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Portraits de fratries

Mis à jour le 12/01/2024

Qu’elle soit complice ou électrique, la relation entre frères et/ou sœurs constitue le premier rapport à l’autre de l’enfant, tout en rythmant la vie de famille. À l’approche des fêtes de fin d’année, Grains de Sel a rencontré trois familles pour interroger les enfants sur leur fratrie et les parents sur les liens au sein de leur foyer.

Ernestine, Clémence, Gustave et Louison : l’esprit tribu

Dans le regard d’Ernestine (11 ans) brille la curiosité. Gustave (8 ans), blond comme les blés et les yeux clairs, ressemble à sa petite sœur Louison (5 ans), dont une croûte sous le menton trahit l’énergie débordante. Plus calme, Clémence (13 ans) écoute, ses longs cheveux roux tranchant avec la blondeur de ses sœurs et de son frère. Ils sont la famille nombreuse dont Ève a toujours voulu, elle-même issue d’une famille de quatre enfants : « J’aurais été une personne différente si je n’avais pas eu mes sœurs et mon frère », raconte-t-elle. À l’inverse, Cédric, fils unique de parents divorcés, s’est beaucoup ennuyé quand il était petit. « J’étais donc prêt à faire autant d’enfants qu’il fallait… » Pendant qu’il parle, Louison grimpe sur ses genoux : « C’est un gentil papa », le coupe-t-elle avant de le prendre dans ses bras. Submergé par la petite qui gigote, le père reprend : « Je voulais une vie trépidante. » Avec quatre enfants, le voilà servi.

Gustave, Louison, Ernestine et Clémence ⓒ photo de Susie Waroude

Car dans cette fratrie qui s’esclaffe et se chamaille, on ne s’ennuie jamais et on intervient souvent, surtout lorsque les enfants s’élancent dans les escaliers pour être le premier à faire visiter sa chambre. Difficile de comprendre comment les parents canalisent toute l’énergie qui se déploie dans la petite maison sans jardin… Là où d’autres familles révéleraient leurs dysfonctionnements, Ève évoque une famille heureuse où « les enfants s’entendent tous bien. » « Des fois on se dispute alors on s’aime beaucoup moins, corrige Gustave. Les plus grandes disputes c’est entre Louison et moi. » Et les sujets de discordes sont divers : « Elle choisit toujours les mêmes choses que moi ; elle me colle tout le temps… » À ces mots, Louison se met à pleurer, vexée. Elle, elle ne veut jamais être seule sans son frère. « Il dit juste que des fois, il n’a pas envie de jouer avec toi, ça arrive », la console Ève, sans s’alarmer des propos de Gustave. « On laisse les enfants dire que leur frère ou leur sœur les énerve ; on trouve que c’est important que ça puisse être exprimé sans être réprimé par les parents. Pour moi, la jalousie est inhérente à la relation fraternelle. Gustave dit ça, mais en vérité, il va souvent chercher sa petite sœur pour jouer. » Car les deux derniers sont très proches. Ils partagent la même chambre, qu’Ernestine a quittée au mois d’août pour intégrer la sienne, jusque-là une salle de jeux. « Avant, ils ne voulaient jamais aller dans la salle de jeux. Et maintenant que c’est ma chambre, ils veulent venir ! » Clémence, qui a sa propre chambre, doit elle aussi donner de la voix pour mettre son petit frère et sa petite sœur dehors. Et parfois, c’est Gustave qui aimerait avoir la chambre pour lui seul : « Quand Clémence me lit un livre, j’aimerais être sans Louison, mais c’est pas possible… » Si partager la chambre est un défi récurrent dans les fratries, partager les mêmes jeux ne va pas de soi non plus. Unique garçon de la famille, Gustave est parfois frustré : « J’aurais préféré que Louison soit un garçon, parce qu’elle aime pas les armes, alors on peut pas jouer à la guerre… » « Si, moi j’veux bien ! » s’exclame l’intéressée piquée au vif. « Mais elle veut jamais mourir dans les jeux ! » insiste son frère. « Si, j’veux bien mourir ! » répond la petite. Il y a bien un jeu qui met les deux enfants d’accord : la bataille de pieds, à laquelle ils s’adonnent avec force éclats de rire, et parfois de larmes.

Trouver sa place

« Depuis quelque temps, il y a Louison et Gustave d’un côté, Ernestine et Clémence de l’autre », observe Ève. De fait, à 11 ans, Ernestine vient d’entrer au collège ; elle est ainsi plus proche de sa grande sœur. « Comme on est toutes les deux au collège, on fait des trucs de grande ensemble », confirme Ernestine. Si l’expérience commune de l’adolescence les rapproche, Clémence et Ernestine ont toujours eu une relation fusionnelle, et ce, malgré leur différence. Raisonnable et indépendante, Ernestine s’occupe volontiers de sa petite sœur et de son petit frère et aurait préféré être l’aînée. Tout l’inverse de Clémence : « Je n’aime pas trop être la plus grande, car comme je fais les choses avant les autres, je n’ai personne pour me conseiller ». Une position d’autant plus compliquée que Clémence présente de forts troubles dys, qui compliquent sa relation aux autres et l’exercice de certaines tâches. « Avec sa dyspraxie, elle a du mal à écrire à la main, donne en exemple le père. Donc si son petit frère a besoin d’aide là-dessus, il ira plutôt voir Ernestine, qui est toute contente parce qu’elle se retrouve dans la posture d’aînée. Et en même temps, elle a été très angoissée à une époque parce que cette place était lourde pour elle. » Parfois, Clémence est jalouse quand Ernestine, à l’aise à l’école, arrive à faire les choses plus facilement, comme les maths. « Et en même temps, Clémence est moins timide qu’Ernestine, qui l’a toujours admirée pour ça. Donc elles se conseillent l’une l’autre. » Et, même si elle n’aime pas être la première à faire les choses, cela permet à Clémence de guider sa petite sœur au collège. « On a une fratrie particulière du fait du handicap qui nous apporte beaucoup dans notre parentalité, conclut Ève. En commençant avec un enfant avec des troubles dys, on a mis en place des choses qui servent par la suite aux petits frères et sœurs. » Une tribu soudée et vivante.

Lysandre et Alkis : jamais sans mon frère

« Ma vie a bien changé depuis que j’ai un frère. Je me rends compte que ce n’est pas super, parce qu’il m’embête », déclare d’entrée Lysandre, 8 ans, avant de jeter un regard en biais à sa mère, Carlyne, et d’amorcer un sourire : « Nan, je rigole…. Je l’aime bien mon petit frère ». On sent bien que le petit garçon aux cheveux flous, aussi noirs que le sont ses yeux en amande, pèse ses mots et veille à ne pas froisser sa maman, qui a pourtant accueilli sa remarque en souriant. Réfléchi et posé, attablé à la table du salon de leur appartement, tout en murs de pierres apparentes et lumières tamisées, Lysandre raconte le peu de souvenirs qu’il a de l’arrivée d’Alkis dans sa vie – il n’avait même pas 3 ans : « Je me souviens que j’étais à côté de Maman, elle était allongée, je regardais son gros ventre, et j’avais envie de sauter sur son lit pour lui faire un câlin. » Carlyne abonde de sa voix douce : « Il commençait à être très impatient, il posait beaucoup de questions, se mettait sur mon ventre. » Elle se souvient de son arrivée à la maternité : « Je revois sa tête et son empressement, sa délicatesse, le soin qu’il avait vis-à-vis de son frère. Il était en admiration devant lui. Il le dévorait des yeux, c’était beau. » En train de dessiner, le petit frère en question, 5 ans au compteur, ne perd pas une miette de la conversation et n’hésite pas à l’interrompre de sa voix fluette pour attirer l’attention. Notamment celle de sa mère. On devine une relation de proximité charnelle et émotionnelle dont Lysandre est parfaitement conscient : « Avant, ma mère, elle n’était qu’à moi. Et quand j’ai eu un petit frère, j’ai dû la partager. Papa, il me le laisse… Alors que moi, j’aime mes deux parents pareil. » « J’aime encore plus ma maman ! » s’exclame Alkis, et Lysandre de murmurer : « Oui, ça ne changera jamais… »

Alkis et Lysandre ⓒ photo de Susie Waroude

Les deux frères dorment dans la même chambre, dans des lits superposés. Le soir, avant d’éteindre la lumière, ils ont le droit de lire, Lysandre un peu plus longtemps, de toute façon « Alkis ne lit pas, il regarde seulement des petits livres. » Et parfois, Lysandre qui aimerait avoir le droit de se coucher un peu plus tard, lui lit des histoires…

Ce qui les relie tous les deux, c’est de jouer. Et chez eux, le jeu passe par l’invention, comme ce pompon de manège que Lysandre bricole avec un doudou accroché à une ficelle et que son frère doit essayer d’attraper. Ou encore cette canne à pêche fabriquée avec un manche à balai : « Alkis fait le poisson et attrape le balai, Lysandre se met à tirer, et ils s’embarquent dans un bateau imaginaire, raconte Carlyne. On joue beaucoup tous ensemble, mais lui et lui, c’est une relation à part. Ils développent énormément de complicité dans ces moments-là, ils se font rire. » À cet instant précis, Alkis interpelle sa mère pour lui montrer son dessin : « Regarde ! Ça veut dire in-sé-pa-ra-ble ! » Mais alors que Carlyne s’attendrit devant cette intervention fort à propos, le petit garçon au regard pétillant poursuit : « Oui, inséparable du chocolat et inséparable des voitures ! » Éclat de rire général.

L’attention à l’autre

N’en déplaise à Alkis, la complicité est bel et bien là. Le soin de l’un envers l’autre aussi, même s’il ne se manifeste et ne s’exprime pas de la même façon. « Depuis le début, Lysandre est soucieux pour son frère, confie Carlyne. Il est très vigilant. Cet été, sur la plage, il est venu me dire qu’Alkis était tout seul. Alors que je lui répondais que je le regardais et qu’il ne craignait rien, il me répétait qu’il n’était pas tranquille. » Lysandre a même sauvé deux fois son petit frère. Lorsque, tout petit, il est tombé dans une flaque, les deux pieds en l’air : « Ce n’était pas grave, mais Alkis aurait pu avoir très peur. » La seconde fois, l’hiver dernier, et c’était beaucoup plus impressionnant. Chez les parents de Carlyne, la friteuse a pris feu dans la cuisine : « Lysandre a pris son frère par la main et l’a emmené dans leur chambre. Il a même posé des serviettes mouillées par terre et lui a mis la main sur la bouche pour le protéger de la fumée. »

Carlyne voit ses garçons comme très sensibles, Lysandre dans une grande empathie, Alkis alerte aux comportements, aux mots et à l’ambiance. Est-ce parce que leurs deux parents sont danseurs, professeure pour Carlyne, artiste à la tête de sa compagnie pour Harris, les deux petits garçons ont également en commun une grande agilité corporelle. « Parfois, nos jeux, c’est de danser ensemble, on est tout le temps en mouvement, » reconnaît leur mère. Lyssandre a une intelligence corporelle, il est très vif. Quant à Alkis, il met son corps dans des positions étranges, à la recherche de sensations, il prend rarement un toboggan normalement par exemple ! » Il suffit de voir le petit garçon gambader dans le salon, et sauter du canapé à la chauffeuse, sous le regard mi-amusé mi-blasé de son grand frère, pour comprendre ce qu’elle veut dire.

Jeanne, Léonie et Perrine : âmes sœurs

Après avoir vécu dans le 8e arrondissement de Lyon avec leurs deux filles aînées, Marie et Hervé ont emménagé dans une maison à Vénissieux à l’arrivée de la benjamine. Résultat : une chambre pour chaque fille et un jardin agrémenté d’un potager. Le fait d’avoir trois enfants n’était pas vraiment prémédité, même si Marie s’est toujours dit que ça lui arriverait : « J’ai perdu mon père à l’âge de 5 ans et j’ai un petit frère, confie-t-elle. Ma mère a toujours dit qu’ils auraient aimé avoir d’autres enfants. Est-ce que j’ai imprimé ça ? »

Jeanne, Léonie et Perrine ⓒ photo de Susie Waroude

Dans sa chambre en désordre, Perrine, petite boule d’énergie de 3 ans coiffée de couettes, prévient : « Des fois, j’embête un peu mes sœurs. Et puis je leur prends des affaires qu’elles ont dans leur placard, des jouets et des habits pour me cacher et dire que ce n’est pas moi. » Difficile de résister à cette canaille aux yeux malicieux. Léonie, 9 ans, en sait quelque chose. Sereine et souriante, la cadette a appris très tôt à composer avec sa petite sœur. Lorsque la famille habitait encore en appartement, elle partageait sa chambre avec elle. « Maman m’avait dit que j’aurais un lit cabane, j’étais trop contente. Mais quand mes parents ont installé le lit de Perrine, ça prenait toute la place ! Et puis, quand elle a grandi, elle cassait tout ! » Heureusement, il suffisait à Léonie de fermer sa porte pour jouer à l’abri des assauts de sa petite sœur. « Mais un jour, la porte s’est ouverte et je n’ai vu ni Papa, ni Maman. J’ai compris que, ça y est, Perrine savait ouvrir une porte ! » s’exclame-t-elle. Les choses s’arrangent un peu dans la maison de Vénissieux, même si Perrine vient régulièrement chercher Léonie pour jouer : « Je lui dis “pas tout de suite”, mais elle revient toutes les cinq minutes ! » Alors, Léonie cède et elles jouent à la maîtresse. « Sinon, j’aime bien imaginer que Perrine est un petit animal et que je m’occupe d’elle. »

La rupture de l’adolescence

Si Léonie en a souvent assez de voir Perrine débarquer dans sa chambre, elle aimerait que Jeanne lui ouvre plus souvent la sienne. Car depuis que sa sœur aînée est au collège, elle s’est éloignée. « Avant on jouait beaucoup ensemble, maintenant elle n’a plus envie », déplore Léonie. Port de danseuse et chignon à l’avenant, Jeanne le confirme, assise à côté de ses nouveaux patins à glace et de sa collection de bouteilles de parfum : elle a besoin de calme. « Mes sœurs m’embêtent parce qu’elles mettent du bazar, mais ça ne serait pas drôle si elles n’étaient pas là, » reconnaît-elle. Et si elle préfère rester dans sa chambre, ce n’est pas sans état d’âme, comme le relève sa mère : « Souvent, en fin de journée, elle me dit en pleurant qu’elle s’en veut de ne pas avoir joué avec ses sœurs ; elle se rend bien compte qu’elle entre dans l’adolescence. » Jeanne lui demande d’ailleurs souvent si elle est « une bonne grande sœur. »

La préadolescente se souvient très bien de la naissance de Perrine : « Quand je l’ai vue à la maternité, je l’ai trouvée moche, souffle-t-elle, de peur qu’on l’entende. Mais j’étais trop contente d’avoir une autre petite sœur ! » Elle est ambivalente quant à sa place d’aînée : « C’est bien parce que je fais des choses que les autres ne peuvent pas faire, mais à chaque fois, elles demandent aux parents si elles peuvent faire pareil ! J’aime bien le matin parce que Maman m’emmène toute seule au collège, et parfois aussi je vais voir des choses de grand au cinéma. » Mais elle ne se départ pas d’un vague sentiment d’injustice : « J’ai l’impression que je me fais tout le temps gronder ! Je trouve que Maman laisse passer plus de trucs à Perrine… » Marie reconnaît là un sujet sensible : « Léonie et Jeanne ne comprennent toujours pas qu’on ne gronde pas Perrine parce qu’elle est petite. Jeanne, ça la met hors d’elle ! Je trouve ça super difficile de le leur expliquer. » Si Jeanne s’agace parfois du comportement de ses sœurs, elle se souvient aussi de moments joyeux avec elles, comme ce « coup de folie » pendant le confinement : « On allait chercher le courrier dans la boîte aux lettres et, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai sonné chez le voisin et on est parties en courant. Il nous a crié dessus et il nous a rattrapées dans l’ascenseur. On avait peur, mais on rigolait. Papa et Maman nous ont grondées, mais je n’ai pas compris comment ils l’ont su ! »

Si actuellement Jeanne goûte à la solitude de sa chambre, il n’est pas rare que sa mère la trouve le matin dans le lit de sa cadette. « Et pendant les vacances, c’est toutes les nuits ! souligne Marie. Jeanne dort mal : elle est stressée et se met la pression toute seule par rapport à l’école. Quand elle était petite et mangeait un petit-suisse, si elle avait le malheur d’en faire tomber à côté, c’était un drame ! » À l’opposé, Léonie est « beaucoup moins perfectionniste et beaucoup plus souple. » Sans doute ravie de trouver sa grande sœur à côté d’elle au réveil, elle ne lui en dira jamais rien. « Léonie, c’est Hakuna matata, s’amuse Marie. Elle arrondit les angles quand elle sent que la situation est tendue. Notamment avec ses sœurs, aux-quelles elle sait proposer un jeu qui les réunira. Mais elle sait aussi dire quand ça ne va pas ! Et je fais attention, car je sais que la place “du milieu” n’est pas facile », insiste Marie. Quant à Perrine, c’est un « petit zébulon, toujours de bonne humeur » qui parvient toujours à faire rire sa plus grande sœur.

Marie ne s’attendait pas à ce que la parentalité soit si complexe : « Comme je n’ai qu’un frère, je ne connaissais rien des jeux d’influences dans une grande fratrie. » S’avouant volontiers naïve à ses débuts de maman, elle se souvient n’avoir rapporté qu’un seul livre de la bibliothèque et s’étonner des disputes qui en avaient découlé entre ses filles. « Aujourd’hui, je suis plus diplomate : je prends autant de livres pour chacune ! Mais pour mon mari, qui vient d’une famille originaire du Cameroun où il n’y avait rien, les histoires de possession, ça le dépasse ! » À entendre les filles éclater de rire en prenant leur goûter dans la cuisine, on devine que ces petites disputes n’entament en rien leur belle complicité.

Par Clarisse Bioud et Louise Reymond

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