En mai 2022, l’artiste caluirarde sortait son livre jeunesse illustré par son amie Pauline de Tarragon, la chanteuse Pi Ja Ma : Sous les paupières. L’histoire d’une petite fille qui attend la sieste pour s’évader dans des mondes rêvés. Comme dans son dernier album Consolation qui invoque les souvenirs des tendres années, l’enfance apparaît dans l’univers artistique de Pomme comme un monde inspirant où se réfugier pour ouvrir des portes sur nos rêves.
D’où vous est venu ce désir d’écrire pour les enfants?
Pomme: J’ai moi-même consommé beaucoup de littérature jeunesse petite et je me suis toujours dit que si j’écrivais, ce serait pour les enfants. Pour moi, c’est un moyen d’écrire en toute liberté car il n’y a pas de règles dans le monde des enfants : c’est un monde qu’on peut façonner comme on veut en se réfugiant dans l’imaginaire. Pour un premier livre, c’est l’idéal.
Est-ce pour cela que le livre parle des rêves ?
Le thème principal du livre c’est le rêve, mais c’est aussi une société dans laquelle Pauline et moi, on aimerait vivre. Le prétexte du sommeil nous permet d’ouvrir une page blanche sur un monde imaginaire et en même temps pas très éloigné de la réalité, avec des valeurs qu’on voudrait voir évoluer dans la vraie vie. Ça parle d’amitié, d’acceptation, de différence… Il n’y a pas vraiment d’histoire d’ailleurs, c’est plus une carte d’un monde rêvé.
Dans ce monde rêvé, on croise un couple de fées dont l’une porte une moustache et s’appelle Fée-ministe. Est-ce un livre engagé ?
Par essence, quand on propose ce type d’alternative à la société qui n’est pas encore ouverte sur tous les sujets, c’est engagé. Mais l’écriture de ce livre n’était pas une démarche militante, simplement l’envie de se retrouver autour de choses qui nous animent. On a essayé de représenter des personnages qu’on ne voit jamais dans les livres pour enfants, mais on n’a pas la prétention d’être militantes, même si on veut voir évoluer certaines choses et que l’art peut être un moyen de proposer d’autres chemins.
Ces personnages interpellent-ils plutôt les enfants ou les parents ?
Les deux. Il y a une double lecture dans le livre. La fée à moustache, je pense que les enfants ne vont pas chercher plus loin, tandis qu’un adulte va penser à une personne transgenre et se poser des questions. Mais les enfants regardent plus les couleurs, les personnages… On a voulu qu’ils s’attardent sur les dessins: j’avais une vision précise des pages à la fois minimalistes et chargées de détails avec des clins d’œil cachés…

Est-ce le livre que vous auriez aimé qu’on vous lise petite ?
Peut-être, oui. L’ambiance automnale avec beaucoup de nature et de champignons, ça me parle. Le fait qu’il y ait un couple de femmes aussi : peut-être que si j’avais lu un livre comme ça, j’aurais plus vite compris et accepté. Mais j’ai eu la chance de grandir avec les livres de Claude Ponti et je n’aurais pas pu demander mieux !
Votre dernier album Consolation revient lui aussi à votre enfance. Elle tient une place particulière dans votre imaginaire et votre art ?
Oui, ça m’obsède pas mal. J’ai l’impression que c’est une source infinie d’inspiration, à la fois très intime et collective, car tout le monde a cette boîte à secrets. Je ne comprends pas pourquoi je reviens tout le temps à mon enfance… J’en garde un goût doux-amer, avec des souvenirs d’été que j’adorais et en même temps beaucoup de souvenirs où je me sentais seule. Je pense que j’ai eu besoin de regarder dans mon passé pour me retrouver et mieux aller de l’avant. Maintenant, j’ai envie de regarder vers le futur.
Quels retours des enfants avez-vous eus sur votre livre ?
Plein de gens me disent que c’est le livre préféré de leurs enfants mais je ne sais pas vraiment pourquoi ! Certains me disent que les enfants ont choisi le livre tout seul sans savoir que c’était Pomme. Ça me fait trop plaisir, car je sais que les gens qui écoutent ma musique vont acheter le livre, mais le pari c’était de toucher en faisant autre chose.

Sous les paupières, de Claire Pommet (Pomme), illustrations de Pauline de Tarragon (Pi Ja Ma).
Éditions La Ville Brûle. 16 €.
Propos recueillis par Louise Reymond • Photos d’ouverture : © Lian BENOIT