Alors que le repas idéal s’appréhende comme un moment de plaisir et de partage, il peut en réalité, pour les enfants, prendre l’allure d’une véritable bataille. L’ennemi numéro 1: les légumes. Afin de réconcilier ses gones avec ces aliments essentiels à un bon équilibre alimentaire, Grains de Sel a mené l’enquête. Au menu: l’éclairage de professionnels, une sélection d’astuces et des recettes.
« Ne pas forcer, mais reproposer souvent en petites quantités »
Le docteur Jean Stagnara, pédiatre à Lyon dans le 6e arrondissement, nous livre son point de vue sur la relation parfois complexe des enfants aux légumes et nous donne des pistes pour l’améliorer.
Qu’apportent les légumes dans l’alimentation? Pourquoi sont-ils essentiels?
Les légumes sont remplis de vitamines; ils facilitent le transit intestinal grâce aux fibres, et représentent un apport équilibré au niveau calorique. Ils favorisent une bonne santé et permettent de prévenir les risques de surcharge pondérale.
Pourquoi certains enfants ont-ils tant de mal à manger des légumes?
Il faut savoir que dans l’immense majorité des cas, les enfants, à tout âge, les accueillent très bien dans leur alimentation. Mais il est vrai que les goûts, très tôt, varient en fonction de chacun. On observe aussi que les parents transmettent aux enfants leurs propres préférences. Si tel ou tel légume leur est désagréable à manger, il le sera souvent aussi pour les plus jeunes. D’où l’importance pour eux de montrer l’exemple. Le cadre peut également jouer. Pour s’affirmer, un enfant ne mangera pas toujours facilement les légumes avec ses parents, mais avec l’assistante maternelle ou les grands-parents, il arrive qu’il le fasse plus aisément. Par ailleurs, certains enfants n’aiment pas la nouveauté, c’est ce qu’on appelle la néophobie alimentaire.
Quelles sont vos recommandations pour encourager les enfants à manger des légumes?
Je recommande chez le tout-petit de mettre l’eau de cuisson du bouillon de légumes à la place de l’eau du biberon, pour lui apporter un autre goût, salé, non habituel. Quand l’enfant passe de la succion à la mastication, il est bon de lui donner l’habitude de mastiquer avec, par exemple, des pommes de terre ou une carotte bien cuites, fondantes, mais pas complètement écrasées. Je conseille d’y aller progressivement en commençant par un légume un jour, un autre le suivant, pour que l’enfant s’habitue aux nouveaux goûts, aux nouvelles textures. Et éviter ainsi le syndrome des petits pots.
Qu’entendez-vous par syndrome des petits pots?
C’est lorsque l’enfant recrache un morceau de légume après en avoir mangé un. À mon sens, il faut faire attention avec les petits pots car, même s’ils sont très commodes, ils ont tous la même consistance. Le fait-maison reste donc une bonne recommandation, au moins le mercredi ou les week-ends.
Que pensez-vous des jus de légumes?
Je n’ai rien contre. Les jus de légumes peuvent ouvrir à de nouvelles saveurs et permettre de découvrir des légumes plus rares, qu’on n’a pas l’habitude de cuisiner.
Pourquoi ne faut-il pas forcer un enfant à finir son assiette?
Il est essentiel de respecter l’appétit de l’enfant. Ce dernier doit réguler la quantité, tandis que les parents apportent la qualité. Si on force un enfant, il finit parfois par développer une opposition franche et on peut voir apparaître des phénomènes d’anorexie. Au lieu de forcer, l’idée est plutôt de reproposer régulièrement, en petites quantités. De plus, il est important pour le parent de respecter le rythme des enfants concernant l’heure des repas, pour éviter les tensions. Le soir, il ne faut pas manger à tout prix avec les parents si l’heure est tardive. Le déjeuner et le dîner doivent être des moments de plaisir. Le repas doit rester un moment convivial et non un temps à expédier à toute vitesse.
À quel stade un parent doit s’inquiéter?
Je dirais d’abord qu’il vaut mieux prévenir que guérir. L’idée est vraiment de repérer et conseiller avant que cela représente un blocage. L’avantage des consultations pédiatriques est que l’on voit régulièrement les enfants, à travers notamment des examens annuels à 24 mois, 3 ans, 4 ans, 5 ans, etc. On suit régulièrement l’IMC: entre 4 et 6 ans, l’enfant doit être plutôt maigre. S’il est un peu rond à cet âge-là, il faut revoir ses habitudes alimentaires.
Pourquoi les enfants n’ont-ils pas autant d’aversion pour les fruits?
Tout simplement parce qu’ils sont plus sucrés! Le sucre est toujours accueilli plus facilement. Attention tout de même, si on prend peu d’entrées, ce n’est pas une raison pour prendre une double ration de dessert.
Des initiatives locales pour redorer le blason des légumes
Des ateliers
C’est en passant par l’émotionnel et la pratique que l’association lyonnaise La Légumerie entend réconcilier les enfants et leurs parents avec le mieux-manger, et notamment les légumes. Une nouvelle enthousiasmante, surtout quand on apprend que cet objectif induirait, dans le même temps, un réel mieux-être. Avec pour mission principale de créer du lien social, les membres de l’association ont développé deux types d’activités: la cuisine participative (durable, de saison, et biologique) et des ateliers de jardinage en agro-écologie, inscrits dans une démarche permacole. « On s’adresse à tous les publics de la Métropole de Lyon, des enfants dès 18 mois jusqu’aux personnes en Ehpad », souligne Clémentine Angonin, chargée de projets et d’animations pour l’association. La Légumerie intervient lors de fêtes de quartier en installant de grandes cuisines participatives. Elle propose aussi, dans certaines crèches, des ateliers enfants ou parents- enfants. « Ces expériences permettent de se connecter et de vivre une activité positive et bienfaisante. De plus, pour les tâches plus tech – niques, en cuisine comme en jardinage, on accompagne les enfants, en cherchant à montrer à leurs parents qu’ils sont capables de faire beaucoup de choses. » Parmi les démarches de l’association, figure le projet Pacap (Petite enfance, alimentation, corpulence et activité physique). « À travers ce projet, on souhaite donner envie aux enfants et aux parents de consommer davantage de produits frais, et de se questionner sur une alimentation durable, équilibrée, saine. Comment? Il existe plein d’astuces ludiques! Les plus jeunes peuvent observer les légumes entiers pour ensuite les découper, les transformer et les goûter aux différentes étapes. Ils peuvent aussi découvrir les couleurs par cet intermédiaire. Ça fonctionne bien, les enfants y prennent réellement du plaisir et en redemandent ! », affirme Clémentine Angonin.
Les jardins partagés
Depuis quelques années déjà, fleurissent dans la Métropole des jardins partagés, conçus et cultivés par des habitants d’un quartier réunis en association. Certains d’entre eux ont un rôle pédagogique : Les Coccinelles de Sans-Souci dans le 3 e arrondissement, le jardin de l’îlot d’Amaranthes dans le 7 e … Pour Laurent Kocab, membre de l’association Le Passe-jardins, « Ces jardins permettent un éveil à la nature en ville, au jardinage. En découle souvent un éveil à l’alimentation saine. Les enfants acceptent plus aisément de manger des légumes quand ils savent d’où ils proviennent: ils les ont vus pousser, ils les ont même parfois plantés eux-mêmes ! »
Les joies de la cueillette
Quelques kilomètres en voiture et nous voici arrivés, non loin de Lyon, dans une ferme ouverte à la libre cueillette. Une brouette, des paniers et des emballages, et c’est parti! On peut profiter d’une promenade en famille pas comme les autres, où l’on s’en va cueillir des fruits et des légumes au fur et à mesure de son avancée. Il s’agit non seulement d’une expérience ludique, conviviale, mais en plus d’une démarche qui valorise l’origine locale, les produits de saison, et, bien sûr, les saveurs et la fraîcheur des aliments. Une manière supplémentaire de réconcilier ses gones avec les légumes.
La fantaisie dans l’assiette
On le sait, la présentation influence l’appréciation des plats. Les légumes ne font pas exception. Selma Lazreq et Marie-Line Margier, deux mamans très actives, l’ont bien compris. En développant le concept de ludo-nutrition à Tassin-la-demi-Lune, elles souhaitent encourager une alimentation équilibrée chez l’enfant en détournant les classiques de la malbouffe en produits sains. À travers leur marque, La Popote compagnie, elles proposent des plats préparés sans additifs, qui mélangent les saveurs. Le rendu est étonnant. En témoignent leurs « boulettes trop chouettes » bœuf-carotte-citronnelle ou leurs « nuggets qui ont du pep’s » poulet-petits pois-emmental. Les recettes, aujourd’hui au nombre de six, sont destinées aux 5–14 ans.