« Mon cul ! » Voilà bien une formule emblématique du personnage de Zazie écrit par Raymond Queneau en 1959. Une petite fille intrépide, confiée par sa mère à son oncle parisien Gabriel, et qui ne désire qu’une chose : voir le métro.
L’histoire est fidèlement reprise par Zabou Breitman, qui adapte au théâtre un Zazie dans le métro en forme de comédie musicale aussi colorée et surréaliste que l’œuvre originale, qui l’accompagne depuis petite : « Je suis née avec Zazie, raconte-t-elle. J’avais un papa fan de l’Oulipo, de cette philosophie de l’absurde qui va en fait très loin dans la pensée. »
Lire aussi sur Grains de Sel : Goupil et Kosmao, le touchant duo entre un magicien et une peau de renard
Une absurdité à laquelle la pièce fait donc honneur – avec notamment un Napoléon anachronique qui vient squatter quelques scènes – et qui amusera les (grands) enfants : « Tout est dingue et joyeux, s’enthousiasme la metteuse en scène. On a une petite fille rebelle qui scande plein de gros mots, qui dit “mon cul” aux adultes… C’est une œuvre haute en couleur, même si le fond est noir… »
Un fond noir qu’elle insère littéralement sur scène, venant trancher avec les tentures et costumes colorés. Et qui s’illustre aussi dans les chansons écrites par Zabou Breitman elle-même. Bien qu’entraînantes, elles éclairent les zones sombres du roman : « Il y a une chanson sur les “papouilles zosées”, un cabaret avec l’oncle transformiste de Zazie… »
Zazie dans le métro, aller au fond des choses
Car il y a une double lecture à cette oeuvre. Sous l’apparente légèreté, Zazie dans le métro effleure de lourdes problématiques. « Zazie est une petite fille abusée, rappelle Zabou Breitman. Je trouve le roman incroyablement moderne, notamment en ce qui concerne les conditions féminines. Quand Zazie demande au chauffeur de taxi : “Est-ce que je vous plais ?”, il répond : “T’es une gamine”. Le discours est très clair: une enfant de 12 ans peut être dans la séduction, elle fait ses armes; c’est l’adulte qui doit poser la limite. »
Moderne aussi sur les questions d’identité, que Zabou Breitman évoque dans des scènes avec l’oncle Gabriel en Gabriela et par la voix rebelle de Zazie. « Elle n’a de cesse de demander: “C’est quoi un homosexuel ?“, rapporte la metteuse en scène.
Quand on lui confirme que “c’est un homme qui met du parfum“, elle rétorque : “Y a pas de quoi mettre quelqu’un en prison“. À l’époque, 1959, l’homosexualité est encore pénalisée. Derrière la voix de cette petite fille, c’est un peu Queneau qui prend position. »
Zazie par Zabou, c’est en somme le conte initiatique d’une petite fille qui veut aller au fond des choses: « Tout se passe au sous-sol : le métro, la cave… C’est tout ce qui est sombre et interdit et que Zazie veut aller visiter, analyse la femme de théâtre. Quand elle demande : “C’est quoi une pédale?”, elle répète ce qu’elle entend et pose les questions que tout enfant peut se poser, sans morale. »
Ce qui lui permet d’envoyer balader, en chanson, Napoléon, son « chapeau à la con », les « vieux crado » et leurs « cochoncetés sexuelles »… Pour finir, au grand bonheur des enfants, sur un magistral « politesse mon cul ! »
Zazie dans le métro, dès 11 ans. Mer. 22 et ven. 24 mai à 20h, jeu. 23 mai à 19h30 et sam. 25 mai à 18h. Tél. 04 78 03 30 00. Théâtre national populaire, 8 place Lazare-Goujon, Villeurbanne. tnp-villeurbanne.com
Durée 1h45. Tarif : de 12 à 25 €