Mais voyons, une princesse, ça fait du cheval et pas du judo. Et un prince charmant, ça préfère changer la roue de son VTT plutôt que d’apprendre la danse classique. Grains de Sel vous invite à faire un tour d’horizon de quelques activités sportives trop vite stéréotypées, mais qui font du bien aux minots.
Le cheval, meilleur ami… de la femme
“Sans exagérer, je pense avoir parmi mes plus jeunes licenciés au moins 95 % de filles”. Pour Olivier Rubinot, directeur du centre équestre de Lyon-Parilly à côté de l’hippodrome, ce criant déséquilibre dans la parité est toujours un mystère. Il y a quarante ans, c’est son agriculteur de grand-père dans le Jura qui lui met le pied à l’étrier en lui offrant un poney. D’aussi loin qu’il se souvienne, il a toujours été fasciné par la majesté et la classe de l’animal. “Le cheval est fascinant et complexe. Il faut être patient, téméraire pour gagner sa confiance. Ce n’est pas toujours simple mais ça permet d’apprendre la persévérance et le dépassement de soi » avant d’ajouter « alors oui, les filles sont supposées plus méticuleuses et attentionnées que les garçons… mais quand même”.
À Lyon-Parilly, les cours débutent dès 3 ans. “Avec les deux monitrices que j’emploie, on leur apprend à s’occuper des poneys. Au bout d’une année, les enfants savent trotter. Les plus dégourdis à galoper”. Dans son centre équestre, ils (et surtout elles) sont un demi-millier (de tous âges) à monter par semaine.L’équitation est le troisième sport en France après le football et le tennis. Avec deux millions de pratiquants recensés en 2018, il est le premier sport féminin – 83 % de cavalières. Ils sont seulement 17 % à trouver que le cheval c’est vraiment trop génial.
Alors ? On danse ?
Même déséquilibre dans une autre pratique artistico-sportive très typée “fille”, la danse. Florence Meunier dirige l’Académie de Danse Lyon 7 depuis 1990, où l’on croise autant d’amateurs que de professionnels. Diplômée de l’association française des maîtres de danse classique, elle reconnaît que, dans sa discipline, on ne compte que “10 % de garçons. Il y a toujours cette barrière mentale qui vient peut-être des parents mais aussi du fait que dans la danse classique, ce sont les garçons qui mettent en avant les filles” avant d’ajouter que “les Latins et les Africains se posent moins cette question de genre”.
Pourtant, la directrice ne voit que des avantages pour les petits garçons à pratiquer la danse – qui a été codifiée par un homme, Louis XIV lui-même danseur. “La danse, c’est une autre façon de se muscler, d’éduquer le corps. Ça demande beaucoup de maintien. On y apprend le rythme et à se sentir bien dans son corps”. Dans son académie, les petits garçons à avoir débuté tôt (dès 5 ans) se comptent sur les doigts d’une main. Ces dernières années, elle a constaté que la danse moderne – et le hip hop en tête – a réussi à faire voler en éclat les stéréotypes de genre et amener de la mixité. Quand bien même, le breakdance reste mu culturellement par des notions de performances. Un peu triste, Florence concède qu’un “petit garçon dira plus facilement à ses copains qu’il fait du hip hop que de la danse classique”.
La boxe, ce n’est pas que pour les garçons
S’il y a bien un sport qui prend le bon chemin de la mixité, c’est la boxe. Lors des jeux olympiques de Rio en 2016, les boxeuses françaises ont fait une razzia sur les médailles. De quoi mettre au tapis les préjugés genrés qui collent de moins en moins au noble art. En seulement trois ans, le nombre de licenciés “a bondi de 43 000 à 52 000, avec une part de femmes passée de 18 à 25 %” indique Kévin Rabaud, directeur technique national de la fédération française de boxe. Et les enfants dans tout ça ? “On voit des petites filles, dès 6 ans et demi, qui commencent à s’inscrire à nos cours. Et je peux vous dire qu’elles sont sacrément douées !” constate Sadi Mechicche, manager général du mythique club Lyon Boxe. Mais alors, violente la boxe ? Pas tant que ça : elle est surtout un incroyable catalyseur d’énergie, une sacrée école de la vie, un cadre où les règles sont primordiales. En somme, un outil pédagogique qui muscle les membres, la tête et la confiance en soi.
Le basket-ball, bon élève de la mixité ?
Lorsque vous passez à proximité d’un playground (comprendre terrain de basket en extérieur), jetez donc un œil. Il n’est pas rare de voir une, deux, voire trois filles qui partagent la gonfle avec quelques échalas. Le basket-ball serait-il le terreau nourricier de la mixité ?
À échelle nationale, tous niveaux et âges confondus, on compte plus de 35 % de filles sur les parquets français. Cette proportion reste la même dans le département du Rhône qui compte quelques 19 000 détenteurs de licences. Florence Bouvier, référente mini-basket pour le Comité du Rhône Métropole de Lyon Basket-ball, est du genre à s’enthousiasmer de cette belle mixité. Comment explique-t-elle justement cette engouement pour la balle orange ? “C’est vrai que dans le basket, on a la chance d’avoir des joueuses de talent qui ont commencé tôt. La médaille d’argent des féminines aux Jeux Olympiques de 2012 a beaucoup joué.
Après, les clubs ont lancé beaucoup d’initiatives pour recruter des filles. La fédération a également réalisé des opérations dans les écoles primaires et élémentaires”. Elle-même basketteuse et éducatrice sportive de formation, elle ne voit que des avantages à pratiquer ce sport qui “apprend à vivre en collectivité, les règles de la communauté. C’est excellent pour la motricité. Et puis, c’est vraiment complet parce que la tête travaille autant que les bras et les jambes ”. Autre atout selon elle : “le basket-ball a bonne réputation, il n’y a pas de combat, pas de violence”. Jusqu’à la catégorie U11 (les moins de 11 ans), le basket-ball en équipe est 100 % mixte. De quoi apprendre aux petites filles à cohabiter dès le plus âge avec des petits garçons. Et inversement.
Le foot, une histoire de bonhomme ?
Les préjugés ont la dent dure sur le terrain et dans les mentalités.Heureusement, il y a des filles comme Emmie, graine de championne de 11 ans, qui brisent les stéréotypes de genre à grands coups de patates dans la lucarne.
Selon les toutes récentes estimations de la fédération française de football (juin 2018), il y a, en France, près de 2,2 millions de licenciés dont moins de 170 000 sont des filles. Étrange. D’autant plus lorsque l’on compare – à échelle locale – les résultats sportifs du club phare l’Olympique Lyonnais : les filles écrasent tout sur leur passage (championnes de France depuis 2007 et quintuples championnes d’Europe) tandis que les garçons ont peiné à accrocher le podium de la Ligue 1. De quoi faire naître des vocations. Emmie, 11 ans, est un peu tombée dans le chaudron par hasard, notamment grâce à sa BFF (best friend forever) Abigail qui lui adit “viens, on essaye”. Si sa copine a vite laissé tomber, Emmie n’a jamais lâché l’affaire.
Entre le petit bout de femme et le ballon rond, cela fait six ans que ça dure. Elle a commencé à 5 ans du côté de l’AS Bellecour, un club mixte. “J’aime bien jouer avec tout le monde, avoir une équipe”, assure-t-elle. Une passion dévorante qui a laissé, au départ, perplexe sa mère Alexandra. De son propre aveu, elle reconnaît “n’absolument rien y connaître. Lorsque j’assistais à mes premiers matchs et que l’entraîneur criait « pressing, pressing » j’étais du genre à me demander s’il fallait aller laver des vêtements. Je partais de loin. J’avais quelques a priori aussi, un peu peur de croiser des parents un peu intenables. Et en fait, non”. Résultat des courses : elle accompagne désormais sa fille à tous les matchs. Et même jusqu’à Barcelone pour un tournoi international 100 % féminin. Ne comptez pas sur Alexandra pour persuader sa fille de lâcher le ballon pour des activités jugées plus “fifille” selon les critères de pression sociale. “Je vais l’emmener jusqu’où elle voudra aller. Emmie sait que je suis derrière elle. Elle a les cheveux longs jusqu’aux fesses et sait rester une petite femme. Le foot est en elle, ça la passionne.”
Et les garçons dans tout ça ?
Comment perçoivent-ils le fait de voir une fille jouer au foot ? “Même son frère trouve l’implication d’Emmie dingue” lance la maman. “Dans le football, les garçons ont des choses à régler avec leur ego – les filles n’étant pas assez représentées, dans leur tête, une fille ça ne joue pas au foot”. Et Emmie de se souvenir d’une anecdote :“Un jour, alors qu’on faisait une partie avec des copines, des garçons sont venus et ont rigolé parce qu’on était des filles. On leur a proposé de faire un match. À mon deuxième but, je suis allée vers eux et leur ai dit : « Alors, on rigole toujours ? ». On a gagné 4–0”.
Emmie a aujourd’hui 11 ans et elle suit un cursus sport-étude au collège- lycée Saint-Louis-Saint-Bruno. “De 8 heures du matin à 14h40, j’ai cours et l’après-midi j’ai foot”, détaille-t-elle. “Et puis avec mon club où je joue attaquante, le Caluire Foot (ndlr : qui a sa propre équipe féminine), j’ai deux entraînements par semaine les mardi et vendredi”, ajoute-t-elle. Alexandra de renchérir : “Le vendredi, je peux vous dire qu’elle est cramée de fatigue !”. Les 8 et 9 juin prochains, si vous souhaitez prendre la mesure du talent d’Emmie et la beauté tactique du foot féminin, elle enchaînera les buts du côté de Lyon pour le Tournoi des Fenottes organisé par le FC Lyon au stade Clos Loyat dans le 8e.
Merci à Emmie la footballeuse et Violette la boxeuse, d’avoir joué les mannequins pour Grains de Sel.
Par Antoine Allègre • Photos : Susie Waroude