Pour tout connaître des secrets de fabrication d’un programme d’animation jeunesse, Grains de sel s’est introduit dans les coulisses du studio Xilam, basé à Villeurbanne, en compagnie de trois responsables de la série. Ils nous expliquent tous les secrets de fabrication d’Oggy et les cafards, dessin animé désormais culte auprès des enfants et de leurs parents.
Il est l’un des chats les plus célèbres de la planète. Et les joyeux cancrelats qui le font tourner en bourrique sont aussi connus que lui à travers le monde. Produite par les studios Xilam, la série d’animation Oggy et les cafards a débarqué à la télévision française à la fin des années 1990 et sa popularité n’a cessé de grandir. Alors que les premières étapes de production de la saison 5 ont été gérées à Paris, le Pôle Pixel de Villeurbanne a pris part au projet en réalisant un travail technique et artistique.
Comédie bouffonne
Oggy et les cafards sont les dignes héritiers de Droopy, Vil Coyote et Bip Bip. La série emprunte son humour visuel au slapstick, un style comique hérité de la commedia dell’arte, théâtre populaire né en Italie au 16e siècle. Cette comédie bouffonne a été magistralement revisitée au début du 20e siècle par les stars du cinéma burlesque puis développée avec succès dans les années 1940–1950 avec l’animation sonore des cartoons américains.
“Oggy est né de ce désir de renouer avec ce genre qui avait été un peu abandonné. Il y a une grammaire de comédie visuelle qui fonctionne de manière universelle et quasiment intemporelle puisque les oeuvres qui maîtrisent bien ce langage ne se démodent pas” explique Marc du Pontavice, producteur et fondateur du studio Xilam. Le défi est de taille puisqu’il s’agit de faire rire sans utiliser le dialogue et en mettant le corps des personnages à rude épreuve.
Tout commence grâce à l’imagination fertile des scénaristes et… la vie de tous les jours. Laurène Collet, directrice d’écriture sur la saison 5, confie que “le personnage principal est ancré dans le quotidien et ses aventures résonnent chez tout le monde”. L’auteurréalisateur Olivier Jean-Marie répète que lorsqu’il n’a pas d’idée, c’est que rien ne s’est passé dans sa vie ! L’écriture d’un épisode se déroule en trois phases et des notes sont prises à chaque étape pour peaufiner le récit. Il y a d’abord un pitch de dix lignes : c’est l’idée de base. Vient ensuite un synopsis d’une page et enfin un scénario de quatre pages envoyé au diffuseur de la série qui peut modifier ou rejeter une histoire : “Je dois faire en sorte que le dessin animé que nous fabriquons garde sa personnalité tout en respectant les grandes lignes du cahier des charges éditorial des chaînes” explique Laurène Collet.
Sur Oggy et les cafards, les scénaristes sont souvent storyboarders (artistes s’occupant des premières illustrations d’un épisode). Les auteurs sont donc capables de dessiner, ce qui est un net avantage pour savoir immédiatement si un gag fonctionne. “Certains enjeux et conflits sont beaucoup trop abstraits et très difficiles à poser sans parler. Tout doit être résumé en deux ou trois images mentales. Il faut que tout puisse se dessiner”.
Des contenus supervisés
Si Oggy et les cafards est conseillé aux enfants entre 6 et 11 ans, la cible est en réalité multigénérationnelle. “Plus de la moitié des téléspectateurs sont des adultes ! Le programme est partagé par les parents et leurs enfants” indique le producteur de Xilam Animation. Diffusé dans plus de 150 pays, le combat acharné entre le chat bleu et les cafards farceurs est une recette à succès. Pourtant, comme pour les autres programmes jeunesse, des tabous demeurent et l’équipe éditoriale effectue un travail de fond sur le contenu des histoires. “Les premiers clients sont Gulli et Cartoon Network. Les diffuseurs principaux ne donnent leur avis qu’au moment du scénario et il y a une relation de confiance. Mais la série est diffusée dans le monde entier et nous devons faire notamment attention aux susceptibilités raciales et religieuses” indique la directrice d’écriture qui consulte chaque texte en interne aux côtés de Marc du Pontavice et du directeur éditorial Jean Brune.
Le Pôle Pixel a ouvert ses portes à Villeurbanne en 2009. Premier pôle régional dédié aux activités de l’image, du son et des industries créatives, il regroupe plus de 110 entreprises. Le studio Xilam a choisi d’y relocaliser une partie de sa production : il possède un plateau de 500 m2 et emploie plus de 100 animateurs.
La question de la représentation de la femme est quant à elle soulevée avec pertinence pour éviter de verser dans les clichés. “Les nouvelles saisons ont évolué par rapport aux premiers épisodes. Les personnages féminins étaient très pin-up et cela dérange dans certains pays. Olivia, l’amoureuse d’Oggy, fait son apparition dans la saison 4. C’est une femme forte et qui a du caractère” . Et la violence dans tout ça ? “Plus c’est exagéré, mieux ça marche. Pour que cela ne paraisse pas violent, il faut surpasser le réalisme. Oggy doit être toujours plus écrabouillé, tomber de plus haut ou propulsé dans les étoiles. De même, le design et les couleurs aident à échapper au réel : les armes ressemblent par exemple à des jouets”.
Dans la saison 5, les téléspectateurs vont découvrir que la bataille entre le félin et les blattes dure depuis la nuit des temps ! “C’est la collision entre la slapstick et l’Histoire. Ce sera un grand jeu de rôle où tous les personnages vont embarquer dans une aventure historique. C’est une façon de revisiter le cartoon en costumes” raconte Marc du Pontavice. “On a défini des thèmes et des périodes historiques les plus emblématiques et identifiables pour les enfants, ce fut notre travail le plus complexe”. Préparez-vous à embarquer pour l’Égypte ancienne, Rome ou le Moyen-âge. “Une des choses qui donne le goût de l’Histoire aux enfants, ce sont ces grands archétypes. On a repéré que dans la pédagogie, certains enfants aiment s’approprier des périodes de l’Histoire pour ensuite se documenter. Notre objectif est de les amuser en leur donnant des repères et l’envie d’aller chercher plus loin”.