Chaque semaine que durera ce confinement, Grains de Sel part à la rencontre d’une famille vivant à Lyon ou ses environs. Elle nous partage son expérience de cette période, les coups de mou comme les beaux moments, mais aussi ses idées pour tenir le coup et ce qu’elle espère pour la suite. Découvrez maintenant le quotidien d’Elodie, Sébastien et leurs deux fils.
Le confinement, Elodie et Sébastien le connaissent bien. Ils y ont été habitués, dans leur vie d’avant, lorsqu’ils habitaient en Martinique où les cyclones menacent fréquemment la population: “On nous imposait alors un confinement de deux à trois jours. Mais la grande différence aujourd’hui, c’est qu’on ne sait pas quand le cyclone va passer: on ne connaît pas la date de fin du confinement!” explique Sébastien. “C’est cette absence de perspectives qui est la plus difficile à gérer”, confirme son épouse, Elodie. Après avoir profité là-bas d’une maison avec jardin, le couple arrivé en Métropole l’an dernier, habite avec ses fils, un appartement en duplex, avec deux chambres, à Caluire-et-Cuire. Ils se réjouissent de ne pas avoir de voisin, ni au-dessus, ni au-dessous.
Âgés de 7 et 5 ans, Esteban et Raphaël ne semblent pas être angoissés par la situation. “Même si on a beaucoup regardé le journal télévisé avec eux au début, on leur a toujours expliqué ce qu’il se passait, en les rassurant notamment sur l’état de santé de leurs grands-parents. Et on leur demande régulièrement comment ils se sentent”, indique Sébastien. Il n’en reste pas moins que les deux garçons vivent différemment le confinement. “Mes copains et ma maîtresse me manquent et je m’ennuie un peu à la maison”, déplore l’aîné, en CE1 et habitué à faire du multisport le mercredi après-midi. “Moi, j’aime bien parce qu’on travaille moins qu’à l’école”, se réjouit le plus jeune, en Grande Section de Maternelle. Mais tous les deux reçoivent des devoirs de la part de leurs enseignantes.
Après un réveil naturel vers 8 heures 30, ils se mettent au travail une heure plus tard, pour toute la matinée. « Raphaël a peu de choses à faire, explique Elodie, ce sont des manipulations, des chants… Or à cette période, il y a normalement des apprentissages cruciaux pour la suite, que ce soit dans la tenue du stylo ou en phonologie… Il faut le nourrir un minimum avec un contenu adapté.” La difficulté consiste aussi à qu’il ne déconcentre pas Esteban qui, lui, a plus de travail. Pour les encourager, Elodie et Sébastien ont mis en place un système de récompense, sur Lalilo, une application de lecture, que les garçons utilisent avec plaisir: “En plus, ça les fait progresser, sans se fixer d’objectifs!”
Une maîtresse à la maison
Si Esteban et Raphaël sont si bien accompagnés pour faire la classe à la maison, c’est aussi parce qu’Elodie est elle-même enseignante en Elémentaire. A ce titre, elle envoie chaque semaine des devoirs à ses élèves de CM1. “C’est aujourd’hui, au bout de quatre semaines de confinement, que je commence à avoir des retours, mais seulement de la part de 5 familles sur 25”, regrette la jeune femme, qui leur demande pourtant régulièrement comment elles vont, où en sont leurs enfants, ce qu’elle pourrait éventuellement améliorer. “J’ai appris par exemple qu’une famille avait galéré trois semaines, sans oser me le dire. Elle n’avait pas de difficultés matérielles particulières, mais les parents étaient très pris par leur propre travail”, explique-t-elle.
Loin de leur jeter la pierre, Elodie les comprend très bien: “Quand j’aide Esteban à faire ses devoirs, je suis incapable de faire autre chose à côté!” Peu importe le manque de retours: elle s’évertue à maintenir le lien coûte que coûte via l’espace numérique de travail qu’elle avait eu la bonne idée de créer avant même le confinement. “J’ai mes petits rituels: par exemple, chaque semaine, j’enregistre une dictée, et demain, pour la première fois, je tente une leçon en visio.” La jeune femme met aussi tout en oeuvre pour faciliter la vie des familles: “J’essaie d’envoyer des choses qui peuvent se faire en autonomie.” Mais, comme nombre de ses collègues dans tout l’hexagone, elle s’inquiète des écarts en train de se creuser entre les enfants.

Des sorties tous les trois jours
L’activité de Sébastien s’est trouvée, elle, considérablement ralentie. Commercial indépendant dans le secteur de la presse, il a néanmoins la chance d’avoir des clients en Martinique où les affaires reprennent tout doucement. Et puis décalage horaire oblige, il est davantage disponible en journée pour sortir avec les enfants. “Mais nous le faisons seulement tous les trois jours, pendant 30 à 45 minutes. Les journées passent vite finalement”, explique-t-il. Elodie lui confie cette tâche sans sourciller: “Ca m’angoisse de sortir! Au début, comme je côtoyais des enfants, j’avais peur d’être porteuse du virus et donc de contaminer les autres. Et puis j’aime bien rester chez moi, le nez plongé dans un bouquin.”
C’est Sébastien qui se charge également des courses: “On n’a pas fait partie de ceux qui ont paniqué et qui se sont constitué des stocks, mais c’est vrai que les commerces ont été très vite saturés. On procède par drive dans les supermarchés ou chez des producteurs qui mettent le panier directement dans le coffre de la voiture, sans contact. On s’adapte: par exemple, on ne trouve plus de farine au supermarché mais à la supérette du coin de la rue!”
Une bataille navale à distance
Globalement, Elodie et Sébastien trouvent que leur confinement se passe bien. Ils y voient même des effets positifs, notamment chez leurs fils et dans les liens enrichis avec les grands-parents. “Les garçons, qui étaient habitués à sortir tous les jours, ont redécouvert leurs jouets. Esteban s’est par exemple régalé à faire un puzzle de 1000 pièces!” Elodie et Sébastien ont même eu l’idée d’organiser un jeu de bataille navale avec les grands-parents: “On leur a envoyé une grille et tous les deux jours, les enfants les appelle pour jouer avec eux, ce qui nous laisse au moins une demi-heure de tranquillité!” sourit Sébastien avant d’ajouter: “En ayant vécu Outremer on avait l’habitude de vivre les choses tous les quatre et de compter les uns sur les autres. Mais avant, quand on sortait, c’était forcément pour faire quelque chose. Maintenant, on fait ensemble.”