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Enfants végétariens © Mathilda Abou-Samra
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Enfants végétariens: pas de panique, ils grandissent bien !

Mis à jour le 25/01/2024

Si aujourd’hui l’alimentation végétarienne est de plus en plus légitimée, les discours sont beaucoup moins unanimes lorsqu’il s’agit d’étendre ce régime aux enfants. Certains pédiatres et nutritionnistes alertent sur d’inévitables carences, affirmant que le végétarisme n’est pas compatible avec les besoins nutritionnels de l’enfant, quand d’autres attestent qu’on peut très bien grandir végétarien et en bonne santé. Pour les parents, pas facile de s’y retrouver… Du côté des scientifiques pourtant, le consensus est établi: les enfants végétariens grandissent en aussi bonne santé que les autres.

Lire la suite du dossier ici: Menu végétarien à la cantine : quel bilan un an après ?

Poids de l’élevage dans les émissions de CO2, conditions d’abattage des animaux… Les raisons qui poussent de plus en plus de Français·es à se tourner vers une alimentation végétarienne sont nombreuses et aujourd’hui, il ne fait pas de doute qu’un adulte peut se passer de viande et rester en bonne santé. Mais lorsqu’il s’agit d’inclure les enfants dans la démarche, le son de cloche est bien différent : un régime sans viande serait incompatible avec la santé de l’enfant. Les parents d’enfants végétariens sont regardés avec méfiance tandis que ceux qui aimeraient sauter le pas se trouvent démunis.

Pauline est une végétarienne convaincue depuis huit ans. Pourtant, elle a décidé de ne pas faire suivre ce régime à son fils de 3 ans. « D’abord, le papa n’est pas végétarien et n’était pas trop pour, témoigne-t-elle. Et puis je trouve que ça rajoute une charge mentale assez dingue que je ne voulais pas assumer seule. Déjà pour moi, c’est parfois compliqué de bien penser mon assiette pour compenser la viande, je ne suis as très rigoureuse… Si j’ai des carences, ce n’est pas grave, mais pour mon fils, je voulais prendre zéro risque. »

Enfants végétariens : une planification alimentaire militaire ?

Diététicienne-nutritionniste à Lyon 8, Céline Chabanne reçoit dans son cabinet adultes et enfants végétariens ou omnivores. « Jusqu’à 6 ans, on a des besoins de croissance importants en protéine, calcium et oméga 3, ainsi qu’en vitamine B12 et zinc, des minéraux qui font défaut dans les produits végétaux », prévient-elle. S’il est possible de complémenter avec d’autres aliments, elle alerte sur le risque d’une alimentation déséquilibrée, avec des déficits d’un côté et des excès de l’autre : « Un enfant de 30 kilos a besoin à peu près de 25g de protéines par jour. On peut les trouver dans environ 100g de viande, tout comme dans 100g de lentilles. Sauf que celles-ci contiennent aussi plus de glucides… »

Attention à l’apport en fer !

Autre point de vigilance pour la nutritionniste : le fer, essentiel aux globules rouges. « La principale source, c’est la viande. On en trouve aussi dans les végétaux comme les épinards, mais il s’agit d’une forme non héminique que le corps absorbe moins bien. Ce sont autant de petites notions à connaître. » Aussi préfère-t-elle prôner pour les enfants une alimentation flexitarienne : « On peut manger végétarien trois jours par semaine, deux jours de la viande blanche et deux jours du poisson pour les oméga 3. Mes patients végétariens, je leur recommande de manger une viande blanche de temps à autre. »

Pour ceux qui ne veulent d’aucune chair animale, elle modère : « Une alimentation végétarienne n’est pas dangereuse pour les enfants, mais elle doit être bien encadrée et planifiée. Les parents doivent appliquer un suivi rigoureux pour assurer un bon équilibre entre tous les aliments. » Une rigueur qu’elle juge toutefois lourde à mettre en place : « Si les enfants mangent à la cantine, il faut savoir ce qu’ils ont mangé pour équilibrer avec le repas du soir et si le grand frère n’a pas mangé la même chose, ça peut devenir
compliqué dans une gestion familiale.
»

La charge mentale (exagérée) des végétariens

Pour Fanny cependant, gérer l’assiette de ses enfants n’est pas un tel sacerdoce. Végétarienne depuis l’âge de 7 ans, cette mère informée et accompagnée par un mari végétarien prodigue une alimentation sans viande à ses deux filles Olga (6 ans) et Georgie (13 mois) depuis leur naissance. « Je trouve qu’on met beaucoup de charge mentale sur les végétariens alors que beaucoup d’enfants non végétariens ne mangent rien à la cantine… » De fait, ses filles ne présentent aucune carence. « Ça déroute parfois les médecins, plaisante Fanny. Comme je fais attention, je fais des analyses de fer à ma fille aînée – ce qu’aucun omnivore ne fait : son taux est dans la moyenne. »

Le combo gagnant légumes-céréales-légumineuses-oléagineux

Si la jeune femme invite à lâcher du lest, elle rappelle aussi que, « bien sûr, il ne faut pas faire les choses n’importe comment ! Se lancer dans un régime végétarien ne consiste pas simplement à supprimer la viande. C’est une autre façon de s’alimenter qui s’apprend. » Pour sa part, elle a appris à composer des assiettes type légumes-céréales-légumineuses en alternant lentilles, pois en tout genre, haricots blancs et rouges, tofu, seitan*… Le tout accompagné d’un peu d’oléagineux.

« On conserve aussi une forme ludique pour les enfants avec des saucisses végétales et des nuggets de soja, avec modération, car ça reste des produits transformés plus sucrés. » Des réflexes qu’elle a acquis en consultant des associations spécialistes comme l’AVF (Association végétarienne de France) ou le site Végéclic, « une ressource complète avec des recommandations pour différents types de population, des idées de menu et des professionnels de santé spécialisés dans l’alimentation végétale », détaille-t-elle.

Le site, à destination du grand public comme des professionnels de santé, est porté par l’Observatoire national des alimentations végétales (Onav). Il est doté d’un conseil scientifique composé de médecins, diététiciens-nutritionnistes et docteurs spécialistes des alimentations végétales et de la nutrition humaine, dont fait partie Loïc Blanchet-Mazuel, référent pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le médecin, également bénévole pour l’AVF, tempère lui aussi: « L’idée générale c’est quand même de ne pas trop se prendre la tête non plus. Il faut connaître les grandes familles d’aliments et assurer une alimentation variée et équilibrée. »

Enfants végétarien © Mathilda Abou-Samra
© Mathilda Abou-Samra

Le végétarisme légitimé à tous les stades de la vie

Car pour lui, pas de doute : un régime végétarien est compatible avec les besoins nutritionnels des enfants. « Des organismes officiels nationaux et internationaux l’affirment, comme la Société canadienne de pédiatrie et le National Health Service au Royaume-Uni », assure-t-il. D’autres pays ont eux aussi légitimé l’alimentation végétarienne à tous les stades de la vie, du nourrisson à la femme enceinte, en passant par l’enfant. C’est le cas de la Belgique, de la Suisse et même des États-Unis. « Certaines périodes clés de la vie requièrent d’être vigilants et bien accompagnés, précise Loïc Blanchet-Mazuel. C’est le cas pour les nourrissons. Mais quasiment tous les nutriments dont on a besoin peuvent se trouver dans les végétaux. »

Pour les trouver, le médecin conseille de « manger des légumes variés et de saison ainsi que des huiles non saturées pour l’omega 3 (noix et colza). » Il recommande une portion de légumineuses et oléagineux par jour et des céréales sous leur forme complète, plus riches en minéraux, fibres et vitamines. Au sujet des lentilles qui contiendraient de glucides, il réfute: « Il s’agit de glucides complexes, source de fibres et minéraux, là où 100 g de viande contient plus d’acides gras saturés. De ce point de vue là, un plat de lentilles sera toujours mieux qu’un plat de pâtes blanches. »

Veiller à l’apport en iode et en vitamine B12

Deux points de vigilance toutefois : l’iode et la vitamine B12 qui ne se trouve de façon fiable que dans les produits d’origine animale et peut manquer dès lors que l’on réduit ses apports, même si l’on consomme des œufs et produits laitiers qui en contiennent un peu. Une supplémentation est ainsi recommandée pour tous les végétariens. L’iode, que l’on trouve généralement dans le poisson et certains produits laitiers, peut également se trouver dans les algues. Quant au fer non héminique, il est important de savoir que la consommation de thé ou de chocolat peut en limiter l’absorption. « Dans la plupart des cas, cela ne pose pas de réel problème », rassure toutefois Loïc Blanchet-Mazuel qui conseille de consommer des aliments sources de vitamine C comme les fruits et légumes frais pour favoriser l’absorption, en particulier pour les adolescentes réglées qui ont plus de risques d’être anémiées.

Une pression sociale et médicale

Si les études montrent que les enfants végétariens ne sont pas en moins bonne santé que les autres, leurs parents sont parfois regardés avec méfiance… Une pression sociale dont témoigne Pauline et qui a pesé sur sa décision de ne pas suivre cette alimentation pour son fils. « Déjà moi, en étant végétarienne, je me prends des remarques, alors si mon fils l’était aussi, j’aurais droit à un flot de réprimandes !, s’exclame-t-elle. Quand on devient maman, on se prend des réflexions sur tous les sujets, alors je voulais m’épargner celles-là. »

Cette désapprobation s’exprime aussi lors des consultations médicales, comme en témoigne Fanny : « À l’époque, j’ai eu du mal à trouver des médecins qui aient les connaissances sur le végétarisme. Par la suite, j’ai développé mon expertise et le plus difficile fut de trouver un médecin qui m’accompagne au-delà des préjugés. Souvent, il y avait un jugement et pas vraiment de conseil… » Après trois essais infructueux chez différents pédiatres, Fanny a même renoncé à les consulter. « Je trouve qu’en France, on est en retard en matière d’accompagnement des familles végétariennes, regrette-t-elle. C’est très culturel, je crois. Dans la tradition française, le carné est inattaquable, on a du mal à se dire qu’on trouve des protéines ailleurs que dans la viande. »

Ce jugement médical n’étonne pas Loïc Blanchet-Mazuel: « Certains pédiatres sont en effet un peu hostiles… Un membre de l’Onav a fait sa thèse sur la relation médecin-patient au regard du régime végétarien : sur plus de 1000 patients végétariens interrogés, 30 % se sont vu conseiller de remanger de la viande par souci de santé. Donc oui, il y a une certaine pression, surtout vis-à-vis des mères qui ont la charge mentale de la santé de leurs enfants. » Pour le médecin, cela vient aussi d’une méconnaissance.

Des professionnels de santé peu informés

« En France, on n’a pas de recommandations officielles pour la population végétarienne. C’est pour cela que les médecins sont parfois si réticents à recommander un régime végétarien pour les enfants, explique Loïc Blanchet-Mazuel. Un groupe de travail à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) se penche actuellement sur le sujet. Les résultats, dont la publication a été repoussée plusieurs fois, devraient tomber bientôt. »

En attendant, le site mangerbouger.fr réserve quelques lignes sur le végétarisme : « On peut être végétarien sans risque pour sa santé, à condition d’avoir une alimentation équilibrée et variée », peut-on y lire. Mais il rapporte aussi que « l’alimentation végétarienne n’est pas adaptée aux nourrissons, car elle peut entraîner des carences en fer, protéines, calcium et en certaines vitamines », ce qui, d’après le médecin, « n’est pas faux en soi, mais trompeur et alarmiste, car tout type d’alimentation peut entraîner des carences. » Et de conclure : « Ce qui freine les médecins, c’est le manque de formation sur le sujet. Or aujourd’hui, de plus en plus de médecins demandent de l’information pour accompagner leurs patients, de plus en plus nombreux à se tourner vers un régime végétarien. »

Un enjeu de santé publique et écologique

En effet aujourd’hui, « 28 % de la population française dépassent le seuil de consommation de viande rouge recommandé par l’OMS, et 41,5 % celui de la charcuterie » d’après le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP). « La surconsommation de viandes et de produits laitiers a des les effets néfastes sur la santé et conduit à des problèmes de surpoids et d’obésité chez les enfants », conclut l’instance nationale.

Un enjeu de santé publique également pointé par Loïc Blanchet-Mazuel qui évoque aussi des risques de maladies chroniques de type diabète, cancer ou maladies coronaires. « Au fil des études, on se rend compte que la meilleure alimentation pour la santé est aussi une alimentation plus durable, à savoir avec beaucoup moins de produits d’origine animale et davantage de légumineuses. Aujourd’hui, on en est très loin. » Il serait donc temps, enfants et parents, de se mettre davantage au vert.

Petit glossaire des régimes alimentaires
Végétarien: qui ne consomme aucune chair animale, qu’il s’agisse de porc, de poulet, de bœuf, de poisson ou de crustacés…
Végétalien: qui ne consomme aucun produit alimentaire d’origine animale, qu’il s’agisse de viande, d’œufs, de laitages, de miel…
Végane: qui ne consomme aucun produit d’origine animale, qu’il soit alimentaire (viande, œufs, laitages), textile (cuir, laine) ou cosmétique.
Flexitarien:qui réduit sa consommation de viande pour des raisons sanitaires ou écologiques.
Omnivore: qui consomme des aliments d’origine animale ou végétale.

*Aliment essentiellement composé de gluten, très riche en protéines.

Illustrations: © Mathilda Abou-Samra

Enfants végétariens © Mathilda Abou-Samra

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