Cette 16e édition de la Biennale est si enthousiasmante que nous avions envie, après avoir visité
les trois lieux principaux qui l’accueillent, de vous partager nos dix œuvres coups de cœur, à aller
voir ou revoir avec vos enfants.
Aux usines Fagor
1– We were the last to stay, de Hans Op de Beeck
C’est à nos yeux le choc de Fagor, et peut-être même de la Biennale ! Occupant la totalité d’un hangar, ce qui ressemble à un camping abandonné est entièrement recouvert de peinture grise, comme gisant sous la cendre. C’est triste car toute vie semble avoir soudainement disparu, du fait d’une guerre ou d’une catastrophe écologique, comme en témoignent ces jouets inanimés au sol ou ces restes de repas… Mais cette immensité monochrome et silencieuse est aussi sublime. Elle suscitera l’étonnement des enfants qui parcourront l’œuvre en quête de réponses.
2– Moss people, de Kim Simonsson
Sont-ce les mini-messagers d’une autre planète, venus nous alerter des dangers que nous faisons courir à la nôtre? Une troupe de créatures enfantines de couleur verte, comme faites de mousse végétale (il s’agit en fait de céramique recouverte de fibre de nylon), forment le corps d’une armée pacifiste mais rebelle, harnachée de sacs et de feuillages. L’artiste étant finlandais, on pense aux elfes des contes nordiques, mais aussi aux héroïnes de Miyazaki toujours en étroite relation avec la nature ou aux personnages de mangas et de jeux vidéo.

3– Growths, de Eva Fabregas
On ne sait pas trop si l’on se balade sous les organes et boyaux d’un individu plus ou moins en bonne santé ou si on a affaire à de gros bonbons aux drôles de formes boursouflées. Même s’il semble plutôt s’agir de la première option, on peut décréter préférer la seconde, tout au plaisir d’observer ces rondeurs pomponnées de couleurs chair et rose Malabar. On aimerait les toucher, les malaxer, voire les croquer.
4– Statless / Weird family de Sylvie Selig
L’artiste utilise différents supports pour créer une touchante fantasmagorie, qui se déploie sur 50 mètres. Il y a des peintures à l’huile et une famille de personnages mi-hommes mi-bêtes réalisés à partir de mannequins de couturière, de papier mâché et d’objets de récup’. Sont-ce les membres d’anciennes tribus disparues en costumes rituels ? Étrange et totale, l’œuvre excite nos imaginaires, a fortiori celui des plus jeunes.
5– Virgo, de Pedro Gomez-Egaña
Cette vaste installation aligne 29 parois, au sein desquelles on reconnaît les différentes pièces d’un appartement, familières mais rétrécies, résumées aux objets qui caractérisent leur fonction. Le lit pour la chambre, le porte-crayon du bureau, le lavabo de la salle de bain… Un ingénieux système de rails permet de faire circuler le décor à travers les panneaux. On croirait la cinquième dimension introduite chez Ikea.
Au musée Guimet
6– Grafted memory system, de Ugo Schiavi
L’installation occupe une grande partie de la grande salle du musée Guimet, qui est déjà une œuvre en soi laissée dans son jus après sa longue fermeture. Ces immenses serres empilées, évoquant les grandes heures des expositions d’histoire naturelle, montrent une vision dystopique de l’abandon du musée.
S’y enchevêtrent des plantes, des écrans vidéo, des déchets, des ossements baignés par un son légèrement flippant. Mais c’est très beau.

7– Mater, de Lucile Boiron
Dans la coursive qui surplombe la grande salle, on tombe en arrêt et en amour devant ces magnifiques photographies qui dégoulinent littéralement des vitrines pour montrer le corps féminin, sous toutes les coutures et dans toute sa longévité. C’est charnel, organique, érotique. Les enfants ne comprennent pas forcément d’emblée le propos, mais ils seront saisis par la beauté de ces images aux couleurs éclatantes.
8– Plague, de Puck Verkade
C’est assis au milieu de frites géantes, un peu comme si on était des saucisses au centre d’une assiette, qu’on assiste à la vidéo délirante d’une mouche qui veut se débarrasser de l’espèce humaine et d’une ménagère consumériste. Le graphisme, faussement naïf, évoque la maladresse d’animations en pâte à modeler. On ne comprend pas tout, mais les enfants – y compris les plus petits – rigolent bien.

Au Mac de Lyon
9– Le Sang du phénix, de Nicolas Moufarrege
Les œuvres présentées au musée d’art contemporain sont les moins directement accessibles aux enfants. Mais ils n’y verront rien de choquant et il est intéressant de leur montrer la richesse des formes que peut prendre l’art contemporain aujourd’hui. Il en va ainsi des tapisseries et broderies, présentes dans l’expo Beyrouth et les Golden Sixties qui retrace une riche période artistique de la capitale libanaise. L’œuvre de Moufarrege évoque avec onirisme la guerre du Liban. Son graphisme est étonnant de précision comme celui d’autres tapisseries exposées à Fagor mais créées par des artistes contemporains.
10– Les peintures de Khalil Zgaib
Dans la même expo, on découvre avec émotion les toiles de ce peintre né en 1911, barbier de métier et venu à la peinture en autodidacte à la quarantaine. Son style naïf lui sert à illustrer des événements marquants survenus dans sa ville, comme pourraient le faire des enfants. Ceux-là seront attirés par la précision de ses soldats et navires de guerre et chars, dont les couleurs n’ont rien perdu de leur éclat malgré soixante ans passés.
16e Biennale d’art contemporain de Lyon. Dès 5 ans. Jusqu’au 31 décembre 2022.
• Usines Fagor, 65 rue Challemel-Lacour, Lyon 7e
• Musée Guimet, 28 boulevard des Belges, Lyon 6e
• Mac de Lyon, Cité internationale, 81 quai Charles-de-Gaulle, Lyon 6e
Visites guidées et ateliers proposés aux enfants et / ou familles : labiennaledelyon.com
Article rédigé par Clarisse Bioud et François Mailhes • Photo d’ouverture : Hans Op de Beeck, We were the last to stay, 2022 © ADAGP, Paris, 2022 / Blandine Soulage