Théâtre Nouvelle Génération
Que la fête commence !
Nommés en janvier dernier à la tête du TNG, Joris Mathieu et Céline Le Roux signent une saison enthousiasmante qui devrait nourrir tous les imaginaires. Répartie sur deux sites, la programmation, qui s’adresse plus que jamais à tous, convie petits et grands à faire l’expérience du spectacle vivant de manière privilégiée. Rencontre avec ce duo animé par le goût du partage et des expériences inédites. Par Blandine Dauvilaire.
Quelles sont les principales nouveautés cette année ?
Joris Mathieu : Nous avons cherché à construire un projet dans lequel la dimension nouvelle génération portée par notre théâtre prenne du sens. Que ce soit dans notre façon de diriger ce lieu, de rencontrer le public, comme dans les formes de spectacles accueillies. Qu’elles s’adressent aux jeunes générations ou aux adultes, nous souhaitons que ce soit de nouvelles formes d’écriture pour le plateau, qu’elles s’aventurent en terres inconnues, que les spectateurs vivent des expériences inédites.
Céline Le Roux : Nous offrons un éventail plus large, une ouverture vers la toute petite enfance et des propositions réservées aux grands et aux adultes, comme la présence de Romeo Castellucci avec Orestie.
Qu’apporte concrètement la fusion entre le TNG et le théâtre Les Ateliers ?
JM : Les 26 propositions de la saison sont réparties entre les quatre salles de ces deux lieux, elles s’adressent à l’ensemble de la famille. Réunir les deux lieux va aussi nous permettre d’accueillir les artistes sur de longues résidences, ça change l’esprit d’une maison lorsqu’elle est habitée à la fois par les artistes et par les spectateurs.
Quelles sont les lignes fortes de la saison ?
CLR : Les esthétiques plastiques fortes constituent un fil rouge de la programmation. Nous souhaitons proposer un théâtre des imaginaires.
JM : Nous allons essayer d’inventer de nouveaux rendez-vous pour que le public partage notre projet autrement…
CLR : … car certaines propositions artistiques relèvent du « faire », créent une interaction avec le spectateur. C’est le cas avec Le Jardin du possible, spectacle pour les tout-petits dès 18 mois, où les parents peuvent aussi participer.
JM : J’ai également le souhait d’ouvrir les portes régulièrement à une génération d’enfants de 6 à 16 ans, sur le principe du volontariat, pour discuter du monde tel qu’il est et du monde tel qu’on rêverait qu’il soit.
Joris, vous allez créer en janvier Hikikomori – Le refuge (dès 8 ans), de quoi s’agit-il ?
JM : Cette pièce aborde la question du repli sur soi que l’on observe dans nos sociétés et qui touche toutes les générations. Au Japon, on appelle Hikikomori ces gens qui décident de fermer la porte de leur chambre et de ne plus jamais sortir pour se couper du réel. La pièce raconte l’histoire d’un grand adolescent qui décide un jour de s’enfermer et de ne plus sortir. On va rentrer dans la mémoire de cet enfant pour comprendre ce qui l’a poussé à faire ça. Dans une ambiance de science-fiction, les spectateurs assisteront tous au même spectacle mais n’entendront pas tous la même chose. En décrochant un petit combiné, ils écouteront l’un des trois points de vue : celui du père, de l’enfant ou de la mère. À la sortie, les gens échangeront pour partager ce qu’ils auront vécu.
Le festival Micro-Mondes, en novembre, impliquera également les spectateurs…
CLR : Ce festival des arts immersifs est une invitation à entrer à l’intérieur des spectacles pour y vivre une expérience en petit nombre. Cette année, la matière a une présence forte dans la plupart des huit spectacles proposés. Notamment dans Evaporated landscapes (Les Paysages évaporés) de Mette Ingvartsen, où des mousses coniques éclairées du dessous sont traversées par de la fumée, ce qui donne l’impression de contempler des sommets dans la brume. Sans aucun interprète, juste par les jeux de lumières et les mouvements de matières, la chorégraphe illustre le pouvoir de l’imaginaire (dès 6 ans).
Quels seront les autres temps forts de cette troisième édition de Micro-Mondes ?
CLR : Il y aura la matière plus humide des escargots de la compagnie 2 rien merci, qui initie avec L’Arbre luisant d’Escargopolis (dès 4 ans) une première rencontre avec des escargots qu’on retrouvera au printemps avec le projet Escargopolis. C’est d’une fantaisie totale et d’une poésie incroyable. Et puis la matière carton avec deux projets de Milimbo, dont un labyrinthe en carton de la taille des enfants. Baptisé Dans la forêt, ce spectacle sans interprète repose sur un best of des contes dont l’enfant se retrouve le héros (dès 5 ans).
L.I.R. Livre In Room (dès 10 ans) est une installation de la compagnie Haut et Court, imaginée par Nicolas Boudier et vous-même…
JM : Cette installation est conçue pour un seul spectateur à la fois, qui rentre dans une bibliothèque idéale, sélectionne un ouvrage et plonge dans 5 à 8 mn d’extrait sonore du texte mis en images de manière assez merveilleuse.
Durant la saison, les deux artistes associées au TNG vont présenter des spectacles exceptionnels…
JM : Phia Ménard est une artiste qui jongle avec la matière (la glace, le vent, l’eau, la vapeur) et pose la question de l’intime. L’Après-midi d’un foehn (dès 4 ans, voir p. 9), qui est une œuvre majeure du XXIe siècle, fait retomber les adultes dans l’émerveillement de l’enfance. Vortex (dès 15 ans), sur la métamorphose, permet de se libérer de certaines choses.
CLR : De son côté, Chiara Guidi présente La Terre des lombrics (son Buchettino, qui est un chef-d’œuvre, a été montré lors de Micro-Mondes 2011). Dans ce spectacle déambulatoire qui est une adaptation simplifiée d’Alceste d’Euripide, elle fait faire l’expérience de la tragédie aux enfants qui s’y prêtent avec joie et curiosité. Le résultat est saisissant (dès 8 ans).
Pour ouvrir la saison, vous avez choisi un spectacle de cirque qui a fait le tour du monde…
JM : Acrobates de Stéphane Ricordel et Olivier Meyrou est une autre façon d’aborder le cirque, une exploration théâtrale de la relation entre un porteur et un voltigeur. À partir de l’histoire vraie et tragique de Fabrice Champion, le duo a fabriqué un spectacle qui questionne le corps et le rapport au risque. C’est très beau et d’un très haut niveau (dès 10 ans).
Vous avez tous les deux eu la chance de découvrir le théâtre très tôt, quelle a été votre première émotion liée à un spectacle ?
JM : La première fois où je suis allé au théâtre, vers 6 ans, c’était au théâtre de l’Eldorado que dirigeait Bruno Boeglin, un lieu très beau et très impressionnant. Il avait demandé à mon père, qui était enseignant à l’époque, de faire participer sa classe au spectacle. Mon père était figurant et jouait le rôle d’un pendu, ça ne m’a pas traumatisé outre mesure mais ça m’a influencé plus tard quand il a fallu choisir le nom de ma compagnie : Haut et Court ! Mais mon premier enchantement au théâtre, vers 10 ans, a été L’Oiseau vert de Benno Besson, un travail sur le merveilleux avec des masques qui m’a beaucoup marqué.
CLR : J’ai grandi dans un théâtre car ma mère en dirigeait un. J’ai vu tellement de choses depuis ma toute petite enfance que j’aurais du mal à choisir… J’adorais me perdre dans les réserves d’accessoires, les maquettes, les ateliers costumes, tout ça était merveilleux. J’ai vécu des chocs esthétiques forts plus âgée en découvrant l’univers de Romeo Castellucci, le théâtre sensoriel d’Enrique Vargas et la danse de William Forsythe.
JM : C’est parce que nous avons eu ces parcours-là que nous souhaitons ouvrir les portes du TNG au plus grand nombre, que les gens viennent partager autre chose que simplement du théâtre.
CLR : Aujourd’hui je me sens « passeur », mon moteur c’est de transmettre l’émotion que je ressens grâce aux spectacles.
TNG : 23, rue de Bourgogne, Lyon 9e. Tél. 04 72 53 15 15. www.tng-lyon.fr
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