment, nous sommes tombés sur le texte de Raschke dans le cadre des Journées de Lyon des Auteurs de théâtre, dont je suis la directrice artistique. Chaque année, on reçoit 400 textes et on en sélectionne cinq qui seront publiés. Le Rhinocéros fait partie des lauréats 2022. Pierre Germain : Nous avons été sidérés par ce texte… Il est exceptionnel !

Alors qu’elle s’adresse au jeune public, la pièce parle d’un sujet très lourd. Comment avez-vous fixé l’âge à partir duquel les enfants peuvent la voir? 

Pauline : On a mis 10 ans, parce qu’en CM2 on traite les grands conflits du XXe siècle. En Allemagne, où elle a été énormément jouée, la pièce est accessible dès 9 ans, parce que le sujet de la Shoah est abordé plus tôt à l’école. 

Pierre : On a testé la pièce devant des CM2 et des 6e et ça s’est très bien passé. C’est assez touchant parce qu’ils sont plus sur l’histoire de l’ours qui a perdu sa maman. Ils n’ont pas la mémoire de l’extermination et des camps de concentration, ils ne se prennent pas tout ça dans la figure ! Ils ne voient pas les mêmes choses que les 3e qui, avec la Seconde Guerre mondiale au programme, sont plus dans l’analyse.

Tout de même, comment ne pas les effrayer? 

Pauline : On ne contextualise pas le camp de concentration. Notre idée, c’est vraiment de dire que c’est une injustice comme il y en a plein d’autres aujourd’hui. Et que fait-on face à cette injustice ? Que fait-on face aux migrants qui traversent la Méditerranée ? Que fait-on face aux clochards dans la rue? 

Pierre : On n’est finalement pas très loin des contes du XVIIe siècle qui étaient atroces, avec des ogres pédocriminels, comme dans Le Petit Poucet ! La pièce raconte notre monde sur le mode de la fable. Ça ne doit pas être la messe : on peut parler de choses très dures avec humour, ça fait partie de la tragédie humaine. C’est pourquoi je demande beaucoup aux comédiens de sourire en jouant.

Le public est placé en U autour de la scène. Pourquoi avoir opté pour cette scénographie en cercle? 

Pierre : Le cercle, c’est la fosse aux ours, c’est le zoo, c’est aussi l’arène. Mais c’est aussi l’Antiquité parce que maintenant, ces grandes horreurs européennes commencent à entrer dans une forme d’Antiquité. 

Pauline : Il y a aussi cette histoire du regard individuel ou collectif qu’on porte sur l’horreur. Il faut que le spectateur puisse à la fois voir la pièce et être vu en train de la regarder. On est tous dans le même bateau, face à cette injustice. 

L’histoire se découpe en deux : celle des narrateurs qui interviennent au début, puis régulièrement au cours de la pièce, et celle des animaux du zoo. Qui sont ces narrateurs, en fait? 

Pauline : C’est la question : qui sont-ils? On a beaucoup travaillé sur la façon d’aborder l’histoire. La scénographie nous a aidés : assez vite, on a eu quatre blocs au sol qui représentent les points de vue des quatre animaux, mais qui sont aussi les ruines de ce qui s’est passé. On s’est dit qu’il fallait partir de là : les narrateurs cherchent, trouvent un bloc, se disent «Ah là, il y avait une cheminée» et redécouvrent l’histoire… 

Pierre : Ils sont comme des archéologues qui essaient de comprendre pourquoi des gens, finalement comme eux, sont tombés du côté des bourreaux. Franchement, qu’est-ce qui s’est passé en 39-45? Parce que c’est réellement hallucinant ! 

Les animaux ont d’ailleurs des comportements très humains… 

Pauline : Oui, il n’y a pas de héros. Tous les personnages ont des enjeux. Même Papa Babouin, qui passe un peu plus pour un méchant : tout bêtement, il a une femme et des enfants qu’il cherche à protéger. 

Chaque représentation du Rhinocéros sera suivie d’un «bord de scène» avec une médiatrice du CHRD… 

Pierre : Oui, ce partenariat a été mis en place par le théâtre de la Croix-Rousse. Après le spectacle, on peut discuter avec une spécialiste de ce qu’était réellement un camp de concentration. Au début j’ai eu peur car, nous, on ne fait pas du tout un truc sur le devoir de mémoire. Mais les équipes du CHRD, qui sont venues voir les répétitions, ont très bien compris que c’est une fiction.  

La Cie Germ36, du théâtre au collège

Cela fait déjà six ans que Pauline Hercule et Pierre Germain interviennent au collège Aimé-Césaire de Vaulx-en-Velin, sur les temps périscolaires. Mais depuis septembre, grâce à l’énergie du professeur de français Dominique Notargiacomo et au soutien de la cheffe d’établissement, ces heures de théâtre sont intégrées dans l’emploi du temps de certains élèves de 6e et de 5e , faisant de l’établissement vaudais le premier collège à « classes à horaires aménagés théâtre » du Rhône. Cela se traduit par 200 heures d’intervention de la compagnie Germ36 dans l’établissement, et 12 heures du professeur de français dédiées au théâtre chaque semaine. Concrètement, les élèves des classes « théâtre » ont deux heures de pratique et une heure de théorie par semaine. D’ici trois ou quatre ans, tous les niveaux du collège pourraient être concernés par cette classe théâtre. « On y tient beaucoup, ce n’est pas de l’action culturelle pour boucher des trous, ça a du sens! » affirme Pierre Germain.

Article rédigé par Clarisse Bioud • Photo d’ouverture : © Susie Waroude

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