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Illustration Pere Noel et enfants de Mathilda Abou Samra
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Croire au Père Noël, une affaire de famille

Publié le 04/12/2023

Que les enfants y croient dur comme fer ou n’y croient plus du tout, le Père Noël tient sa place dans nombre de familles chaque hiver. Pour beaucoup, l’existence du gros bonhomme venu du froid relève à la fois de l’émerveillement, du ciment familial et du rite initiatique. Pour en connaître les raisons, Grains de Sel a mené l’enquête, non pas en Laponie, mais ici bas auprès de familles et de spécialistes de l’enfance et du pouvoir des histoires.

On compte les dodos. Les artères commerciales et l’ambiance générale de décembre se chargent d’électricité. Dans la cour de récréation, on compare sa liste de cadeaux avec celle des copains. Et puis le soir, on imagine le Père Noël, là-bas quelque part, en train de préparer son chariot. Il y a bien quelques rumeurs qui circulent à l’école: les grands, notamment, disent qu’il n’existe pas. C’est vrai qu’elle est quand même bizarre cette histoire de traîneau! Mais qu’importe, puisque l’histoire est belle.

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« Dis Maman, il existe vraiment le Père Noël? »

Le Père Noël, la Petite Souris, le Marchand de sable, le Lapin de Pâques… Jusqu’à preuve du contraire, cette ribambelle de personnages n’existe pas. Pourtant, dans de nombreuses familles, on commence à y croire dès le plus jeune âge. Chaque année à partir de décembre, c’est la même rengaine avec le champion de traîneau de Laponie. On va jusqu’à mettre en place de véritables mises en scène pour le rendre crédible, jouer la comédie, se déguiser. Pour ceux qui participent à ce grand rendez-vous annuel, il existe une multitude de manières de gérer l’existence du bonhomme rouge et blanc. Qu’est-ce que cela raconte de notre rapport aux enfants et surtout aux histoires ? Lorsque Baptiste, 5 ans, demande à sa mère : « Il existe vraiment le Père Noël ? », la question est peut-être beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.

© Mathilda Abou Samra

Chaque famille a son Père Noël

On peut s’interroger sur ce qui nous pousse à faire croire en l’existence de ces personnages merveilleux. Si on était cynique, on pourrait répondre que c’est à cause d’une célèbre boisson gazeuse. Mais cela ne serait pas suffisant. Le Père Noël, c’est avant-tout une histoire de transmission. « Selon les familles, on amène l’enfant à une croyance commune. Il y a quelque chose de l’ordre de la reproduction. Qu’est-ce que j’ai vécu comme enfant et qu’est-ce que je veux transmettre de cette histoire et partager avec mes propres enfants » explique Sophie Ignacchiti, psychologue du développement à Lyon. Chaque famille aurait ainsi son propre Père Noël: « Il n’y a pas qu’un Père Noël. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment il s’inscrit dans cette histoire familiale-là. »

Le Père Noël, symbole de douceur et de protection pour les enfants

Depuis les premiers dessins de Thomas Nast, qui l’imaginait dans les pages du Harper’s Bazaar en 1881, on s’accorde généralement sur l’apparence du Père Noël. Et notamment sur un point : sa douceur. Nathalie Somers est autrice jeunesse. Elle connaît bien ces personnages magnifiques pour les avoir mis en scène dans les aventures de la petite souris Quenotte (voir L’anniversaire du Père Noël aux éditions 400 coups) : « Le Père Noël, c’est vraiment l’incarnation de la personne qui vous protège. Celle qui va satisfaire tous vos besoins. C’est quelqu’un d’intrinsèquement bon. » Ce bon Père Noël incarnerait donc un rapport protecteur à l’enfance. Un rapport qui s’est construit au fil du temps.

Le Père Fouettard déboulonné par le Père Noël au XXe siècle

Si on peut faire remonter ses origines à plusieurs siècles en arrière avec la figure de Saint-Nicolas, le développement de la croyance autour de la figure du petit papa Noël aurait pris de l’ampleur au moment de l’apparition d’une nouvelle conception de l’enfance. C’est-à-dire tout au long du XXe siècle. Une conception de l’enfance qui place le bien-être de l’enfant au centre de sa réflexion. « Il y a une bascule qui s’est opérée grâce aux différents mouvements de l’après-guerre comme les mouvements féministes. Il y a aussi un apport des neurosciences, de la psychologie cognitive. On a davantage conscientisé que l’enfant est un sujet à part entière. Et forcément, la question autour des contes s’en est nourrie, notre propre rapport autour des mythes a changé » analyse Sophie Ignacchiti. Cette évolution s’est faite au détriment des mythes plus durs comme celui du Père Fouettard, censé effrayer les enfants pas sages. « On l’a oublié celui-là et je pense que cela dit quelque chose de notre culture. On a un peu mis de côté les aspects sombres des histoires » argumente la psychologue. Le Père Noël, c’est aussi le produit de notre époque et de notre regard sur les enfants.

Croire au Père Noël, croire en ses parents

De même qu’il n’est pas identique selon les familles, le Père Noël n’existe pas de la même manière selon les âges. La croyance prend de nouvelles formes selon les différents stades cognitifs de l’enfant. « La période intense pour cette croyance est comprise entre 2-3 ans et 7 ans. Avant, l’enfant n’a pas les capacités cognitives et généralement vers 6-7 ans, il va commencer à comprendre qu’il y a des choses illogiques dans ce qu’on lui raconte. Comment est-ce possible pour le Père Noël de faire le tour de la terre en une nuit ? ».

Chez certains, la croyance dans le Père Noël est plus ancrée que pour d’autres. Professeur émérite de psychopathologie clinique à Lyon 2, Bernard Chouvier a mené des recherches sur la croyance au Père Noël auprès d’enfants de 8 ans. Il a démontré que parfois, chez l’enfant, le phénomène de la croyance est plus fort que ses capacités cognitives. « J’avais fait dialoguer un petit garçon qui n’y croyait pas et deux petites filles qui y croyaient. Il essayait de les convaincre. Mais pour elles, c’était tellement ancré qu’elles mettaient leurs compétences cognitives au service de leur croyance. Leur position n’a pas bougé d’un millimètre, même face à des arguments logiques ! »

Pour Bernard Chouvier, cette croyance dans le Père Noël n’est qu’une facette d’une caractéristique plus large, universelle, du développement de l’enfant. « Le phénomène de la croyance est lié à la confiance parentale. L’enfant croit que ces parents sont tout-puissants. Les croyances basiques sont de ce registre-là et font partie de l’illusion imaginaire. Chez nous, c’est le Père Noël, chez les Indiens Hopis, c’est la croyance aux masques. C’est un phénomène fondamental. »

Toutes les histoires aident les enfants à grandir

Plus globalement, s’interroger sur l’existence du Père Noël nous permet de questionner le rapport que les enfants entretiennent avec les histoires. Les contes, les fables et les mythes éveillent les sens et l’imagination « Les enfants ont besoin qu’on leur raconte des histoires. Ça ne doit pas être nécessairement le Père Noël. Un enfant peut très bien grandir sans avoir été bercé par la légende du Père Noël. Mais c’est bien qu’il puisse avoir accès à une autre légende, une autre rêverie » explique la psychologue Sophie Ignacchiti.

Les personnages qui prennent place dans ces histoires possèdent une fonction bien particulière. Avant d’être autrice de livres pour enfants, Nathalie Somers était institutrice. Elle en a mesuré l’impact : « Les enfants ont besoin de voir des personnages qui surmontent les épreuves. Petit, on comprend très vite que ça ne sera pas simple. Déjà à la maternelle, le monde autour de soi peut être très cruel. Il faut pouvoir s’évader avec des histoires qui montrent que les choses peuvent changer. »

Souvent négligées, les histoires tristes et effrayantes ont aussi une utilité comme l’explique Sophie Ignacchiti: « Les parents n’osent plus trop faire lire des histoires qui font peur alors qu’au contraire, c’est très structurant ! Les enfants sont traversés par des peurs. Le fait de les voir dans les histoires a une fonction cathartique. Ça permet de mettre en dehors des émotions et de jouer avec la peur. Ils perçoivent très vite le caractère imaginaire des histoires, contrairement à ce qu’imaginent souvent les adultes. » Bernard Chouvier abonde dans ce sens : « L’enfant travaille cette peur. C’est comme un vaccin, il va construire des capacités de résilience face à des situations plus au moins traumatiques. »

Illustration Père Noel et enfants qui regardent sous son bonnet, par Mathilda Abou Samra
© Mathilda Abou Samra

Faudrait-il s’arrêter un jour de croire au Père Noël?

Que se passe-t-il lorsqu’un enfant persiste à croire dans l’existence du Père Noël ? Y aurait-t-il un âge où il ne faudrait plus y croire ? Selon les spécialistes interrogés, on peut se questionner si un enfant continue de croire au Père Noël après 7 ans. Le fameux « âge de raison » correspond au moment où l’enfant commence à avoir des raisonnements plus complexes.

La plupart du temps, cette nouvelle rationalité fait sortir l’enfant de cette croyance. « Il faut se demander quel bénéfice l’enfant en tire. Les enfants ne font rien par hasard et il y a forcément un bénéfice secondaire. L’enfant peut se dire que ça ferait trop de peine à ses parents s’il n’y croyait plus. Là, ça devient dangereux car il est pris dans un entre-deux, mais il maintient la croyance pour faire plaisir à ses parents » analyse Sophie Ignacchiti.

Pour éviter une telle situation, la psychologue recommande d’être à l’écoute : « C’est à ce moment qu’il faut être vigilant aux signes. En tant que parent, c’est bien de montrer qu’il y a une symbolique qui ne disparaît pas. Il faut que la révélation de la non-existence ne soit pas à l’origine d’un manque de confiance vis-à-vis des parents. »

Dire la vérité ou entretenir la croyance au Père Noël

La plupart du temps, c’est à l’école que les enfants apprennent que le Père Noël n’existe pas. Une révélation qui peut s’avérer très douloureuse pour certains. « La croyance, c’est un antidépresseur remarquable. C’est pour cela que certains enfants veulent à tout prix maintenir leur croyance. J’en parlais encore avec un ado récemment, il me racontait qu’il avait pleuré pendant plusieurs semaines lors de la révélation. S’il abandonnait ça, c’était tout son monde qui s’écroulait. Cela peut être vécu comme un moment violent et créer un état un peu dépressif » explique le professeur Bernard Chouvier.

Alors, comment anticiper pour éviter de telles situations ? « C’est la question de savoir comment on se met en adéquation par rapport à l’enfant. S’il se pose des questions, c’est bien d’aller dans son sens et de lui demander ce qu’il en pense. Si on essaye de maintenir l’enfant dans cette croyance alors que lui, il commence à faire cette enquête, c’est là que finalement, on risque de blesser ou abîmer un lien de confiance avec. Si on arrive à lui expliquer la vérité tranquillement, ça permet d’aller vers une croyance partagée » conseille Sophie Ignacchiti.

De la même manière, la psychologue conseille de ne pas forcer cette croyance avec des gestes qui pourraient heurter les enfants, en particulier les plus petits : « Je vois beaucoup d’enfants de moins de 3 ans qui ont peur du Père Noël, de sa présence physique, notamment avec ces faux Pères Noël dans les centres commerciaux. Ça peut être très inquiétant pour eux d’être dans ce contact. Il ne faut pas imposer à l’enfant des choses qu’on ferait plutôt pour soi. Il faut rester à l’écoute. »

Débats familiaux au pied du sapin

On peut vivre la magie de Noël sans faire croire à ses enfants que c’est le Père Noël qui apporte les cadeaux sous le sapin. Mère de deux enfants de 5 et 2 ans, Clara est partisane de ne pas mentir : « Ils me posent beaucoup de questions. J’explique que c’est un personnage de conte, mais qu’il suffit d’y croire pour que ça existe ». Chaque parent possède ses propres recettes.

De son côté, Cécile, mère de Mathis, 10 ans, et Louise, 6 ans, laisse le choix : « À l’école de ma fille, on lui dit que le Père Noël n’existe pas. Moi, je lui demande ce qu’elle en pense. Elle me dit que ce n’est pas vrai, qu’il y a encore le Père Noël et ces lutins. Je lui réponds que si elle a envie d’y croire, elle peut continuer. Récemment, on a eu une discussion sur la petite souris. Je pensais lui dire qu’elle n’existait pas. Elle m’a coupée et m’a dit “quand même la Petite Souris, elle existe!” Par contre, elle sait que c’est moi, et non le lapin, qui dépose les œufs en chocolat à Pâques! »

Pour Cécile, il est important de distiller une dose de réalité dans le mythe du Père Noël : « J’ai toujours dit que les parents étaient obligés d’aider le Père Noël, car il ne pouvait pas fabriquer tous les cadeaux, que tout le monde n’avait pas la chance de faire Noël, d’avoir des cadeaux sous le sapin. Il y a deux jours, j’ai dit que cette année, le Père Noël n’avait pas un budget incroyable. C’est une magie mais raisonnable. »

Un émerveillement nécessaire

Son fils Mathis a découvert que le Père Noël n’existait pas : « La croyance se transforme en grandissant. On ne croit plus au gros monsieur, mais en quelque chose de positif. Il sait, mais il garde quand même les yeux éveillés le soir de Noël, car on ne se sait jamais… »

Chez Grains de Sel, on est un peu comme Mathis. On sait que le Père Noël n’existe pas, mais on n’a jamais réussi à confirmer cette information. Alors, cette année, on fera comme lui et on gardera les yeux grand ouverts. Juste au cas où…

Illustration de différents Peres Noel et enfants, par Mathilda Abou Samra
© Mathilda Abou Samra

Article rédigé par Adrien Giraud.

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Illustration Pere Noel et enfants de Mathilda Abou Samra
C'est si bon ce croire au Père Noël © Mathilda Abou Samra

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