Interview :
L’arrivée de Sandrine Mini il y a deux ans à la tête du Toboggan de Décines, plus grande salle de spectacles de l’est lyonnais, a dopé la fréquentation de ce lieu. Outre une programmation ambitieuse et généreuse, cette passionnée a mis en place une vraie politique en faveur des familles pour permettre à toutes d’accéder à la culture. La baisse soudaine des subventions menace la suite de cette belle aventure. Rencontre avec une femme habitée par sa mission. Par Blandine Dauvilaire.
Cette année, le nombre d’abonnés au Toboggan a augmenté de 30 %, c’est une belle reconnaissance du travail engagé depuis votre arrivée…
Grâce aux nombreux partenariats avec la Maison de la danse, l’opéra de Lyon, des festivals comme Karavel, Les UtoPistes ou la biennale Musiques en scène, nous pouvons proposer 60 levers de rideau avec une quarantaine de spectacles différents. 70 % des gens qui viennent au Toboggan habitent l’est lyonnais, c’est dire l’attachement et la forte attente de la population locale.
Le public a découvert avec surprise que le Toboggan avait subi une baisse de subventions soudaine, que s’est-il passé ?
Nous avons appris en janvier que le budget alloué au Toboggan par la ville de Décines baissait de 27 %, faisant passer la dotation de 820 000 à 600 000 €. Cette diminution soudaine est liée en partie à des baisses de dotations de l’État aux collectivités territoriales. Il a fallu mettre en place un plan d’actions. Ce qui est complexe dans le monde du spectacle vivant, c’est que la plaquette est éditée depuis mai 2015. Quand on apprend en janvier 2016 une telle baisse, on a peu de marge de manœuvre, puisqu’on a planifié jusqu’en juin 60 % de la programmation en cours et qu’il ne reste plus que 40 % pour la période septembre-décembre 2016. Nous avons donc réduit le nombre de spectacles de mars à juin, en en supprimant trois, ce qui est très douloureux.
Vous avez réussi à préserver les spectacles dédiés aux familles…
Oui. En avril, nous accueillons Akiko l’amoureuse de Davy Brun, d’après le conte d’Antoine Guilloppé (dès 6 ans). Ce très beau spectacle de danse, présenté dans le cadre du festival BDécines, est accompagné d’une exposition d’illustrations originales d’Antoine Guilloppé à la Spirale* et d’une exposition des planches tirées de l’album Akiko à la médiathèque de Décines.
Vous présentez également la dernière création d’Adrien Mondot et Claire Bardainne, Le Mouvement de l’air…
C’est un spectacle magique qui fait appel aux arts numériques. Trois danseurs et acrobates évoluent au milieu d’images numériques projetées dans un dispositif scénique rectangulaire. C’est beau, très poétique, avec des moments dansés et d’autres plus méditatifs. À découvrir dès 7 ans pendant les vacances de Pâques. Puis nous accueillerons la pièce Moby Dick de Fabrice Melquiot et Matthieu Cruciani (dès 8 ans). Une version revisitée, fraîche et décalée du texte d’Herman Melville.
Et la saison s’achèvera avec Mazùt, de la compagnie Baro d’evel…
Ce spectacle de nouveau cirque à voir dès 8 ans est présenté dans le cadre du festival Les UtoPistes. L’univers de cette compagnie est très onirique avec parfois un humour grinçant. Mazùt parle de deux êtres à la recherche de leur animal intérieur… Et nous exposerons les illustrations de l’artiste Bonnefrite qui réalise les visuels de la compagnie Baro d’evel.
La baisse de subventions va forcément avoir des conséquences sur la saison prochaine…
Oui, fortement. Heureusement, nos partenaires vont nous aider pour assurer la rentrée : nous accueillerons deux pièces de la Biennale de la danse et une pièce de hip-hop à l’automne grâce à la Maison de la danse. Et tout début janvier, un projet que nous coréalisons avec les Célestins. Nous essayons de sauver 3 spectacles sur les 7 initialement prévus avant décembre, mais il faudra attendre janvier pour accueillir à nouveau le jeune public, car nous n’aurons pas de spectacle de Noël.
Quelles sont les solutions envisagées pour assurer l’avenir du Toboggan ?
Travailler en réseau est essentiel. Pour le jeune public, nous mutualisons l’accueil de certaines compagnies avec le TNG afin de réduire les frais. Ce qui nous aiderait beaucoup, c’est que l’agglomération reconnaisse la dimension de cet équipement – qui est la plus grande scène après la Maison de la danse et le TNP – et vienne à notre rescousse.
Quelles sont vos ambitions pour ce lieu ?
Que le Toboggan soit vraiment la maison de tous en accueillant encore de nouveaux publics. Nous proposons aux enfants qui assistent aux séances scolaires de revenir le soir avec leurs parents en leur offrant des invitations et ça marche très bien. Nous avons mis en place un parcours pour la petite enfance (6 mois – 3 ans) avec le TNG. En permettant aux tout-petits de vivre une expérience ici, puis de revenir en primaire, nous préparons les publics de demain. À l’automne, le Toboggan fêtera ses 20 ans, j’espère que nous arriverons à organiser un moment de mémoire collective pour fêter ça.