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Inter­view : La psycha­na­lyste Suzanne Lecaux-Hachon

Publié le 03/11/2020

Les enfants ont repris le chemin de l’école dans un contexte encore plus compliqué que le mois dernier. Entre le confi­ne­ment, le port du masque imposé dès 6 ans et les actes terro­ristes, les raisons d’avoir peur et de se ques­tion­ner ne manquent pas. La psycha­na­lyste lyon­naise Suzanne Lecaux-Hachon nous éclaire sur la manière d’ac­com­pa­gner nos enfants en cette période trou­blée.

Comment expliquer aux enfants de 6 ans l’obli­ga­tion de porter désor­mais le masque à l’école, sans les alar­mer ni les culpa­bi­li­ser?

Avec les enfants, il n’y pas une seule façon de faire. Chacun, parents et enfants, a son style. On peut par exemple leur dire que la COVID-19 ne consti­tue pas un risque pour eux-mêmes mais qu’ils parti­cipent à ce souci collec­tif en faveur des plus fragiles.

Les enfants ont souvent un rapport spon­tané à la vie et s’en remettent à la parole de l’adulte qui leur est proche. Il faut leur expliquer avec simpli­cité. Mettre des mots sur les choses aide souvent à avan­cer et à donner du sens à ce qu’on fait.

Depuis septembre, les ensei­gnants et les parents d’en­fants d’école primaire ont souvent dit être éton­nés par leur capa­cité à inté­grer rapi­de­ment les gestes barrières et à mener une vie “normale” d’éco­lier. Pouvez-vous l’ex­pliquer? 

Il est vrai que les enfants ont une capa­cité d’adap­ta­tion face au réel très éton­nante. L’ac­com­pa­gne­ment, l’ac­cueil des adultes ainsi que les rela­tions à ses petits cama­rades permet à l’en­fant de retrou­ver très vite une vie « normale » malgré toutes ces contraintes. Ils intègrent vite ces gestes barrières et l’usage des masques, notam­ment en leur faisant une place dans leurs jeux.

Norma­le­ment, les parents sont pour leurs enfants, ceux qui savent et qui rassurent. Là, l’in­cer­ti­tude prédo­mine. Que peut ressen­tir un enfant lorsque ses parents lui disent “je ne sais pas”?

Le « je ne sais pas » est une réponse struc­tu­rante pour l’en­fant. Là, il n’a pas affaire à un adulte qui est du côté du savoir mais qui, par son écoute et sa dispo­ni­bi­lité, peut le rassu­rer. Le parent n’est pas obligé de tout savoir, mais il se débrouille avec ce qu’il ne sait pas. C’est une ouver­ture sur le monde, pour un enfant, de décou­vrir que ses parents ne savent pas tout. Il a ainsi le plai­sir de savoir des choses que ses parents ne savent pas…

Depuis le mois de septembre, certains enfants ont du mal à reprendre le rythme de l’école et l’en­vie d’ap­prendre. Que dire ou que faire pour les remo­ti­ver?

J’ai plutôt rencon­tré des enfants heureux de retrou­ver l’école avec une certaine impa­tience et joie. L’école est un lieu où l’on apprend mais égale­ment ce lieu de socia­li­sa­tion si essen­tiel. Stimu­ler le désir d’ap­prendre, ce n’est pas gaver les enfants de savoir, mais plutôt se poser des ques­tions avec eux, en les lais­sant s’in­ter­ro­ger. 

Peut-on craindre de la phobie scolaire? Quels sont les signes qui doivent inquié­ter les parents?

La phobie scolaire peut avoir des causes multiples, variables d’un enfant à l’autre. On oublie souvent que gran­dir est diffi­cile. Eduquer, c’est d’abord soute­nir son enfant confronté à des diffi­cul­tés.

Quand un enfant ne veut pas retour­ner à l’école, il s’agit de savoir pourquoi. Souvent il ne l’ex­prime pas direc­te­ment comme un adulte. Chaque enfant a sa façon d’ex­pri­mer son malaise ou ses diffi­cul­tés. Il s’agit de rester dispo­nible à son égard, par moments, et de ne pas toujours tout savoir pour lui. 

L’as­sas­si­nat de Samuel Paty place l’école dans un climat double­ment anxio­gène. Que peut-on dire aux enfants à ce sujet, y compris aux plus jeunes suscep­tibles d’en­tendre les plus grands en parler?

Là encore, chaque parent en parlera à sa façon et selon la person­na­lité de son enfant. On peut dire des choses inquié­tantes à un enfant, car c’est aussi lui apprendre à se débrouiller dans un monde diffi­cile. Il faut miser sur l’in­ven­ti­vité de l’en­fant et sa façon de se débrouiller avec la vie. Parfois d’une façon très diffé­rente de celle de ses parents. Mais bien sûr le soutien des adultes est très précieux.

Avez-vous vu appa­raître de nouveaux troubles chez les enfants qui viennent vous consul­ter?

Non. Les enfants me parlent parfois de cauche­mars rela­tifs à l’épi­dé­mie. Le manque des copains et copines est souvent diffi­cile à suppor­ter, celui des grands-parents égale­ment avec parfois quelques inquié­tudes à leur endroit. Ce ne sont pas des troubles très diffé­rents de ce qu’on voit d’ha­bi­tude.

On a tendance à parler des aspects néga­tifs de ce que nous traver­sons, mais avez-vous aussi constaté chez les enfants des chan­ge­ments posi­tifs, notam­ment dans le cadre fami­lial?

Le confi­ne­ment a pu consti­tuer un temps de ponc­tua­tion, de fabu­leux ralen­tis­seur de nos vies parfois très mouve­men­tées, voire très program­mées. Certaines familles se sont retrou­vées et ont inventé ensemble un nouveau quoti­dien même si les condi­tions n’étaient pas toujours des plus faciles. Mais pour d’autres, le relais de la famille plus élar­gie ou d’ins­ti­tu­tions dont l’école a cruel­le­ment manqué. 

Par Clarisse Bioud

© Illus­tra­tion de Camille Gabert

© Camille Gabert

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