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Le phénomène d’urbanisation sur le développement des enfants

Mis à jour le 26/10/2023

La ville est devenue l’environnement de la majorité de nos enfants. Parmi ces jeunes pousses, pourtant si sensibles aux gazouillis des oiseaux et aux variations des saisons, 70 % vivent en zone urbaine*. Grains de Sel a souhaité s’intéresser à l’incidence du phénomène d’urbanisation sur leur développement. Mais aussi, aux solutions pour réintroduire la faune et la flore au milieu du béton. 

Les enfants adorent crapahuter en riant au milieu des rochers ou contempler l’immensité de la mer et le remous des vagues, déconnectés de tout, sauf de l’instant. Ils grimpent sans peur aux branches d’un arbre ou examinent avec concentration la progression d’une colonie de fourmis. C’est indéniable, la nature est indispensable à leur éveil. Par « nature », nous entendons quantité de réalités – animaux, végétaux, minéraux, milieux – réunies toutes en un écosystème. Écosystème auquel l’humain appartient, et pourtant : « Aujourd’hui, la plupart des enfants affrontent une enfance dé-naturée avec des conséquences peut-être redoutables pour eux-mêmes, mais aussi pour les lieux qu’ils qualifient de chez eux », constate Scott D. Sampson, paléontologue, auteur du livre Comment élever un enfant sauvage en ville**. 

L’homme, animal « dé-naturé »

Comment l’humain s’est-il progressivement extrait de la nature, adoptant tantôt une posture de supériorité, tantôt d’observation, mais en se positionnant toujours « à côté »? Il y a bien sûr derrière cela, des siècles de modernisation, de civilisations bâties, monuments édifiés, cités industrielles et temples de la consommation érigés. Édith Planche, ethnologue et chercheure au laboratoire Environnement Ville Société (EVS) de l’Université de Lyon, insiste sur ce point dans son livre Éduquer à l’environnement par l’approche sensible : « Homo Sapiens reste le colonisateur suprême qui se situe au sommet de la chaîne. »

Au-delà de cette notion de « domestiquer » la nature, elle constate un phénomène plus insidieux, toutefois bien caractéristique du progrès : « L’humain cherche à rationaliser la nature. C’est le principe de la science : se couper de ses émotions pour mieux observer le monde. Parfois, cela peut avoir du positif. Mais il est bon aussi de recréer des liens en vivant une expérience sensible. » Parallèlement à cela, nous, parents, avons parfois participé à l’éloignement de nos enfants d’avec la nature, sans même en avoir conscience.

L’accompagnement, un point indispensable

Anne-Louise Nesme, sociologue lyonnaise, formatrice auprès des professionnels du champ éducatif, céramiste et autrice, nous éclaire sur ce point. « Il est indispensable que nous accompagnions nos enfants pour leur apprendre la prudence, mais sans les empêcher de faire leurs propres expériences. Car il ne s’agit plus alors de prudence, mais de crainte. Nous privons ainsi les enfants de la possibilité qu’ils s’éprouvent par eux-mêmes, dans leurs corps, leurs sens et dans leurs ressources aussi. » Ainsi peu à peu, l’espace physique de nos petits citadins, au nom du principe de prudence trop vite invoqué, se réduit, souvent limité à leur chambre, espace clos qui rassure. « Progressivement, c’est de la rue et du dehors que les enfants ont été peu à peu éloignés, limitant par là même l’amplitude de leurs jeux dans l’espace physique », relate la sociologue. Restreignant donc forcément le contact avec la nature. « À l’extérieur, il se passe des choses de l’ordre de l’imprévu. Je crois qu’on a besoin de réapprendre à se laisser surprendre. »

Mère Nature et nos enfants

Pierre Athanaze, vice-président de la Métropole de Lyon, témoigne du besoin d’espaces verts que les citadins éprouvent de plus en plus : « Nous nous en sommes plus que jamais rendu compte à la sortie du premier confinement, avec un afflux de personnes dans tous les espaces nature de la ville, à la recherche de calme et de plénitude : au Grand Parc Miribel Jonage, au parc de Parilly, au parc de la Tête d’Or… Socialement, nous avons besoin de nature; d’une nature de proximité.» Et si le XXIe siècle était celui où nous rétablirons enfin l’humain à sa juste place au sein de la nature ? Outre les enjeux environnementaux évidents, quels en seraient les bénéfices pour nos enfants ?

Un impact favorable sur le bien-être et la forme

Pour Anne-Louise Nesme, ils sont nombreux et variés : « Au niveau de la santé somatique en premier lieu, le contact de la nature peut réduire des situations d’obésité et même atténuer des problèmes de myopie. Mais la nature fait également du bien à l’enfant sur le plan de la santé psychique. Elle l’aide notamment à réguler son stress et à développer ses capacités d’attention. Il y a aussi toute la dimension psychosociale : la coopération, le renforcement de l’estime de soi… Car dans la nature, on est beaucoup moins soumis au risque d’être en échec. La nature, avec sa variété incroyable de couleurs, matières, formes du vivant, est aussi une source inépuisable de créativité, d’imaginaire, de jeux, de plaisir. Et finalement, pour aider nos enfants à mieux comprendre le monde dans lequel nous sommes sommés d’habiter, avec d’autres. »

Un insecte pollinisateur
© Thierry Fournier

Savoir se reconnecter à la nature

Dans son essai, elle revient également sur les bénéfices des jeux libres en extérieur qui développeront de nouvelles compétences, variables selon le contexte, mais aussi l’âge des enfants : expérience sensorielle ou habilités fines, par exemple. Dans un monde au rythme effréné, dominé par le digital, se reconnecter à la nature, c’est aussi l’opportunité de se relier au cycle de la vie et de profiter pleinement de l’instant présent. Alors que nous cherchons tant à rationaliser le temps, permettre à notre enfant de ralentir pour lever le nez vers le ciel et admirer le ballet des nuages ou pour observer les insectes à ses pieds sur le chemin de l’école, c’est lui offrir « un sentiment de “reliance” et d’appartenance commune, plus de présence à son corps, à la beauté et à l’instant, dans une temporalité longue et continue », comme l’écrit Anne Louise Nesme. La nature nous enseigne la patience et nous ramène à l’essentiel, souligne également Pierre Athanaze : « Lorsqu’on plante un arbre, plus le temps passe, plus il va vieillir et ses atouts se multiplier. C’est l’inverse avec un monument, une route, une voiture, qui se détérioreront avec le temps. Ce qui nous oblige d’ailleurs dans nos prises de décision, à avoir une vision à long terme. » 

Objectif nature à Lyon et ses environs

Justement, où en est Lyon ? En charge du Plan Nature de la Métropole, Pierre Athanaze répond à cette question : « Le Plan Nature de Lyon est ambitieux, puisqu’il s’agit du plus important de France, visant à agir sur la biodiversité, autant que sur le climat. L’un ne va pas sans l’autre. On ne retrouvera de la fraîcheur et de la biodiversité qu’en végétalisant. » Un Plan Nature qui se doit d’être ambitieux, car, comme l’assène Pierre Athanaze : « Parmi les villes d’Europe de plus de 500 000 habitants, Lyon est celle qui connaît le plus important réchauffement climatique. C’est lié à sa situation géographique, en hauteur de la vallée du Rhône, à son industrie, aux modes de chauffage, etc. Il faut évidemment agir sur la sobriété pour produire moins de gaz à effets de serre, mais nous n’y arrivons pas suffisamment. D’où l’urgence à trouver des solutions pour rafraîchir et fixer le carbone. » Alors concrètement, quelles sont les actions mises en place par le biais du Plan Nature ?

Arboretum à Sathonay-Camp
© Thierry Fournier

« Nous avons créé au cœur de Lyon, Villeurbanne, Vénissieux, cinq véritables forêts urbaines. Elles vont apporter de la fraîcheur et accueillir plus d’espèces animales que si l’on plantait la même surface d’arbres morcelée à différents endroits. Et c’est intéressant également pour le captage du carbone : maintenu non seulement dans le bois de l’arbre, mais dans le sol, quand il s’agit d’une forêt. » Si Pierre Athanaze évoque également l’agriculture urbaine, il insiste sur une autre urgence : « En Europe, comme ailleurs, nous avons perdu 80 % de nos insectes pollinisateurs. Selon les scientifiques, si nous n’inversons pas cette chute, nous n’aurons plus de pollinisateurs d’ici la fin du siècle. Or, ils pollinisent l’essentiel des végétaux de nos régions et ceux que nous consommons.

Des conséquences sur l’écologie et le climat

Nous assistons à une catastrophe écologique qui va arriver avant même la catastrophe climatique. » Plantation d’arbres d’alignement, de haies, de forêts urbaines font donc partie des opérations de réintroduction de ces populations d’insectes indispensables, car ils nourrissent également les oiseaux. Un travail entamé trop timidement jusqu’à présent. « Longtemps nous avons recensé les espèces sans nous apercevoir que leurs populations diminuaient. Or, une espèce disparaît quand ses populations ont commencé à baisser dix, quinze ans avant. Nous travaillons aussi à la réhabilitation de ce qu’on nomme les “espèces parapluie” : elles protègent un type de milieu et toutes les espèces qui y vivent. » 

L’importance de la prévention auprès des enfants

Relier les enfants à la nature, c’est aussi prendre conscience, avec lucidité, de l’urgence climatique et de la nécessité de les sensibiliser à ces problématiques environnementales ; sans pour autant les effrayer. Car comme le développe dans son livre Anne Louise Nesme : « Lorsque la nature est évoquée auprès des plus jeunes, c’est bien souvent sous l’angle d’un propos annonciateur de catastrophes ou en évoquant les espèces d’animaux menacés (…) Or on ne protège pas ce qui nous est présenté comme un risque, un objet lointain ou un espace dangereux. On protège ce que l’on connaît et reconnaît, ce qui est bon pour nous, ce que l’on a expérimenté et plus encore ce à quoi nous sommes attachés, ce qui nous est intime et cher. »

L’enfant et la nature : un lien aussi crucial que sensible

Alors, que faire au quotidien ? Commencer par inviter la nature en ville, en végétalisant nos balcons, jardins, trottoirs. En créant un compost ou un jardin partagé, en profitant du soutien du Grand Lyon qui finance, via le Plan Nature, une partie des travaux de végétalisation sur les espaces collectifs en pleine terre (à condition d’habiter l’une des 59 communes métropolitaines!)*** Et puis, en ralentissant. « Aller à l’école à pieds, en changeant le trajet, en passant par un parc. Prendre le temps de cuisiner avec nos enfants : éplucher les fruits, les légumes… Dans les plis du quotidien se logent de nombreuses marges de manœuvre », énonce Anne-Louise Nesme.

La création d’une amitié avec la nature

En écho, Édith Planche défend l’idée de retrouver une forme de pensée sauvage via la poésie et l’art. « En classe verte, on va souvent demander aux enfants de classer les espèces, déterminer les noms de chaque arbre, chaque fleur. Rarement de vivre une expérience sensible, de rentrer en amitié avec la nature. L’art, la poésie, vont les aider à cela. Car le poète fait silence pour mieux recevoir, mieux percevoir. On a besoin des couleurs, odeurs, sons de la nature dans un monde où tout est fonctionnel, même la pensée. On a besoin de ne plus percevoir seulement la nature à travers sa fonction, son utilité. De renouer un rapport affectif, car on ne veut pas abîmer ce que l’on aime. Protéger la nature ne répondrait plus alors à un devoir, mais à une envie. » Fondatrice de l’association Sciences et Art (SeA), elle a mis en place une série d’ateliers à faire avec les petits citadins qui peuvent se dérouler aussi bien à l’école que dans les centres de loisirs, même en famille, et les a rassemblés dans son livre. À vous d’expérimenter la Balade poético-sensorielle, ou encore, la Lettre à la terre.

Plantation d'arbres à Saint-Priest, février 2021
© E. Soudan

Le rôle des parents : transmettre, partager et écouter

Dans cette éducation à l’environnement par le biais du sensible, les associations et les écoles jouent un rôle majeur. Mais c’est aussi le cas des parents. Tous sont ce qu’Anne-Louise Nesme appelle des « passeurs de nature » : « Le rôle de l’adulte se trouve en partie dans le fait de convoquer l’enfant qu’il a été, de partager ses expériences, ses souvenirs. Il s’agit de s’aligner aussi sur la curiosité de l’enfant, puissant moteur d’apprentissage et d’éducation.

C’est en les accompagnant vers de nouvelles formes d’attention au vivant que l’on cessera de se positionner en prédateur, en dominant et de voir la nature uniquement comme une forme de ressources. » Basé sur la transmission, le partage, le plaisir, cet enrichissement du lien enfant-nature l’est aussi pour la relation parent-enfant elle-même. Et la sociologue de confirmer: « Profiter de la nature ensemble, permet de se rencontrer autrement; d’abord avec soimême, puis avec l’autre. »

* Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), au 1er janvier 2018, sur 17,7 millions d’enfants, adolescents et jeunes adultes de 3 à 24 ans vivant en France.
** Comment élever un enfant sauvage en ville – L’art et la manière de tomber amoureux de la nature, Scott D. Sampson, Éditions Les Arènes.
*** Plus d’infos sur le soutien à la végétalisation de la Métropole : grandlyon.com/services/nature/vegetalisation-des-espaces-prives.html 

Notre guide nature

Les acteurs de terrain

• Arthropologia propose à tou·te.s des événements réguliers et des actions concrètes autour des insectes, des plantes ainsi que la gestion des milieux. arthropologia.org
Des espèces parmi’ Lyon mobilise et accompagne les habitants dans l’aménagement d’espaces verts, la restauration de milieux aquatiques urbains… desespecesparmilyon.fr
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) protège et sensibilise les scolaires et le grand public aux oiseaux et à la faune sauvage en général. lpo-rhone.fr
La Société protectrice des végétaux sauve et vend des plantes de seconde vie pour sensibiliser au gaspillage et à la maltraitance végétale. societeprotectricedesvegetaux.com
Graines urbaines anime des ateliers pédagogiques et ludiques autour de la thématique du jardin en ville et possède un jardin participatif et pédagogique à Vaulx-en-Velin. grainesurbaines.fr
L’Arbor et sens promeut un « écologisme positif » par le biais de stages Cheval & Nature et d’ateliers parents-bébé. larboretsens.com
La Maison de l’environnement regroupe une cinquantaine d’associations œuvrant pour la transition écologique. maison-environnement.fr

Les RDV

La Fête de la nature, du 18 au 22 mai. Cinq jours de manifestations gratuites dans toute la France. fetedelanature.com
La Nuit des forêts, du 17 au 26 juin. Entre culture et nature, découvrez les forêts près de chez vous, de jour comme de nuit. nuitsdesforets.com
Entre Rhône et Saône festival, du 1er au 3 juillet. Une première édition, parrainée par Yann Arthus-Bertrand, pour « célébrer, découvrir et protéger » les voies d’eau lyonnaises.
Le Marathon de la biodiversité. Dates à venir, en automne. Un chantier participatif lancé par la Métropole pour créer 42 km de haies et 42 mares.

Des lectures

Éduquer à l’environnement par l’approche sensible, d’Édith Planche, Chronique sociale. Une foultitude d’ateliers pratiques et ludiques pour favoriser la relation enfantnature par le biais de l’art. Tous sont extraits de la mallette pédagogique créée par l’autrice pour l’association SeA, à disposition des écoles et centres de loisirs de Lyon et ses environs. science-et-art.com
Cultiver la relation enfant-nature, de l’éloignement à l’alliance, d’Anne-Louise Nesme, Chronique sociale. Un livre passionnant, pour analyser et cultiver la relation enfant-nature.
L’Enquête sauvage. Pourquoi et comment renouer avec le vivant, d’Anne-Sophie Novel, Éditions La Salamandre/ Colibris. Après plus d’un an d’enquête, la journaliste livre des pistes pour se relier au vivant, transformer nos vies et en faire même un projet de société.

Article rédigé par Vanina Denizot • Photo d’ouverture : © Susie Waroude

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© Susie Waroude

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