Avec le réchauf­fe­ment clima­tique, les stations de ski font face à un ennei­ge­ment de plus en plus aléa­toire qui ques­tionne la dura­bi­lité d’un modèle écono­mique fondé sur le ski alpin. D’où la néces­sité pour les collec­ti­vi­tés de déve­lop­per un tourisme écores­pon­sable moins dépen­dant de la neige. Autour de Lyon, certaines stations entament leur tran­si­tion vers un modèle quatre saisons, voire anti­cipent la fin du ski. Ce qui n’em­pêche pas d’y trou­ver de chouettes acti­vi­tés pour profi­ter de la monta­gne… même sans neige !

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À Cham­rousse (Isère), on diver­si­fie les acti­vi­tés pour moins dépendre du ski

Plébis­ci­tée des Lyon­nais, Cham­rousse, station de moyenne montagne en Isère, est le terri­toire où fut testé Clim­snow. Déve­loppé par Météo-France et l’INRAE*, cet outil permet d’es­ti­mer à moyen et long terme la varia­bi­lité de l’en­nei­ge­ment et donc aux stations d’adap­ter leur stra­té­gie touris­tique. Et d’après les esti­ma­tions, « Cham­rousse est plutôt bien situé pour avoir un recul de neige moins rapide, rapporte Sophie Delastre, char­gée de mission Envi­ron­ne­ment à Cham­rousse. Pour autant, il ne faut pas se dire qu’on a le temps de voir venir. On se rend compte que l’évo­lu­tion de l’en­nei­ge­ment n’est pas linéaire mais qu’il devient chao­tique : il est possible qu’on ait des années sans neige dans les 30 ans à venir. Sans comp­ter que l’ou­til doit être actua­lisé selon les dernières études du GIEC qui montrent que le réchauf­fe­ment clima­tique est plus rapide que prévu.  »

D’une station de ski à une station de montagne

Alors Cham­rousse entame sa « trans­for­ma­tion en station de montagne quatre saisons  » et diver­si­fie ses acti­vi­tés pour propo­ser des loisirs pouvant se faire aussi bien sur neige que sans. Parmi elles, un projet de luge sur rail et une tyro­lienne géante mise en service cet été. La station, qui béné­fi­cie d’un point culmi­nant à 2 250 mètres, mise aussi sur son patri­moine géolo­gique et a installé une passe­relle hima­layenne au-dessus du couloir de Casse­rousse.

Les accom­pa­gna­teurs de montagne proposent, eux, des sorties à thème – à pied ou en raquettes – sur le chant des oiseaux ou encore sur le retour du loup dans les montagnes (dès 6 ans). Des jeux de piste sont aussi pensés pour tous les âges : le parcours du Petit Monta­gnard (dès 3 ans) mènera les familles d’énigme en énigme à la décou­verte des animaux. L’Ex­plor Games, lui, plon­gera les ados dès 12 ans dans le Cham­rousse de diffé­rentes époques grâce à une tablette numé­rique.

Flocon Vert est le réfé­ren­tiel le plus exigeant qui existe pour amener stations et élus à se poser les bonnes ques­tions

Camille Rey-Gorrez

Une station label­li­sée Flocon Vert

« Cham­rousse a tout pour réus­sir sa tran­si­tion. Mais elle vient d’in­ves­tir dans une rete­nue colli­naire, regrette Valé­rie Paumier. À ces alti­tudes-là, on ne devrait plus inves­tir dans le produit neige.  » Ce qui n’em­pêche pas la station d’être label­li­sée Flocon Vert. Créé par l’as­so­cia­tion Moun­tain Riders, le label accom­pagne les stations dans leur tran­si­tion d’après un cahier des charges actua­lisé en 2022. « À Cham­rousse, le poids du ski dans le modèle global est encore trop fort, mais ils sont déter­mi­nés à avan­cer, indique Camille Rey-Gorrez, direc­trice de l’as­so­cia­tion. Flocon Vert est le réfé­ren­tiel le plus exigeant qui existe pour amener stations et élus à se poser les bonnes ques­tions. Mais on ne trans­forme pas une collec­ti­vité du jour au lende­main. »

Réfé­rente Flocon Vert à Cham­rousse, Sophie Delastre explique la démarche de label­li­sa­tion, semée d’au­dits régu­liers pour attes­ter une démarche de progres­sion de la part des stations. « Le label peut être accordé à des stations qui sont à des stades diffé­rents, mais qui s’en­gagent à s’amé­lio­rer, précise-t-elle. Pour les domaines skiables, c’est un outil de suivi très utile qui oblige la Mairie et les remon­tées méca­niques à travailler ensemble.  » À Cham­rousse, le label a permis cette année de faire le bilan carbone de la collec­ti­vité. Il permet aussi la mise en réseau des stations pour parta­ger les bonnes pratiques.


Que faire à Cham­rousse ?

• Balade « Le retour du loup dans nos montagnes », dès 6 ans, jusqu’au 16 avril, tous les jours de 8h à 19h. Tarif : 15 à 25 €. Sur réser­va­tion. Plus de balades auprès du Bureau des guides et accom­pa­gna­teurs de Cham­rousse : guides-cham­rousse.fr – 04 76 59 04 96.
• Jeux de piste, parcours du Petit Monta­gnard : dès 3 ans, durée 45 min, 2 km. Au départ de Cham­rousse 1650 – Recoin. Livret à récu­pé­rer à l’Of­fice du tourisme.
• Explor Games : dès 12 ans, durée 1h30. Départ : Maison de l’En­vi­ron­ne­ment de Cham­rousse. Arri­vée : Croix de Cham­rousse. Télé­char­ger l’ap­pli­ca­tion « Cham­rousse Explor Games® ». Gratuit mais néces­site un forfait pour accé­der à la télé­ca­bine. Jusqu’au 18 avril, aux dates et horaires d’ou­ver­ture de la télé­ca­bine de la Croix de Cham­rousse. Plus de jeux de piste sur cham­rousse.com/jeux-piste-escape-game – 04 76 89 92 65.

Randonnée avec ou sans neige en famille à la station de ski Chamrousse
© Fred Guer­din

À Méta­bief (Doubs), on anti­cipe la fin du ski en 2035


Dans les montagnes du Jura, la station de ski Méta­bief est enga­gée depuis 2015 dans sa recon­ver­sion en station de montagne. Elle y a consa­cré un site, o-doubs.com, qui partage des ressources pour « construire de nouveaux modèles touris­tiques rési­lients ». « L’im­pact du réchauf­fe­ment clima­tique est très fort sur notre terri­toire et risque de rendre l’ac­ti­vité de ski alpin écono­mique­ment non viable à une échéance proche  », peut-on y lire. En 20 ans, le domaine skiable a en effet vu sa limite pluie/neige monter de 200 mètres. Or, la station dépend à 90 % du ski alpin. Et contri­bue à 50 % de l’éco­no­mie touris­tique du terri­toire.

Faire le deuil du ski

Alors, pour ne plus inves­tir à perte dans un modèle tout ski condamné, la station anti­cipe sa recon­ver­sion.
« On imagine la fin du ski alpin à hori­zon 2035, ce qui est fort probable, témoigne Olivier Érard. On le main­tient tant qu’on peut, mais on ne fait plus d’ex­pan­sion de neige de culture. En dessous de 1800 mètres, c’est de plus en plus compliqué d’en faire et nos collec­ti­vi­tés ne peuvent pas nous mettre sous perfu­sion. » La station a aussi cessé d’in­ves­tir dans de lourds équi­pe­ments de ski : elle s’en tient à la main­te­nance et trans­forme certains équi­pe­ments en modèles toutes saisons. Ainsi la luge sur rail est-elle sortie de terre.

La fin de ce modèle est diffi­cile à accep­ter…

Olivier Érard

« La fin de ce modèle est diffi­cile à accep­ter, confie Olivier Érard. La neige, le ski, ça connote l’en­fan­ce… C’est des deuils qu’il faut faire. Ce n’est pas un choix poli­tique, mais un fait avec lequel on est obligé de compo­ser. Il faut tout de suite dire aux terri­toires qui dépendent de stations comme la nôtre: “atten­tion, dans 10–15 ans, le gâteau va dispa­raître.” La tran­si­tion demande beau­coup de psycho­lo­gie et de souplesse pour embarquer les gens. »

Un modèle de tran­si­tion pour les stations de ski

Aujourd’­hui, Méta­bief est un vrai labo­ra­toire d’ex­pé­rience d’une tran­si­tion des stations de ski. Elle est la seule station à recou­rir au plan Avenir Montagne, qui donne des moyens pour « se mettre au service des porteurs de projets hors neige, explique Olivier Erard. L’objec­tif est que des commu­nau­tés d’ac­teurs auto­nomes réin­ventent l’éco­no­mie touris­tique en montagne. Les solu­tions émer­ge­ront si on sait accom­pa­gner, créer les condi­tions de coopé­ra­tion et si on est inven­tifs. »

À titre d’exemple, un maga­sin de sport très axé ski se diver­si­fie en VTT en travaillant avec le parc du Haut Jura. Pour sa démarche vision­naire, en 2021 la station a été choi­sie par l’État pour le lance­ment des États géné­raux de la tran­si­tion du tourisme en montagne. « La façon dont on anti­cipe la fin du ski fait figure de modèle, avoue humble­ment Olivier Érard. Notre retour d’ex­pé­rience inté­resse car on est les seuls à mettre la théo­rie en appli­ca­tion. »


Que faire à Méta­bief ?
• Méta­bief Aven­tures. Parc de jeux avec parcours dans les arbres, tyro­lienne, passe­relle en bois, tram­po­line, tobog­gan, jeux gonflables, tir à l’arc… Dès 3 ans. Ouvert tous les jours de 11h à 18h en février. Tarif : 9€. Les enfants de –12 ans doivent être avec un adulte. 2 chemin du Centre équestre, Méta­bief – 03 81 49 20 14.
• Luge des cimes. Acces­sible toute l’an­née, cette luge sur rails propose un parcours de 710 m de long pour des tours à 40 km/h en vitesse de pointe. La nuit tombée, les lumières et la musique lui donnent des airs de
fête foraine. Dès 3 ans. Tous les jours de 13h à 18h, jusqu’à 20h les mardi et samedi. De 5 à 7 €. Place Xavier-Authier, Méta­bief. station-meta­bief.com – 03 81 49 20 00.

Où dormir à Méta­bief ?
• Chalet en bois des Equi­pages Adam’s. Tenu par une équipe de mushers, ce chalet en bois pouvant accueillir 4 personnes est situé en lisière de forêt et à proxi­mité de la meute de chiens nordiques. Atten­tion, il faut appor­ter son linge de lit et de toilette. Enfants dès 6 ans. À 20 minutes de Méta­bief. Tarifs : 50€ pour deux personnes, 5€ supplé­men­taires par enfant. Combe des Cives, Chaux-Neuve. lesequi­pa­ge­sa­dams.com – 09 75 58 40 83.

Parc Metabief Aventures station de ski Métabief
Parc Méta­bief Aven­tures © Méta­bief Aven­tures

Dans la Drôme, on plante des forêts pour rete­nir la neige

« D’après Clim­snow, en 2050, on aura au mieux un mois et demi d’en­nei­ge­ment en dessous de 1300 mètres, aver­tit le direc­teur des stations de la Drôme Cédric Fermond. On s’est fixé un seuil d’un mois d’ou­ver­ture pour main­te­nir le ski sur une station. D’ici 2030, trois vont certai­ne­ment devoir y renon­cer.  » Alors pour emme­ner ses sept stations de moyenne alti­tude dans la tran­si­tion, la Drôme se montre auda­cieuse. Dans son Plan stra­té­gique des stations 2022–2026, le Dépar­te­ment table sur quatre axes, parmi lesquels tour­ner défi­ni­ti­ve­ment le dos à la neige de culture.

Des forêts au lieu des canons à neige

Une déci­sion basée sur de multiples études pour évaluer l’im­pact de réseaux de neige de culture sur le terri­toire. « Le Vercors est un secteur à enjeu envi­ron­ne­men­tal fort, classé zone Natura 2000, avec des sources et une confi­gu­ra­tion de station atypique  », expose Cédric Fermond. Verdict : un coût finan­cier et envi­ron­ne­men­tal trop élevé. « Ce n’est pas tant le critère écono­mique qui nous a déci­dés, mais l’im­pact sur la biodi­ver­sité, précise Chris­tian Morin, président des stations et conseiller dépar­te­men­tal. Or le Dépar­te­ment met en avant ses espaces natu­rels. Il était plus logique d’en­clen­cher la tran­si­tion. »

Pour fonc­tion­ner sans canons à neige, le Dépar­te­ment mise alors sur les arbres. « On se rend compte que notre premier ennemi, c’est le vent qui chasse la neige, explique Cédric Fermond. Par ailleurs, celle-ci tient mieux dans les zones ombra­gées. » Les stations installent donc des barrières à neige et reboisent les domaines pour que la forêt prenne progres­si­ve­ment le relais. Un projet pion­nier qui débute tout juste. Mais qui sert surtout à alimen­ter les pistes de ski de fond. Pour les pistes alpines, il s’agira d’ac­cep­ter les aléas clima­tiques : « Quand il y aura de la neige, on fera du ski ; quand il n’y en aura pas, on fera autre chose !  », résume le direc­teur des stations.

Quand il y aura de la neige, on fera du ski ; quand il n’y en aura pas, on fera autre chose !

Cérdic Fermond

Des acti­vi­tés modu­lables avec ou sans neige

S’il conti­nue d’in­ves­tir dans le ski alpin au-dessus de 1 300 mètres, le terri­toire drômois entend aussi réduire sa dépen­dance à la neige grâce à des acti­vi­tés plus diver­si­fiées. « On dépend des acti­vi­tés neige à 73 %. On se donne 10 à 30 ans pour l’abais­ser à 58 % », expose le conseiller dépar­te­men­tal. Sous les 1300 mètres, les stations misent donc sur le ski de fond ou le ski nordique, « modu­lables avec ou sans neige et qui se prêtent bien aux espaces sauvages du Vercors  », explique Cédric Fermond. De nouveaux itiné­raires raquettes sont ainsi en cours de bali­sage.

Les stations déve­loppent aussi d’autres acti­vi­tés comme le tir à l’arc. Dès 8 ans, les enfants pour­ront s’ini­tier au stade Raphaël-Poirée de la station du Col de Rous­set ou à travers deux parcours aux stations Font d’Urle et Lus La Jarjatte, en raquettes ou à pied selon les condi­tions d’en­nei­ge­ment. Et, plus inso­lite encore, apprendre le ski… mais à roulettes !


Que faire dans les stations de la Drôme ?
• Balades (en ski nordique ou à pied). Parcours fami­lial « Le sentier du bois du loup » (2,5 km) dès 5 ans. Explor Games « Les fabu­leux mystères du Vercors », une quête pour décou­vrir pourquoi l’eau a disparu sur le Vercors, sur le sentier du Bois du Loup. Dès 8 ans. Tablettes en loca­tion à la station Col de Rous­set. Départ de la station. 18 €/personne. 04 75 48 24 64. « Sentier de l’ours du Vercors » (10,7 km), dès 10 ans.
Plan à récu­pé­rer à la station du Col de Rous­set. Départ de la station. Vue sur les hauts plateaux à la clé.
• Luge sur rail. Dès 8 ans ou en duo parent-enfant dès 4 ans. Station Col de Rous­set. Ouvert selon l’en­nei­ge­ment.
• Tir à l’arc. Dès 8 ans. Stade Raphaël-Poirée de la station Col du Rous­set, ou dans les stations Font d’Urle et Lus La Jarjatte. Durée 45 min/1h.
• Initia­tion au ski à roulettes. Dès 8 ans. Piste de 2 km, stade Raphaël-Poirée, station du Col du Rous­set. Ouvert en février si mauvaise condi­tion d’en­nei­ge­ment, de 13h30 à 17h. Sans réser­va­tion. Maté­riel fourni. Plus d’info sur less­ta­tions­de­la­drome.fr ou auprès de l’Of­fice de tourisme du Vercors-Drôme : vercors-drome.com – 04 75 48 22 54.

Tir à l'arc à la station de ski du Col de Rousset, Drôme
Tir à l’arc à la station du Col de Rous­set, Drôme © DR

Rédigé par Louise Reymond Photo d’ou­ver­ture © Millo Moravski