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Comment parler du réchauffement climatique aux enfants sans leur saper le moral ?

Mis à jour le 25/10/2023

Inondations, chaleurs extrêmes au Canada, dernier rapport accablant du GIEC… Cet été, les catastrophes ont défilé sur nos écrans et dans nos conversations. Avec, parfois dans les parages, les enfants qui écoutent d’une oreille. Que comprennent-ils de cette réalité qui s’installe dans notre quotidien ? Comment aborder avec eux la question complexe et anxiogène
du réchauffement climatique ?

« Ah, c’est grave quand même. » Discrète, la réflexion de Sean, 8 ans, devant le journal télévisé diffusant les feux de forêts cet été, n’a pas échappé à sa mère. Pourtant, ce n’est pas la première fois que l’enfant entend parler du réchauffement climatique. Sensible depuis toujours à l’écologie et parfaitement documentée, Farah, sa mère, a pris très tôt la mesure de la crise et opté pour une éducation proche de la nature et transparente sur le sujet : « Il nous entend beaucoup en parler, reconnaît-elle. Ça ne l’empêche pas de jouer et il ne m’en parle jamais. Mais je sais que c’est dans un coin de sa tête. »

Vif et souriant, Sean a tout d’un enfant épanoui. Dans le jardin partagé où sa maman l’emmène régulièrement, il préfère mener la visite, cueillir et offrir des tomates cerises plutôt que de parler d’écologie. « Je lui ai demandé un jour s’il avait peur du changement climatique, relate pourtant sa mère. Il m’a répondu “oui”» Sean se souvient : « J’avais entendu dans un C’est pas sorcier que si vers 2050 on n’a pas baissé nos émissions de carbone, le climat va atteindre + 5°C. Maman m’a dit : “N’aie pas peur, c’est possible de réduire nos émissions de moitié…” »

Dire la vérité et accepter les émotions

Claire a elle aussi fait le choix de parler du réchauffement climatique à son fils : « Les sensibiliser à ces questions, c’est aussi leur dire la vérité. » La comédienne Lucie Chochoy, qui a créé son premier spectacle pour enfant sur le sujet, la rejoint : « Choisir de ne pas leur en parler revient à leur mentir. Ils en entendront forcément parler, il vaut mieux les accompagner. » Les accompagner, c’est la raison pour laquelle Gaëlle Aubrée-Coche, psychologue au cabinet Chrysippe à Lyon, enjoint les parents au dialogue : « Ils y auront de toute façon accès, et peut-être de manière plus catastrophiste, explique-t-elle. Ils peuvent entendre des choses qui les perturbent. Seuls, ils n’ont pas le recul et les outils pour appréhender l’information. » Directeur de l’École urbaine de Lyon spécialiste de l’anthropocène, Michel Lussault invite lui les parents « à se poser avec les enfants les questions qu’on est tous censés se poser en tant qu’adulte », mais aussi à prendre conscience de leur capacité, plus grande qu’on ne croit, à les assumer : « Souvent on projette sur eux l’inquiétude des parents, mais les enfants sont enclins à se poser des questions fondamentales parfois refusées par les adultes. »

Alors, pour aborder le sujet avec eux, Gaëlle Aubrée-Coche conseille une écoute active et bienveillante : « Il faut accueillir le questionnement de l’enfant sans jugement ; lui expliquer les faits avec des mots simples, sans les minimiser ni les exagérer ; lui dire aussi que le changement climatique devient un enjeu majeur à l’échelle des pays, qu’il n’est pas seul avec ses craintes. » Surtout, la psychologue invite à accepter ses émotions : « Il a raison d’avoir ces inquiétudes ; c’est le monde dans lequel il va grandir. » Maman d’une petite Norah qui fondit en larmes en apprenant que seuls dix marsouins restaient sur la terre, Eline affirme : « Oui, c’est triste. Cette crise écologique est profondément triste. Mais je pense que les émotions sont importantes. Elles nous donnent l’énergie pour nous battre, il ne faut pas les censurer. » Toutefois, « Tout dire n’est pas une bonne chose non plus, pondère Gaëlle Aubrée-Coche. Il n’est pas besoin de faire tout un déroulé sur le réchauffement climatique dès que l’enfant pose une question. On risque de lui ajouter des sujets d’angoisse, parce qu’il n’est peut-être pas prêt à tout entendre. » La psychologue conseille donc de doser le discours en fonction de l’âge et de la sensibilité de l’enfant. Pour Emeline Gay, membre de l’association Anciela et mère de deux petites filles, « C’est important de donner le sentiment qu’il y a un horizon et qu’on n’est pas juste face à un gouffre. » Capital aussi d’après la psychologue : « Ne surtout pas parler d’un problème sans proposer une ouverture, mais orienter vers une solution, montrer qu’on peut agir. »

ouverture @Susie Waroude

Agir, un chemin vers l’apaisement

Farah en est convaincue : « Agir peut apaiser l’anxiété. Il faut proposer des pistes d’action à son enfant. Quand on a planté la forêt Miyawaki au parc de Parilly, Sean était super content car il sait que c’est bon pour la planète. » Lucie Chochoy affirme elle aussi le bénéfice de « rentrer ensemble dans un cercle vertueux. On peut faire plein de choses avec son enfant : ça peut être ludique de fabriquer ses produits soi-même, de relever des défis… » Engagée à Lyon Climat, Eline en fait profiter sa fille : « Je veux lui montrer le côté festif et positif qui peut naître de l’engagement associatif, pour ne pas être toujours dans le côté triste ou punitif, explique-t-elle. Elle a tourné dans une bande-annonce d’une marche climat où il fallait crier “On est plus chaud que le climat” et elle a adoré ça ! » Moment familial et jovial par excellence, les marches pour le climat sont une bonne entrée en matière pour les enfants.

À l’école primaire Pierre-Termier (Lyon 8e), l’écologie est devenue une véritable culture grâce à une équipe pédagogique mobilisée et des élèves moteurs. Chaque année, ils forment un Conseil des éco-délégués, qui imaginent et mènent des projets écologiques, comme recycler le papier. « Mais il ne faut pas faire des actions pour faire des actions, précise Jean-Luc Courvoisier, le directeur de l’école. Il faut distinguer l’écologie superficielle – des petites actions pour se faire plaisir – et l’écologie profonde, qui demande de changer son mode de vie. » Une considération qui invite à se poser la question de nos usages : de quoi ai-je vraiment besoin ? À quoi suis-je prêt à renoncer ? « C’est tout un travail de réflexion avec les élèves. Ce qui nous importe, c’est qu’ils se l’approprient pour que ça perdure ensuite dans leur vie. »

Et pour s’approprier les bons réflexes, de nombreuses propositions existent : des stages à la Maison de l’environnement ; le festival Agir à Lyon à visiter en famille en octobre, des marches clean-up, comme celles menées par l’association Randossage au parc de Miribel Jonage par exemple où adultes et enfants de tous âges ramassent les (trop nombreux) déchets trouvés sur leur chemin. Et pour les parents, le programme Parents en transition qu’Emeline Gay pilote au sein d’Anciela : « La parentalité est un moment clef qui amène à se poser des questions sur le monde qu’on va laisser à ses enfants, témoigne-t-elle. Alors on les aide à changer les habitudes à la maison. » Autre piste, l’École urbaine de Lyon organise en janvier la Semaine à l’École de l’anthropocène, où chacun peut s’informer via des conférences et ateliers, dont beaucoup pensés pour le jeune public.

100% de bienveillance, 0% de culpabilité

Si l’anxiété demeure, les parents peuvent aussi recourir à un.e psychologue. Et pour repérer l’anxiété chez l’enfant, Gaëlle Aubrée- Coche invite à guetter les éventuels troubles du sommeil, replis sur soi, accès de tristesse ou de colère… « Ça peut aussi apparaître dans un dessin. Il ne vous dira pas spontanément qu’il est anxieux et que ce qui l’inquiète, c’est l’avenir du monde. Il n’en aura pas toujours conscience et parler de ce qui le préoccupe n’est pas évident. Il faut donc créer les conditions favorables pour que la parole émerge et profiter des moments privilégiés autour d’un livre, d’un jeu sur les émotions, pour créer un dialogue. »

Enfin, la psychologue met en garde : « Une exigence complète est anxiogène. Il s’agit de respecter le rythme de l’enfant sans lui mettre la pression. Car on peut aussi provoquer un rejet. » Eline renchérit : « Attention à la limite entre responsabiliser et culpabiliser. L’enfant reste un enfant. S’il veut faire plus, il faut y aller, mais pas forcer. » Malgré son éco-anxiété, Farah veut elle aussi laisser une place à l’insouciance : « Un jour mon fils est rentré de l’école et m’a dit : “Maman, j’ai mangé du Nutella ! Je sais que ça fait mal à la planète…” Je lui ai dit qu’on ne peut pas être parfait tout le temps. » Pour s’engager sans se juger ni s’épuiser, Gaëlle Aubrée-Coche invite alors à différencier maximum et optimum : « Notre optimum, c’est ce dont on est capable. Il sera haut un jour, faible un autre, et il faut le respecter. L’important, c’est de tendre vers. »

@m. sciberras

Des supports pédagogiques et des exemples parlant aux enfants

Si le changement climatique a fait son entrée dans les programmes scolaires, il appartient encore aux enseignants de l’aborder pleinement avec leurs élèves. À l’école Pierre-Termier, Sébastien Nedey, professeur de CM1, et Mathieu Sciberras, CPE, s’emparent du sujet. « On précise que le réchauffement climatique est un phénomène naturel à la base, que l’action de l’Homme aggrave et accélère, rapporte l’enseignant. On explique ce qu’est la COP21, ce qu’il peut se passer si on ne fait rien… Les enfants sont à chaque fois très intéressés. » Pour leur rendre la chose accessible, ils utilisent des supports qui captent leur attention, comme des dessins-animés, des documentaires, mais aussi et surtout des photos de Mathieu Sciberras. « En tant que passionné de photographie animalière, je voyage beaucoup et suis témoin de bouleversements », explique l’éducateur, qui rapporte de ces voyages des images et des témoignages qui marquent les élèves. Des photos des îles Spielberg, mais aussi de la vallée de Chamonix, pour montrer que le réchauffement climatique n’est pas qu’à l’autre bout du monde. Si les photos et récits de Mathieu Sciberras captivent les enfants, c’est parce qu’ils y retrouvent des figures qui leur sont proches : les animaux. « Je leur ai raconté la fois où j’ai suivi une ourse polaire et ses deux petits qui n’avaient rien mangé depuis un jour. La femelle était squelettique. Ma guide m’avait dit que s’ils ne trouvaient pas de quoi se nourrir dans les 24 heures, les deux petits avaient peu de chance de s’en sortir », témoigne le CPE ému. Le soir, à la maison, une petite fille a pleuré. « Les parents sont venus me voir le lendemain, se rappelle Mathieu. Quand on leur a expliqué, ils ont été touchés eux aussi. » Une approche qui révèle toute l’empathie des enfants : « Ils sont beaucoup plus préoccupés par la difficulté des ours polaires à se nourrir que par les inondations à venir », confirme Jean-Luc Courvoisier, le directeur de l’école.
« La montée des eaux, c’est abstrait pour les enfants. Il vaut mieux porter leur attention sur des choses qu’ils connaissent, comme les animaux », valide Gaëlle Aubrée-Coche. La psychologue vente aussi la puissance des métaphores, utilisées dans les contes : « C’est une image qui nous parle immédiatement, les enfants y sont très sensibles, explique-t-elle en évoquant l’exemple du colibri, ou l’explorateur Jean-Louis Etienne qui illustre l’effet de serre avec une serre de jardin. De nombreux livres, jeux de société et vidéos adaptés à tous les âges existent aussi pour aborder le sujet avec eux. » Sans oublier les spectacles.

L’art, une approche en douceur

Dans son spectacle Je suis Max, la comédienne Lucie Chochoy souhaite montrer que les enfants, aussi petits soient-ils, peuvent participer à inverser la tendance. Avec Max, ils parcourent les maux de la terre comme autant de mondes, et doivent faire les bons choix pour guérir la planète. « Par exemple, ils peuvent voter pour continuer à utiliser du plastique ou pas, et en fonction de leur choix, on voit les conséquences », explique Lucie. Le spectacle aborde ainsi les gaz à effet de serre, les pesticides… Le tout avec humour, « pour que ça passe mieux. Le but n’est pas de les traumatiser. Un enfant a besoin de rêver. »

Rêver, c’est ce que propose aussi Céto, un spectacle créé par des artistes plongeurs et programmé en novembre au théâtre de la Renaissance, à Oullins : une aventure dans les fonds marins, représentés par un univers aussi merveilleux qu’étrange, avec des formes de vie étonnantes… Dans le même registre, le TNG présentera Au jardin des Potiniers : « Sur une table se déploie un jardin de papier, avec des trous dans lesquels les enfants passent la tête pour regarder vivre ce petit monde d’ordinaire invisible, décrit Céline Leroux, directrice adjointe du théâtre. Les artistes convoquent ici l’image d’un monde fragile pour sensibiliser les enfants à la préservation de la nature. » Pour ces théâtres, programmer des spectacles qui évoquent la question écologique est primordial : « L’art est une approche sensible, avec une réception moins anxiogène mais qui permet une prise de conscience véritable », défend Marie-Hélène Felix, conseillère à la programmation jeune public à la Renaissance. Un bon moyen aussi d’initier un dialogue : « Sur ces thématiques qui brûlent les doigts de certains parents, les enfants attendent parfois que le débat se déclenche, assure-t-elle. Mais à la fin d’un spectacle, souvent ce sont les enfants qui lancent les conversations. »

Au musée des Confluences, l’exposition La Terre en héritage peut aussi être le point de départ d’un échange avec les enfants déjà un peu plus âgés (11 ans). Retraçant les choix de société qui ont été faits du Néolithique jusqu’à aujourd’hui et qui ont mené à une crise globale, l’exposition retranscrit en dispositifs interactifs des statistiques pas très drôles. Alors, « on a choisi dans la conclusion de revenir sur un aspect philosophique, avec des œuvres qui rappellent le lien de l’humain à la nature », explique Maïnig Le Bacquer, cheffe de projet.

Anciela © Tiphaine Vasse

Se relier à la nature

Pour donner envie d’agir, et pour se ressourcer, « l’émerveillement devant la nature est central », assure Jean-Luc Courvoisier. Gaëlle Aubrée-Coche confirme : « Avant de parler du réchauffement climatique à un enfant, il faut lui permettre de se développer au contact de la nature, de manipuler la terre, porter son attention sur une fleur, un insecte… Et lui apprendre à s’arrêter. » Pour Emeline Gay, qui a à cœur de faire courir sa fille dans l’herbe sans qu’elle ait peur des petites bêtes, « il est indispensable de reconnecter les enfants au monde vivant. » Une reconnexion tout à fait possible en centre- ville : Farah, Emeline et Eline emmènent leurs enfants se promener dans les parcs, contempler la faune locale, gratter la terre dans les jardins partagés, faire des marches clean-up… « Plus on les amène à aimer la nature, plus ils auront à cœur de la protéger, conclut Farah. Et protéger la biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique, c’est le même combat. »

Infos pratiques

• Festival Agir à Lyon : le 10 octobre de 10h30 à 18h à la Maison pour tous des Rancy, Lyon 3e.
• Je suis Max : du 26 au 28 octobre à l’Espace Gerson, Lyon 5e. Dès 7 ans.
• Céto : le 13 novembre au théâtre de la Renaissance, Oullins. Dès 2 ans.
• Au jardin des Potiniers : les 20, 21, 27 et 28 novembre au TNG. Dès 7 ans.
• La Terre en héritage, jusqu’au 30 janvier 2022 au musée des Confluences, Lyon 2e. Dès 10 ans.

Trois outils pédagogiques pour aborder le réchauffement climatique en famille

• Un livre : L’Atlas du changement climatique, toutes les solutions pour agir. Gallimard Jeunesse. Dès 9 ans. 18€.
• Un jeu de société : Sauve ta planète, jeu de cartes et de plateau. Dès 8 ans. 26,90€.
• Une vidéo : Le Changement climatique expliqué par Jamy, disponible sur YouTube. Dès 7 ans.

Vite ! Une idée de sortie en famille

Poterie, Judo, Arts du Cirque...

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