Un sale gosse qui bastonne et trompe ses maîtres pour se venger de leur ingratitude : avec Les Fourberies de Scapin, Molière s’adonnait volontairement à un théâtre régressif, vrombissant comme la jeunesse alors qu’il allait mourir deux ans plus tard. C’est le cocktail explosif de ces Fourbe- ries : être aussi drôle que tragique, mixant l’art burlesque et visuel de la commedia dell’arte avec une satire de la société. Car il ne fait pas bon être père dans cette pièce, sous peine d’être humilié, battu dans un sac, moqué dans des répliques célèbres (« Qu’est-il allé faire dans cette galère ? »), ridiculisé par un scénario animé de colère sociale. En effet, derrière les coups de bâton, les mensonges et les situations loufoques qui font tant rire, ce sont le conformisme et la violence masculine du patriarcat qu’attaque Molière. D’où l’universalité de la pièce, le mariage forcé et l’opulence du patrimoine immobilier ne pouvant que faire encore tristement écho à l’actualité.
La plus grande difficulté avec cette comédie carnassière, c’est sans doute de maintenir son jeu enfantin, comprenant même des épisodes dansés, avec la violence du propos politique. En le remontant pour la Comédie-Française, Denis Podalydès a voulu le faire dans les conditions sommaires de l’époque : quelques accessoires, des tréteaux, et des comédiens rompus au plus pur art théâtral, celui de la tromperie et de la gesticulation. De quoi faire rire les enfants comme dans un cartoon, tout en questionnant la conscience sociale de leurs parents.
Les Fourberies de Scapin • Du mercredi 10 au samedi 20 octobre à 20h (dim. 16h). Théâtre des Célestins, 4 rue Charles Dullin, Lyon 2e . Tarifs : de 9 à 38 €. Durée : 1h45. theatredescelestins.com
Luc Hernandez et Clarisse Bioud