Dans un silence parfois brisé de bruits sourds, des silhouettes errent sur un immense tapis de sacs plastique multicolores faiblement éclairé. La démarche est incertaine ou lasse, les corps parfois parcourus de soubresauts. Tous ramassent des sacs plastique; l’une les amoncelle sur le haut de sa tête, un autre les glisse dans son pantalon et sous son pull par paquets entiers.
Ils se disputent cette curieuse matière ou s’entraident pour en ramasser davantage. Autour d’eux, quelques sacs s’envolent et planent alors que la lumière et la musique, techno cette fois-ci, emplissent l’espace.
Une dénonciation poétique des décharges à ciel ouvert du Mali
Peu à peu, les cinq danseurs et danseuses s’élancent dans la chorégraphie tantôt brutale, tantôt aérienne de Tidiani N’Diaye, avec une expressivité marquée jusque dans les visages. Né au Mali, l’artiste nous renvoie, de manière poétique et esthétique, à la réalité de ce pays envahi de décharges à ciel ouvert, hautes comme des montagnes, et sur lesquelles femmes, enfants et personnes âgées ramassent des déchets pour gagner deux francs (CFA) six sous… et souvent tomber malades.
Il en dit même quelques mots, littéralement, au milieu du spectacle par le biais d’une voix off. Un texte qui, c’est dommage, fait retomber l’attention des spectateurs et notamment des plus jeunes qui n’y comprendront pas grand chose.
Peu recyclable, le plastique devient ici fleurs ou papillon
La danse du chorégraphe formé au Centre national chorégraphique de Montpellier suffit à raconter le drame écologique de son pays. Etonnamment, il parvient à sublimer le plastique, ce déchet le plus envahissant et le moins recyclable qui soit, le transformant sous nos yeux en papillons, en fanfreluches, en oiseaux, en fleurs, dans une mise en scène époustouflante, chamarrée et flamboyante, jusqu’à la dernière minute.
Coloré et spontané comme un dessin d’enfant, ce spectacle aussi magnifique à regarder que terrifiant dans ce qu’il nous dit, devrait graver la rétine de chaque membre de la famille.
Mer plastique (danse). Dès 7 ans. Le mercredi 5 et le jeudi 6 avril 2023 à 19h.
Les Subsistances, 8 bis quai Saint-Vincent, Lyon 1er. Tél. 04 78 39 10 02. les-subs.com
Durée: 1h. Tarifs: de 5 à 16€.
Par Clarisse Bioud – Photo d’ouverture: © DR