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Éducation à la sexualité à l'école © Mathilda Abou Samra
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À Vaulx-en-Velin, un collège prend l’éducation sexuelle à bras-le-corps

Mis à jour le 16/11/2023


En mars 2023, trois associations portaient plainte contre l’État pour non respect de la loi instaurant trois séances d’éducation à la sexualité (EAS) par an à l’école. Un sujet primordial dans une société où les rapports femmes-hommes restent inégalitaires et où les jeunes sont confrontés à des images pornographiques de plus en plus tôt. Or sur le terrain, le manque de formateurs et de cadre autour de l’EAS laisse les enseignants peu armés pour enseigner une discipline couvrant des thèmes aussi vastes que sensibles. Certains s’en emparent toutefois. Grains de Sel les a rencontrés pour comprendre comment ils enseignent l’EAS, en école primaire et au collège.

Lire le début du dossier:
Éducation à la sexualité: que fait l’École ?
En maternelle, la notion de consentement dès 4 ans
En primaire, des enfants très curieux !


« J’adore quand on fait les séances zizi-zézette ! » Une formule parmi d’autres qu’utilise Vanessa Couard, documentaliste au collège Aimé-Césaire à Vaulx-en-Velin, pour mettre à l’aise les élèves de 6e lors des séances d’EAS. « Ça permet de dédramatiser tout de suite le sujet, confie la dame du CDI, rompue à l’exercice depuis 12 ans. Je pose les choses en disant : “Que vous soyez gênés, je comprends. On est là pour apprendre et discuter.” » Stratégie payante : les élèves « bombardent de questions. » C’est en demi-groupe et en binôme avec la professeure de SVT que se déroulent les séances. « En théorie, elles doivent être faites par un personnel ayant suivi la formation, expose Vanessa. Donc ça dépend de l’initiative des personnes. Nous, il y a un vrai intérêt, c’est devenu une politique de l’établissement. »

Car l’EAS requiert de savoir transmettre sans influencer l’enfant. « On n’a pas à leur donner notre avis, explique la documentaliste. Il s’agit de toujours apporter la nuance pour respecter les choix de chacun. »
Autre défi : ménager la sensibilité de chacun. « Une élève de 6e avait a pris une crise de nerf entre rires et larmes en tombant sur par un dessin anatomique d’homme nu, se rappelle Vanessa. Elle répétait “Ça me dégoûte ! Ça me dégoûte !” Je lui ai dit que si elle ne voulait pas faire la séance, elle n’était pas obligée. J’en ai parlé à l’infirmière: il s’avère que c’était la première fois qu’elle voyait une représentation de sexe masculin. »

Les enseignants veulent aller plus loin

Pour couvrir l’EAS au sens large, l’équipe a monté le projet C’est pas notre genre autour des relations filles-garçons. « Ce projet, on l’a initié parce que pendant les séances d’EAS, des élèves tenaient des propos extrêmement choquants, du genre : “Si une fille s’habille de manière provocante, faut pas s’étonner si elle est violée”, rapporte Vanessa. Il fallait vraiment reprendre les bases.» Alors cette année, le projet explore le rapport au corps. Et il associe aussi bien les profs de SVT que de Français, à travers des lectures ou des spectacles qui complètent la réflexion.

Car « ce n’est pas qu’un projet d’anatomie: ça permet aussi d’interroger la relation à son corps. Connaître son corps, c’est le premier jalon pour l’aimer et le faire respecter », précise Vanessa. De la 6e à la 3e , le projet est adapté : les 6e abordent eux la puberté. Pour cela, le documentaliste fait venir en décembre l’illustratrice Charlotte des Ligneris en résidence artistique pour créer avec eux un dictionnaire du corps illustré. « Les élèves représenteront les changements qui se produisent dans le corps, des plus intimes aux plus visibles », présente Vanessa. Un travail essentiel pour la documentaliste qui constate chez les élèves « une vraie méconnaissance de l’anatomie, notamment féminine. »

Éduquer les jeunes à la sexualité, un « énorme chantier »

« Il y a encore trois ans, quand je récupérais les 6e, ils n’avaient jamais entendu parler de rien ! Le nombre de gamines qui apprenaient de ma bouche qu’elles allaient avoir leurs règles…» témoigne Vanessa. Et pour cause : « On sent que c’est tabou dans certaines familles. Les gamins disent “C’est pas bien ce que vous nous faites faire.”» Un paradoxe chez des élèves qui ne veulent pas entendre parler de sexualité, tout en tenant des propos « francs du collier. »

« J’ai des 6e qui sortent des trucs comme : “Ah, c’est quand la fille, on la tire par les cheveux et qu’elle crie”, ou “c’est les filles qui transmettent le sida”, rapporte Vanessa, parfois dépassée par l’ampleur de la mission. Les gens pensent qu’on a plus besoin de mener ces projets en banlieue. Mais ma collègue qui travaille dans un milieu favorisé entend des propos similaires. Faut pas croire qu’à Croix Rousse, il n’y a pas besoin de faire ces séances. Moi je pense que les gamins voient des trucs trash sur internet à force de passer des journées entières sur leur téléphone. L’éducation sexuelle, il y en a besoin partout.»

Face aux images, le besoin pressant d’une éducation à la sexualité

Dans leur plainte contre l’Etat pour non application des séances d’EAS, le Planning familial, SOS Homophobie et Sidaction rapportent les conséquences du manque d’éducation sexuelle : en 2021, les violences sexuelles ont augmenté de 33 % en France et les LGBTphobies de 28 %. L’exposition croissante aux images pornographiques via l’utilisation précoce des smartphones est un autre sujet d’inquiétude. Selon une étude de l’Arcom parue en mai 2023, dès 12 ans, plus de la moitié des garçons se rend en moyenne chaque mois sur des sites pornographiques, ainsi que 21 % des garçons de 10-11 ans en 2022.

Pour Léa Vedie Bretecher du Planning familial de Lyon, l’EAS est alors un véritable enjeu de société. « Il faut cesser de considérer que la sexualité est taboue, affirme-t-elle. Ne pas en parler, c’est rendre les jeunes vulnérables aux violences sexuelles. Il faut leur donner les armes pour poser leurs propres limites et affirmer leurs propres désirs. Il s’agit aussi d’éduquer les garçons à identifier un comportement qui relève de violence sexuelle pour éviter qu’ils le reproduisent.» Derrière l’éducation à la sexualité, c’est notamment l’égalité hommes-femmes qui se joue, ainsi que le dit la loi : « Ces séances présentent une vision égalitaire
des relations entre les femmes et les hommes et se fondent sur les valeurs humanistes de liberté, d’égalité et de tolérance.
»

Illustration © Mathilda Abou Samra

Éducation à la sexualité à l'école © Mathilda Abou Samra

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