Parcourir l’exposition Marc Riboud, c’est un peu comme feuilleter un vieil album de famille : à la fois gai et nostalgique, plein de tendresse et de surprises. En 155 photos noir et blanc, dont un tiers d’inédits, Le Plateau de la Région Rhône-Alpes retrace les débuts de photographe de ce Lyonnais devenu l’infatigable voyageur que l’on sait. Chronologique et thématique, l’accrochage fait dialoguer avec beaucoup d’intelligence des œuvres attachantes. À commencer par cette vue du Rhône prise en 1942 depuis sa fenêtre. Son sens de la composition et de la géométrie saute déjà aux yeux. Puis le jeune Marc découvre Paris, ses quais, ses ruelles, son jardin des Tuileries et son fameux peintre de la tour Eiffel. C’est l’irrésistible photo de cet improbable funambule qui lui ouvrira les portes des magazines et de l’agence Magnum. Son premier reportage à l’étranger, en Yougoslavie, est marqué par l’influence de Cartier-Bresson. Mais l’artiste va peu à peu s’émanciper, donner plus de liberté à ses cadrages et faire entrer l’humain dans chacune de ses séries. En Angleterre, il traverse de mornes cités ouvrières mais capte la vitalité des enfants qui jouent dans les rues. Attentif aux autres, à leur mode de vie, il glisse aussi pas mal d’ironie dans ses sujets. Sa soif de découvrir le monde est immense. Il traverse la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan, se rend à Calcutta et gagne la Chine avant le Japon. Les lumières, superbes, se font plus poétiques. La géométrie, plus forte, découpe l’intérieur même des scènes. Les enfants ont d’autres visages mais leur joie de vivre est la même. L’œil de Marc Riboud abolit les frontières, ses photos rapprochent les hommes. Même ceux des terres les plus lointaines dont le décor est immaculé. En Alaska, les personnages se découpent sur fond de neige, à la manière d’un dessin tracé sur une page vierge. L’exposition s’achève dans les années 1960, où le photographe immortalise avec cocasserie le monde industriel. Mais l’aventure ne fait que commencer pour lui.
Cette exposition hommage, que l’on attendait depuis longtemps, nous donne envie d’approcher d’encore plus près l’œuvre de ce poète de l’image âgé de 91 ans.
Blandine Dauvilaire